L'industrie de la région Paca en route vers le futur
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L'industrie de la région Paca en route vers le futur

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Avec le soutien de l’État et de la Région Sud, 500 entreprises régionales se sont tournées vers l’avenir, engageant leur transformation vers l’industrie 4.0. Cette évolution, qui s’inscrit sur le long terme, ouvre de nouvelles perspectives aux industriels, faites de gains de productivité, d’attractivité renforcée, de montée en qualité et en définitive d’une compétitivité retrouvée.

L'entreprise Fimat, spécialiste de la menuiserie aluminium, a modernisé son parc de machines et formé ses équipes au Lean management, une démarche récompensée du prix des bonnes pratiques remis par l'Association France Qualité Performance Paca — Photo : Hélène Lascols

Créé il y a sept ans par l'Alliance Industrie du Futur, le label Vitrine Industrie du Futur a été décerné à 117 entreprises en France. Elles sont deux en région Paca à l’avoir obtenu, attestant d’une transformation réussie, remarquable et inspirante. Constructeur majeur d’équipements pour l’agriculture spécialisée et les espaces verts et urbains, le groupe Pellenc (plus de 1 900 collaborateurs, CA 2021 : 306 M€) dans le Vaucluse a transformé son usine de Pertuis, permettant d’accroître sa capacité et sa flexibilité industrielles, d’améliorer la compétitivité de son offre. Quant au fabricant marseillais de panneaux solaires, Dualsun (40 collaborateurs, CA : nc), il a connecté ses clients et son usine, automatisé sa ligne de production et fait le lien entre savoir-faire industriels locaux et écosystème français de recherche et de financement. Voilà pour la face visible de l’iceberg… D’autres entreprises, plus petites, des TPE et des PME, ont elle aussi engagé le chantier de leur transformation industrielle, contribuant aux plus de 5 milliards d’euros investis chaque année par les industriels de la région. 500 d’entre elles ont d’ailleurs bénéficié d’un diagnostic et d’un accompagnement sur-mesure dans le cadre du Parcours Sud Industrie 4.0, pour acquérir de nouvelles machines, moderniser leur outil productif, mettre en place un système automatisé et robotisé, numériser les process. Les projets ont été variés pour optimiser les processus de fabrication, s’adapter rapidement aux attentes des clients et favoriser la personnalisation des produits, en définitive, pour transformer les usines classiques en usines dites intelligentes.

500 entreprises accompagnées

"En 2019, l’État constate un retard conséquent dans la modernisation des outils de production et de fait, une perte de compétitivité importante. Un grand plan national, visant à accompagner 10 000 entreprises vers l’industrie du futur, est lancé et la Région Sud se donne alors jusqu’à la fin de l’année 2022 pour accompagner 500 TPI et PMI", explique Axel de Charentenay, chargé de mission chez RisingSud, l’agence de développement économique de la région Paca. L’objectif a été atteint en ce tout début d’année 2023. Tous les secteurs industriels se sont saisis du sujet avec, à la clé, une subvention de soutien à l’investissement, jugée "essentielle" par Renaud Muselier, président de la collectivité régionale. "Au total, 13 millions d’euros d’aides à l’investissement ont été accordés à 117 entreprises, soit une enveloppe moyenne de 110 000 euros et un taux d’aide, qui se situe entre 50 et 70 % du montant investi, détaille Jérémy Parenti, chargé de mission chez RisingSud. Par ailleurs, 80 % des entreprises soutenues ont moins de 30 salariés. Ce sont souvent des petites entreprises qui n’auraient pas eu les moyens, ni les ressources pour engager une telle démarche et elles ont pu rattraper un retard conséquent."

"Au total, 13 millions d'euros d'aides à l'investissement ont été accordés à 117 entreprises."

Aujourd’hui, grâce à cet accompagnement, "beaucoup d’entreprises ont engagé leur transformation et sont fières de pouvoir montrer un autre visage de l’industrie, plus moderne, moins polluante", se félicite Thomas Zussa, responsable du développement industriel à l’UIMM Alpes Méditerranée. Pour certaines, "le parcours a eu "un effet waouh". "Pour réinventer le véhicule électrique léger de demain, Eon Motors (Alpes de Haute-Provence) explore la fabrication additive et vient d'entamer sa phase d'industrialisation. Pour fabriquer ses futurs vélos Made In France, Bellatrix (Marseille, 15 salariés) va automatiser la chaîne d’assemblage des cadres. Enfin, France Hélices (Cannes, 45 salariés, CA : nc) a robotisé son procédé de dépolissage des hélices", énumère Thomas Zussa.

