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Les entreprises de la région Sud en mission séduction à l’Expo universelle de Dubaï
Enquête Région Sud # International

Les entreprises de la région Sud en mission séduction à l’Expo universelle de Dubaï

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À l’arrière-plan d’une actualité internationale chaotique, l’Exposition universelle de Dubaï a réuni pendant six mois le monde entier ou presque : plus de 20 millions de visiteurs, près de 200 pays participants. Parmi eux, nombre d’entreprises de la Région Sud venues montrer leur savoir-faire et approcher ce marché à fort potentiel que représente le Moyen-Orient.

Le pavillon France de Dubaï 2020 a accueilli 2,2 millions de visiteurs pendant les six mois qu’a duré l’exposition universelle — Photo : DR

L’événement avait dû être reporté d’un an à cause du Covid. Finalement ouverte en octobre 2021, l’Exposition universelle qui vient de fermer ses portes au 31 mars, a gardé son appellation "Dubaï 2020". L’événement se voulait à la hauteur de la démesure de cette ville des Émirats arabes unis. Les organisateurs n’en communiquent pas officiellement son coût mais celui-ci dépasserait les 8 milliards d’euros. Là où n’était qu’une étendue désertique, une ligne de métro a été prolongée, des routes et des hôtels ont jailli sur plus de 4 km², soit deux fois la superficie de la principauté de Monaco.

Un pavillon France made in Marseille

Dans ce qui devait être "la plus grande vitrine de l’intelligence humaine et de ses prouesses", plus de 190 pays ont emménagé pour six mois dans trois quartiers distincts étiquetés "mobilité", "durabilité" et "opportunité". Le thème choisi cette année était "Connecter les esprits, créer l’avenir". De l’Afghanistan au Zimbabwe, chacun son pavillon. Et celui de la France est un peu marseillais, signé des Ateliers Perez Prado. Basée sur la Canebière, l’agence d architecture et d’urbanisme (20 salariés, 2 M€ de CA) travaille à 75 % sur des projets publics, disposant notamment d’un important savoir-faire en termes de centres hospitaliers. Elle participe ainsi au chantier de modernisation de la Timone, à Marseille. "Pour notre premier projet de cette envergure à l’international, nous avons voulu porter les valeurs du développement durable et construire un bâtiment vertueux, explique l’architecte Jean-Luc Perez. Le pavillon est ainsi à 85 % autonome en énergie grâce aux 2 500 m² de tuiles photovoltaïques colorées mises en place en partenariat avec la société Akuo Energy, et dont les leds donnent une nuance de couleurs qui évoque Les Nymphéas de Claude Monet. Le thème de notre Pavillon étant "La lumière, Les Lumières", nous avons naturellement songé aux impressionnistes, si soucieux justement de rendre les émotions de la lumière." Le bâtiment de 21 mètres de hauteur s’étend sur 5 100 m², orienté de façon à créer sa propre ombre. Sa construction aura coûté 15 millions d’euros.

L’azuréenne Ragni au milieu des plus grands groupes

Cet écrin exceptionnel devait donc permettre de présenter ce que la France a de plus beau. Le tout dans un équilibre délicat entre festivités grand public et rendez-vous d’affaires, entre les robes de Jean-Paul Gaultier, la bonne parole de Thomas Pesquet et les dirigeants de PME, grands groupes ou start-up. Le pavillon tricolore a ainsi découpé sa programmation en différentes quinzaines thématiques, consacrées tantôt à la biodiversité ou à la consommation, tantôt à la création, à l’espace ou à la santé. À chacune ses partenaires, de Sanofi à Bel, en passant par la CMA CGM. Et aux côtés de ces grands noms, la place était aussi faite aux plus petits, parmi lesquels la PME Ragni (150 salariés, CA : 60 M€). Basé à Cagnes-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes, le fabricant d’éclairage public a rejoint le Pacte Mondial des Nations Unies (Global Compact) en 2018, s’engageant notamment à développer et valoriser une énergie propre et à produire de manière responsable.

"Une façon de faire du business différemment"

Acteur de la transition énergétique qui a fait de l’éclairage raisonné sa raison d’être, Ragni a créé en 2020 un service Dialogue et Développement Durable. Rien de très surprenant donc à la retrouver ainsi partenaire officiel de la Quinzaine consacrée au climat. "Compte tenu de toutes nos actions en matière d’écoconception, de durabilité, d’optimisation des flux, de nos engagements pour éclairer juste, de notre expertise en matière de smart lighting et d’éclairage solaire, c’est un sujet qui nous parle, raconte Jean-Christophe Ragni, directeur général et directeur export du groupe familial. Ce n’est pas une démarche purement business mais une façon de faire du business différemment, associée à du mécénat, tout en faisant connaître notre métier. Et être aux côtés des gros faiseurs comme Orange par exemple donne aussi une autre dimension et permet de rayonner un peu autrement."

