Cannes
L'épidémie de coronavirus ébranle l'économie de Cannes et de ses festivals
Cannes # Événementiel

L'épidémie de coronavirus ébranle l'économie de Cannes et de ses festivals

S'abonner

À l’image du 73e Festival de Cannes dont l’avenir de l’édition 2020 est dans le flou le plus complet, la cité des festivals vit une année noire. Au-delà de la grand-messe du cinéma, c’est tout un chapelet de congrès et autres salons qui ne se dérouleront pas cette année à Cannes, deuxième destination d’affaires en France après Paris. Sur la Côte d’Azur, des milliers d’emplois sont en jeu.

Cannes est la deuxième destination pour le tourisme d'affaires derrière Paris. Son Palais des Festivals génère annuellement 850 millions d’euros de retombées et permet l’emploi indirect de 13 000 personnes — Photo : Yann COATSALIOU - 360 MEDIAS

La Croisette devrait être en effervescence. Elle est déserte. Son Palais des Festivals est clos, seulement ouvert pour une petite partie afin d’héberger les sans-abri en cette période de confinement, comme le font d’autres centres de congrès en France. Événement le plus médiatique au monde derrière les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football, le Festival de Cannes devait se dérouler du 12 au 23 mai.

Cette 73e édition devait de nouveau transformer la petite ville de 75 000 habitants en « village mondial », comme aime à répéter son maire David Lisnard. Durant les douze jours que dure le Festival du film, la cité azuréenne voit sa population tripler. Selon la Ville, l'événement génère près de 200 millions d’euros de retombées économiques, incluant les effets directs, indirects et induits.

Si son report a d'abord été évoqué, la 73e édition du Festival de Cannes est pour l’heure suspendue, pas annulée, du moins pas encore ou pas tout à fait. Son délégué général, Thierry Frémeaux, refuse de jeter totalement l’éponge, affirmant qu’elle pourrait se maintenir sous une autre forme. Laquelle ? C’est encore très flou. Le Marché du Film, volet business qui se déroule en parallèle du Festival, est quant à lui passé officiellement en version digitale et se déroulera fin juin.

Mais selon Didier Boidin, physiquement, il ne se passera rien cette année. Depuis l’été 2019, l’homme dirige la Semec, la société d’économie mixte qui gère le Palais des Festivals et les événements qui s’y déroulent, qu’ils soient culturels ou professionnels. « À ce jour, nous ne travaillons sur aucun scénario concernant le Festival. Je ne parle évidemment pas du contenu, de la compétition, mais de ce qui nous concerne, c’est-à-dire la partie événementielle ».

Le Festival représente 15 à 20 % du chiffre d’affaires des hôtels cannois

C’est donc une manne immense pour l’économie locale qui disparaît cette année et les victimes collatérales sont nombreuses, notamment les TPE et PME sous-traitantes. Autant de yachts qui ne seront pas loués et donc pas à approvisionner, de traiteurs, de sociétés d’aviation privée, de chauffeurs, d’agents de sécurité, de plages privées, de livreurs, de logisticiens, d’hôtesses, d’agences de production et d’événementiel… Et bien sûr, d’hôtels vides. L’hôtellerie est l’un des principaux employeurs privés du territoire, portant près de 3 000 projets de recrutement en 2020. La grand-messe du septième art mondial représente entre 15 et 20 % du chiffre d’affaires de l’hôtellerie cannoise, qui regroupe 120 établissements, soit 5 000 chambres dont un tiers en cinq étoiles.

« L’annulation du Mipim a été un vrai choc pour l’hôtellerie. Nous étions en place, nous avions recruté et formé le personnel. »

Déjà 200 millions d’euros de pertes

Mais il n’y a pas que le Festival qui fait battre le pouls économique du territoire. Cannes est en effet la deuxième destination d’affaires en France après Paris. Congrès et salons se succèdent sur la Croisette du printemps jusqu’à l’hiver. Le Mipim, marché international des professionnels de l’immobilier, marque traditionnellement le coup d’envoi de la saison début mars. « Son annulation a été un vrai choc pour l’hôtellerie. Nous étions en place, nous avions recruté et formé le personnel que nous conservons ensuite pour toute la saison », explique Christine Welter, présidente du Syndicat des hôteliers cannois. Les 26 000 professionnels de l’immobilier ne sont donc pas venus.