Une aide à la décision

Chez Baumier, une entreprise toulonnaise plus que centenaire, spécialiste de la chaudronnerie fine, la croissance des dernières années, +60 % sur la seule année 2021 (CA : 4,30 M€), s’est accompagnée d’un certain nombre d’investissements visant à moderniser l’outil industriel. Certains sont tout droit issus du diagnostic réalisé en juillet 2021 dans le cadre du Parcours Sud industrie 4.0. "Cette étape a permis de poser un regard extérieur sur notre outil de production, de mettre le doigt sur des sujets d’amélioration flagrants, comme la planification, de poser les bases pour nous permettre d’avancer et grandir", confie Xavier Cantillon, le dirigeant. Pour Corinne Bernardo, cogérante de Leloutre Industrie (CA : 1,60 M€), une PME de 15 salariés experte en tôlerie de précision, à La Gaude (Alpes-Maritimes), "l’accès à de tels outils constitue une vraie aide à la décision, à l’anticipation du projet, à sa réflexion et sa préparation."

Leloutre Industrie a reçu une aide de 150 000 euros pour financer notamment une plieuse dernière génération — Photo : Olivia Oreggia

Le temps d’accompagnement moyen des entreprises engagées dans le dispositif a ainsi avoisiné les 8 jours d’experts, venus décortiquer les process internes, définir des priorités, établir des cahiers des charges, choisir les prestataires. En recevant à la clé une aide à l’investissement de 137 000 euros, Julien Lac, responsable adjoint de la pâtisserie éponyme, qui compte 5 boutiques dans les Alpes-Maritimes, emploie entre 50 et 60 salariés pour un chiffre d’affaires dépassant les 6 millions d’euros, les heures passées à se porter candidat "sont les plus rentables que j’ai passées."

Un accélérateur d’investissement

Considérant que l’essence même d’une entreprise est d’investir, l’entrepreneur n’hésite jamais à s’équiper pour améliorer la qualité et la régularité du produit, la qualité et le confort de travail. "Dans la pâtisserie, il faut au minimum des fours, des batteurs, une dresseuse, des cuiseurs, des frigos… Avec PSI 4.0, j’ai pu acheter une machine à calissons, des découpages Edo, une imprimante alimentaire, un torréfacteur."

Chez SNE Premier (18 salariés, CA : 1,80 M€), une société de mécanique de précision fondée en 1946 à Apt (Vaucluse), le parcours "a permis de faire descendre l’informatique dans l’atelier grâce à la GPAO, gestion de la production assistée par ordinateur", explique Mathias Angot, qui a repris l’entreprise en 2019 avec Florent Ravoire. Pour les deux associés, "apporter du numérique et diversifier nos moyens de production était essentiel pour le développement de l’entreprise."

"Apporter du numérique et diversifier nos moyens de production était essentiel pour le développement de l'entreprise", Mathias Angot, SNE Premier.

À La Seyne-sur-Mer, dans le Var, les dirigeants de la menuiserie Fimat (50 employés, CA : nc), Patrick Saint-Etienne et Vincent Thibaudat, avouent qu’ils partaient de loin, du "niveau zéro de la digitalisation." Avec une croissance de 60 % en trois ans et un objectif de dépasser les 10 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2025, la modernisation, tout comme l’optimisation des flux étaient devenues indispensables pour les deux associés, qui ont notamment fait l’acquisition d’une ligne de débit et d’un centre d’usinage, "des machines plus modernes qui permettent de fabriquer mieux et quatre à six fois plus vite, d’offrir plus de confort à nos salariés et de les faire monter en compétences."

Des métiers plus attractifs

La montée en compétences est un des atouts indéniables de cette modernisation, à condition, toutefois de l’accompagner. "Si cela semble très facile d’accueillir de nouvelles technologies, cela implique de la formation, une nouvelle façon de travailler, un certain stress. Il faut un temps d’appropriation", confirme Corinne Bernardo. C’est pour cela que l’accompagnement du parcours intégrait, dans la plupart des cas, un volet RH. Chez Fimat, les équipes ont ainsi été formées, à petits pas, au Lean management (méthode de gestion et d’organisation du travail qui vise à améliorer les performances, NDLR) depuis le milieu de l’année 2021, "créant une véritable émulation dans l’atelier" et permettant "d’atteindre plus de 50 actions concrètes d’amélioration en 2022."