Jean-Christophe Ragni a participé au débat sur le thème de "l’éclairage raisonné". Il est directeur général du groupe azuréen éponyme qui a été partenaire officiel de la Quinzaine sur le Climat du Pavillon France de Dubaï 2020 — Photo : Ragni

Gagner cette visibilité a évidemment un coût, important pour une entreprise comme Ragni : 85 000 euros pour être sponsor de cette quinzaine, somme à laquelle il faut ajouter le traiteur, l’organisation, les billets d’avion, les soirées… "Cela nous permet de consolider notre positionnement sur cette zone, nous sommes en effet présents au Moyen-Orient depuis 25 ans, à Dubaï, au Koweït, en Arabie saoudite… mais cela ne représente à l’export que 500 000 euros de chiffre d’affaires par an. Nous y avons de belles affaires dont une actuellement à Oman, mais la concurrence est vraiment immense sur cette zone, les fabricants viennent du monde entier."

Prospections commerciales aux Émirats arabes unis

Le pôle Mer Méditerranée a saisi l’opportunité qu’offrait l’Exposition universelle pour organiser une mission dans les Émirats. Le pôle de compétitivité à vocation mondiale basé à Ollioules dans le Var est ainsi parti trois jours, avec Business France, emmenant 10 de ses 450 membres : un jour à Dubaï, deux jours chez sa voisine Abou Dabi. "L’Exposition universelle et sa semaine des Océans nous offraient un cadre idéal et tout à fait pertinent pour les accompagner à la découverte de ce marché des Émirats arabes unis, identifié comme un pays à fort potentiel pour nos membres, notamment dans le domaine portuaire", explique Ève Raymond, directrice du développement international au sein du Pôle Mer Méditerranée.

Le Pôle Mer Méditerranée a profité de l’Exposition Universelle pour emmener une dizaine de ses membres en mission dans les Émirats arabes unis — Photo : DR

"Les Émirats arabes unis abritent deux des cinquante premiers ports à conteneurs du monde et Dubaï figure parmi les dix premiers. Le secteur maritime représente 7 % de leur PIB et le marché du secteur maritime y est évalué à 16,93 milliards de dollars en 2020. Enfin, Dubaï est à 7 heures d’avion, en direct au départ de Nice : c’est simple, direct, les interlocuteurs sur place sont à l’écoute et ont bien sûr des moyens financiers importants. Il y a donc une réelle carte à jouer pour nos membres. Nous les aidons à faire les premiers pas", poursuit Ève Raymond.

Les membres du pôle Mer Méditerranée, essentiellement des TPE et PME, ont ainsi pu y rencontrer d’importants donneurs d’ordres : le ministère de l’énergie et des infrastructures, Dubaï Maritime City (350 partenaires commerciaux), DP World, le troisième exploitant portuaire mondial, Abu Dhabi Ports (11 ports), ADNOC, la principale compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, une société de transport maritime et de logistique et d’autres ports de la région.

"Nous avons eu dix rendez-vous en trois jours"

Et avec un rebond économique de 3,8 % prévu pour 2022 et des projets visant à se positionner dans le top 10 des destinations en termes d’investissements, les Émirats arabes unis offrent aussi de nombreuses opportunités pour les entreprises qui se démarquent dans des secteurs comme les énergies renouvelables ou les nouvelles technologies. La start-up aixoise Neptech (6 salariés), s’est ainsi envolée vers l’Exposition universelle dans le cadre du programme Dubaï Business Starter, proposé par CCI International Paca et Business France, opérateurs de la Team France Export avec l’appui de l’agence de développement économique risingSud. Elle faisait partie des 10 entreprises régionales sélectionnées "pour leurs innovations au bénéfice des enjeux économiques et sociétaux en France et dans le monde", en matière de transition énergétique, d’industrie 4.0, de cybersécurité, d’alimentation, de santé ou d’art de vivre. Créé en mai 2020, Neptech développe des navires de transport zéro émission, 100 % batteries ou à pile à combustible hydrogène. Ses prospects n’étaient jusqu’alors qu’en France et en Europe. Les voilà désormais au Moyen-Orient. "Nous avons eu dix rendez-vous en trois jours, atteignant un record d’après Business France, souligne Tanguy Goetz, cofondateur de Neptech. Nous avons pu rencontrer tous les acteurs que nous avions identifiés : des exploitants de transport public, des exploitants privés, aussi, comme des promoteurs immobiliers qui recherchent des solutions de "bateau bus" ou "bateau taxi" et des prestataires touristiques qui veulent pouvoir desservir leurs resorts, situés sur des îles". Le dirigeant a aussi rencontré les autorités réglementaires, "l’équivalent de nos affaires maritimes, qui ne veulent pas être un frein à l’innovation, dans la définition des règles de navigation. L’objectif était de planter les premières graines dans cette région que nous connaissions peu, il est pleinement rempli." Selon l’entrepreneur, des opportunités portant sur la commercialisation de navires 100 % électriques aux Émirats pourraient se concrétiser à court terme. Des opportunités à moyen terme se dessinent aussi pour des navires à propulsion hydrogène, une des solutions aux objectifs de baisse des émissions à l’horizon 2030.