Pas plus que les participants du Miptv (salon des contenus audiovisuels), du festival CanneSeries, du Midem (dédié à l’édition musicale), ou encore du Cannes Lions. Prévu comme chaque année en juin, attirant 15 000 accrédités du monde entier, ce festival international de la publicité avait d’abord été reporté à fin octobre avant d’être annulé. « Selon une étude de MKG Consulting, les pertes des hôteliers s’élèvent à 28 millions d’euros en mars, 23 millions d’euros en avril et 65 millions d’euros en mai », rapporte Christine Welter. « Si l’on considère une période allant du début du confinement en mars jusqu’au 15 juillet, la crise aura vu l’annulation de 250 000 nuitées d’hôtels sur le bassin cannois, soit une perte de 200 millions d’euros », selon Didier Boidin.

Le rebond attendu en septembre avec le Cannes Yachting

Si les acteurs du tourisme français sont suspendus aux décisions gouvernementales, localement, on prépare la reprise. « Nous sommes en train de travailler sur le Yachting Festival en septembre », confirme la présidente des Hôteliers cannois. « Puis il y aura le Tax Free », le rendez-vous annuel international de l’industrie du duty free. « Nous travaillons avec les organisateurs afin de rendre les conditions de réservation très souples. Il faut que les participants et les exposants puissent s’inscrire sans avoir peur de se retrouver verrouillés en cas de problème. Il faut les rassurer », souligne Christine Welter. Ensuite devraient succéder en octobre le MipCom, marché international des programmes de communication, le Mapic, le marché international de l’immobilier commercial, en novembre ou encore le salon du tourisme de luxe, début décembre.

« Le plus complexe sera de garantir la distanciation sociale, notamment lors des filtrages de sécurité à l’entrée »

Poumon économique de la ville, le Palais des Festivals, où se tiennent toutes les manifestations cannoises, génère annuellement 850 millions d’euros de retombées et permet l’emploi indirect de 13 000 personnes via l’ensemble des sociétés sous-traitantes. Les 250 salariés permanents sont aujourd’hui à plus de 90 % en chômage partiel et ne devraient pas pouvoir reprendre leur activité avant la mi-août. Ce sera alors pour préparer les deux jours du Heavent Meeting, salon des professionnels de l’événementiel, et le Yachting Festival prévu du 8 au 13 septembre. Il est le plus important salon à flots d’Europe et lance traditionnellement la saison nautique, rassemblant plus de 50 000 visiteurs et 600 exposants. « Techniquement, nous savons nous adapter », reprend Didier Boidin. « Mais tout est conditionné aux autorisations de regroupements et aux mesures sanitaires qui devront être mises en place. Et de voir aussi comment le virus va évoluer ! Le plus complexe sera de garantir la distanciation sociale : lors des filtrages de sécurité à l’entrée, lors des dîners… Effectuerons-nous des contrôles de température automatiques ? Quelle sera la réglementation concernant les masques ? »

Dans ce contexte événementiel inédit où l’offre et la demande se sont arrêtées simultanément, il s’agira de prendre d’autres marques, de créer d’autres codes. L’événementiel cannois s’y attelle. « Il faudra d’abord rassurer. Le Cannes Lions nous demande déjà quelles mesures nous envisageons mettre en place sachant que leur prochaine édition est reportée à juin 2021. Il faudra à la fois effectuer un travail psychologique et adapter les événements. Nous rebondirons, avec prudence et humilité, mais nous rebondirons. », prêche le patron du Palais des Festivals.

Cannes # Événementiel