La modernisation, forcément accompagnée d’une montée en compétences, les salariés en redemandent, comme chez Serelec (CA : 1,10 M€) une TPE de 7 salariés, qui usine des pièces en petites et grandes séries à La Seyne-sur-Mer (Var). Depuis plus de trente ans, le fondateur Jean-Louis Troia, puis son fils, Christophe, aux commandes depuis juillet 2022, ont toujours eu à cœur d’investir dans la formation des hommes et la modernisation de l’outil de production.

Chez Serelec, Jean-Louis et Christophe Troia ont investi dans un deuxième robot de chargement automatisé avec l’aide de la Région Sud — Photo : Hélène Lascols

L’entreprise abrite, sur un espace de 500 m², un parc de machines digne de certaines PME. Ici, les premières machines à commande numérique sont arrivées en 1983, et "tous les deux ans, nous investissons en moyenne 150 000 euros dans la modernisation de nos outils", confie Christophe Troia. Avec l’aide de la Région (60 % du total), ils ont investi 120 000 euros dans un deuxième robot de chargement automatisé, qui arrivera avant l’été. "Ce robot, qui va nous faire gagner en agilité, n’est pas synonyme de destruction d’emplois, mais de montée en compétences et même de recrutement puisqu’un troisième opérateur régleur viendra prochainement étoffer les équipes. Nos salariés l’attendent avec impatience, car pour eux, c’est bien plus glamour de programmer que de souffler avec une soufflette, par exemple", ajoute Jean-Louis Troia.

Puis, un robot constitue désormais un argument pour attirer des jeunes. "L’industrie du futur permet de penser employabilité et intérêt du métier. Elle est un atout pour renforcer l’attractivité de notre industrie, qui représente 450 000 emplois directs et indirects en région et a vu ses intentions de recrutement augmenter de 100 % depuis 2015", souligne Christine Baze, présidente d’Industries Méditerranée, représentation unifiée de l’industrie en région Paca.

L’envie d’aller plus loin

L’entreprise ainsi transformée est plus sexy à plus d’un titre, à commencer par le fait de voir la productivité améliorée et les coûts baisser permettant jusqu’à 30 % de gains de compétitivité. "Sans ce parcours, certaines entreprises auraient signé leur arrêt de mort, d’autres auraient engagé leur modernisation plus tard, et peut-être trop tard", confie Axel de Charentenay. "Tous ces investissements, que nous n’aurions pu réaliser si rapidement sans cette aide, étaient devenus impérieux pour ne pas perdre en compétitivité et réactivité", selon Corinne Bernardo. Une entreprise comme SNE Premier, a pu se diversifier : "Nous avons investi dans des outils de CAO pour intégrer la prestation d’études en interne. Nous avons aussi acquis une machine de découpe jet d’eau pour l’usinage de pièces que nous sous-traitions jusqu’alors", explique Mathias Angot, qui a vu son entreprise "gagner en réactivité et en souplesse."

"Sans ce parcours, certaines entreprises auraient signé leur arrêt de mort."

Récoltant les premiers fruits de leur transformation, les industriels ont pris goût aux investissements. Xavier Cantillon a commandé un robot de soudure, qu’il a intégralement financé (200 000 euros) et qui va permettre à son entreprise Baumier qui fait de la soudure manuelle depuis 125 ans de franchir une étape significative. L’entreprise CSTI (220 salariés, CA : 22 M€), qui est installée à Peyrolles-en-Provence, près d'Aix, réalise des projets clés en main pour les secteurs de l’industrie nucléaire, de la Défense et de la santé. Elle a investi 300 000 euros dans un ERP, subventionné à hauteur de 50 % par la région et a entrepris l’extension de son site de Gardanne pour accueillir, d’ici octobre 2023, de nouvelles machines numériques d’usinage. Le dirigeant Nicolas Corselle, en est convaincu : "Si nous n’investissons pas sans cesse, nous périclitons. Toutes ces aides nous poussent à aller de l’avant et à créer de l’emploi afin de continuer à grandir."

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