Attirer de nouveaux touristes

Dubaï, porte d’entrée sur le Moyen-Orient et au-delà… "Dubaï est par nature un lieu d’échanges, de salons internationaux, ce qui a été confirmé pendant l’Exposition", souligne Erik Linquier, commissaire général de la France à l’Exposition universelle et président de la Cofrex, la Compagnie française des expositions. "Il y a toujours eu cette dimension économique dans les expositions universelles mais à Dubaï, le volet économique était encore plus fort. Cela a été facilité par une bonne gestion du Covid qui a rendu l’événement facile d’accès pour les visiteurs d’affaires et les touristes."

Si les Chinois, Japonais ou Sud-Coréens n’ont pas pu voyager à cause des restrictions liées à la pandémie, certains pays lointains étaient en effet bien représentés. Le Comité régional du Tourisme (CRT) Côte d’Azur a ainsi pu accéder à des marchés éloignés. En mission avec Atout France, la première à l’international depuis les débuts du Covid, le CRT azuréen a ainsi pu rencontrer nombre de journalistes, tour-opérateurs ou agences de voyages venus des Émirats arabes unis, d’Égypte, du Qatar, d’Israël ou d’Inde. "L’Inde est un marché émergent pour nous auprès duquel la thématique de mariages est porteuse, précise Claire Béhar, directrice du CRT azuréen. C’est un marché colossal pour l’avenir, sur lesquels il est souvent difficile d’entrer." Présentation des investissements hôteliers, du savoir-faire des parfumeurs de Grasse, des chefs étoilés ou des atouts architecturaux avec un label Unesco pour la ville de Nice classée au patrimoine mondial depuis l’été dernier… : pour que tous les atours des Alpes-Maritimes soient bien visibles pendant les six mois que durait l’exposition, le CRT a produit un film en association avec la Ville de Cannes et le Département, projeté à l’entrée du pavillon France. Impossible à manquer, même sans entrer. "On doit faire ce qu’on peut pour aider nos professionnels et montrer au monde que nous sommes résilients."

Le Comité Régional du Tourisme Côte d’Azur était à Dubaï pour sa première mission à l’international depuis le début de la pandémie — Photo : DR

Aux côtés du CRT, comme il l’est souvent, Fragonard était du voyage. Pour le parfumeur grassois, il s’agissait de se vendre différemment à cette clientèle spécifique. "Du Moyen-Orient, on reçoit des touristes de manière irrégulière. Ils viennent pour le parfum dans nos boutiques parisiennes et pour visiter nos usines sur la Côte d’Azur, détaille Casimir Kiendl, directeur des ventes internationales de Fragonard. Contrairement à des marchés que nous recevons traditionnellement en groupes pendant leur circuit à travers l’Europe, les visiteurs des pays du Golfe voyagent individuellement. C’est quelque chose de nouveau pour nous. Nous leur proposons par exemple des cours privés de création de parfum. C’est une clientèle VIP, un gros potentiel à explorer." Fragonard, qui réalisait 65 millions d’euros de chiffre d’affaires avant la crise du Covid, compte une vingtaine de boutiques en France, sur la Côte d’Azur, en Provence et à Paris, ainsi qu’à Milan. Une ouverture en Israël était en projet mais a dû être abandonnée. Le parfumeur a sévèrement souffert du Covid et de l’absence des touristes étrangers. Et alors qu’il doit compter sans le marché russe, "très important mais en baisse depuis 2014", et sans le marché ukrainien "qui était en hausse", Fragonard doit étendre son terrain de jeu et "le Moyen Orient est un marché haut de gamme intéressant". Les résultats de ces rendez-vous devraient ainsi se faire sentir dans les mois à venir.

Surprenant oasis au milieu du désert, Dubaï 2020 a fermé ses portes le 31 mars dernier. Les Expositions universelles se succèdent depuis leur création en 1851 à Londres, léguant au passage leur héritage architectural, à l’image de la Tour Eiffel (1889). À Dubaï, le site sera transformé en un nouveau quartier baptisé District 2020, qui offrira "un environnement dynamique dans lequel les sociétés de toute taille pourront prospérer". Quant au pavillon français, en cours de démontage, c’est à Toulouse qu’il finira ses jours. Le bâtiment conçu par Jean-Luc Perez a en effet été racheté par le CNES, le Centre national d’études spatiales. La prochaine Exposition universelle se tiendra à Osaka, au Japon, en 2025.

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