
Un "marasme", une situation "effrayante" pour les uns, "alarmante" pour les autres… les professionnels de l’immobilier azuréens, réunis au sein de l’OIH (l’Observatoire Immobilier d’Habitat Côte d’Azur) sont unanimes pour dénoncer une "crise majeure" à venir dans le logement si aucune mesure n’était prise rapidement. "À la crise de l’offre s’ajoute aujourd’hui une crise de la demande, explique Cyril Messika, président de l’Observatoire. Si elle perdure, elle aura des conséquences néfastes sur l’ensemble de la filière mais aussi sur toute l’économie azuréenne."
La même production qu’au début du Covid
Pour la première fois depuis longtemps, le marché de l’existant accuse un recul des ventes de -5 % sur quatre trimestres consécutifs. Les prix ont quant à eux augmenté de + 11 % à 4 941 euros du m2.
Le marché du neuf est lui aussi dans le rouge avec une hausse de + 7 % du prix du m2 à 6 363 euros. L’offre encaisse une chute de -70 % au premier trimestre 2023 et de -11 % sur l’année glissante. "La production est catastrophique au premier trimestre, souligne Muriel Fernand, responsable de la filière immobilier au sein de la CCI Nice Côte d’Azur. Elle se situe au même niveau qu’au premier trimestre du Covid quand tout était à l’arrêt. C’est inquiétant."
Mécaniquement, les ventes sont en net recul : - 60 % depuis le début 2023 et -17 % sur l’année. Des chiffres qui s’expliquent par l’effet cumulé de l’augmentation des taux d’intérêt, du resserrement des conditions d’octroi des prêts, de l’inflation ou encore de la hausse du prix de l’énergie.
"L’équation économique ne fonctionne plus, s’inquiète Marc Raspor, président de la Fédération des Promoteurs immobiliers de la Côte d’Azur et de la Corse. Une opération sur deux ne pourra pas sortir car elle n’est plus rentable. Une des raisons à cette situation est le refus des permis de construire. Nous constatons une baisse de -25 % soit plus de 2 500 logements refusés en 2021 et 2022. Ce sont les trois quarts du marché sur une année, c’est colossal. "
2 000 emplois menacés
Autre paramètre : la hausse et la raréfaction des matériaux, même si la situation s’est améliorée. "On revient à quelque chose d’un peu moins extravagant, confirme Lionel Dolciani, vice-président de la fédération du BTP 06. Le prix de l’acier par exemple était passé de 850 à 2 400 euros la tonne l’an dernier, il est redescendu entre 1 000 et 1 300 euros la tonne aujourd’hui. C’est donc mieux mais c’est toujours 20 % de plus qui pèsent sur le prix de la construction et le prix de vente. Cela pèsera sur les emplois, on estime que 2 000 sont sur la sellette dans le département."
Des emplois menacés et une attractivité touchée en plein cœur alors que les actifs auront de plus en plus de difficultés à se loger. Pour l’ensemble des professionnels, l’État doit agir "en urgence", à commencer par "ne plus bloquer les permis de construire". "La crise est structurelle, affirme Marc Raspor. Il faut bâtir. Il y a aujourd’hui, un vrai besoin de logement. Or, il y a de plus en plus de dénigrement de l’urbanisation. Il faudra un courage politique. En attendant, nous sommes face à de nombreuses contradictions : ceux qui veulent des logements pas chers, sont les mêmes qui ne veulent pas de constructions."