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Mane : « Avec le nouveau centre d'innovation, nous voulons construire quelque chose de grand »
Interview Alpes-Maritimes # Chimie

Jean Mane président du groupe Mane Mane : « Avec le nouveau centre d'innovation, nous voulons construire quelque chose de grand »

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À l’aube de son 150e anniversaire, le groupe Mane, numéro cinq mondial des fabricants d’arômes et de parfum, veut voir plus grand avec la construction d’un centre d’innovation de 10 000 m2 sur son site industriel du Bar-sur-Loup près de Grasse, pour un investissement estimé à 30 millions d’euros. Le groupe familial emploie près de 1 500 personnes dans les Alpes-Maritimes et plus de 6 600 dans le monde.

Jean Mane est le président du groupe V. Mane Fils, créé en 1871 et devenu depuis Grasse spécialiste mondial des arômes et parfums pour l'agroalimentaire et la cosmétique — Photo : David Morganti

Quel est l’impact de la crise sur l’activité de Mane (CA 2019 : 1,38 Md€) ?

Jean Mane : Nous sommes dans un secteur industriel plutôt préservé. Faisant partie de la chaîne alimentaire, nous sommes considérés comme essentiels. Pour autant, notre chiffre d'affaires sera forcément impacté. En revanche, nous dépendons à 90 % des marchés internationaux et nous voyons qu’en Asie, le virus semble maîtrisé. Nos filiales asiatiques commencent à repartir. C’est un espoir pour nous. Le contact avec nos clients est ce qui nous manque le plus. Il est parfois difficile à distance de comprendre les besoins de nos clients sans être dans des laboratoires à la recherche d’une solution commune.

Qu’est-ce qu’implique ce nouveau confinement pour l'organisation de votre entreprise ?

Jean Mane : Le premier confinement avait été douloureux. Il avait fallu convaincre les collaborateurs de venir travailler et se sentir en sécurité dans l'entreprise; Depuis, nous n’avons pas desserré les contraintes : prise de température, mesures de distanciation, port du masque… Ils sont préparés à ce deuxième confinement. Ce sera chez eux qu’ils devront reprendre des habitudes un peu plus strictes.

Qu’en est-il du projet d’extension du site industriel de la Sarrée, au Bar-sur-Loup, près de Grasse ?

Mane va faire construire un bâtiment de 10 000 m2 dédié à l'innovation sur son site industriel de la Sarrée au Bar-sur-Loup près de Grasse — Photo : Sophie Sandrin

Jean Mane : Comme le disait mon grand-père, "l’investissement d’aujourd’hui est l’emploi de demain et le chiffre d’affaires d’après-demain". Nous sommes confrontés à un manque d’espace pour étendre nos activités d’innovation et de recherche. Je préfère faire plancher les gens sur des projets d’avenir que de les faire gamberger sur la circulation du virus. On s’est mis autour d’une table pour examiner les besoins et essayer de se projeter à 20 ou 25 ans. La seule solution pour nous, afin de ménager l’avenir, privilégier le maintien de l’emploi local et l’attractivité de nos sites dans le sud de la France, est de construire quelque chose de grand. Sur le site de la Sarrée qui s’étend sur plus de 14 hectares, nous avons la maîtrise foncière pour cette réalisation.

À quoi servira ce nouveau bâtiment consacré à l’innovation ?

Jean Mane : D’une superficie de 10 000 m2 pour un investissement estimé à 30 millions d’euros, ce centre regroupera en un seul lieu la plupart des activités d’innovation et de recherche et des procédés pilotes industriels de nos divisions arômes et parfums du Bar-sur-Loup. Il y aura des ateliers et laboratoires d’extraction et d’extrusion, les laboratoires d’encapsulation, des lignes pilotes permettant de petites séries en boissons, produits salés, laitiers et alternatifs végétaux, des laboratoires dédiés aux nouvelles technologies de demain, des plateformes de tests et de recherche pour nos nouveaux procédés industriels ou encore un plateau de synergie entrepreneuriale à destination de start-up et micro-entreprises innovantes. Nous visons une inauguration en 2023. Nous privilégierons bien sûr des entreprises locales., notamment de BTP. De la même façon que je voudrais espérer que toutes les entreprises françaises qui consomment des arômes et parfums s’adressent à nous parce que nous sommes français. Malheureusement, ce chauvinisme est malheureusement plus développé dans d'autres pays industriels comme l'Allemagne.

Dans ce contexte, comment envisagez-vous l’année 2021 ?

Jean Mane : Nous sommes déjà dans l’incertitude pour la fin 2020 ! Nous n’avons eu recours à aucun des dispositifs de l’État. D’autres entreprises en ont davantage besoin que nous. Nous avons payé à temps nos salaires, nos impôts, nos cotisations sociales. Quelle perspective pour 2021 ? Je n’en sais rien. Y aura-t-il une troisième vague ? La France pourra-t-elle rembourser toute sa dette ? Le groupe Mane se portait mieux à la fin du premier semestre qu’à la fin du troisième trimestre. J’aimerais limiter la casse mais il faut se battre sur tous les fronts et gagner des parts de marché. Nos grands concurrents internationaux, suisses, américains, allemands, japonais, ne sont pas inactifs non plus, tant s'en faut.

Vous ne semblez pas très optimiste ?

Jean Mane : Non, je suis réaliste. Il nous faut sans arrêt nous adapter. Cette crise nous aura au moins permis d’être plus agiles, plus réactifs, plus imaginatifs d’où le projet de centre d’innovation. Nous sommes prêts à lancer le chantier dès que possible, dès les autorisations obtenues.

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