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Grand débat national : la contribution des chefs d’entreprise azuréens
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Grand débat national : la contribution des chefs d’entreprise azuréens

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La CCI Nice Côte d’Azur et l’UPE06 organisent deux soirées autour du Grand débat national. L’une se tiendra le 6 mars à Nice, la première s’est tenue à Cannes, rassemblant des dirigeants aux profils très différents mais animés d’un même sentiment, celui d'un décalage et d'une incompréhension profonde entre l’Etat, ses services, et le monde de l’entreprise.

— Photo : Olivia Oreggia

Philippe Bérodias a créé Bougie et Senteur en 2000. Le patron de la PME grassoise a préparé son intervention sur la cotisation foncière des entreprises (CFE). Il est venu avec les courriers qu’il a déjà adressés en 2015 à Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, et encore l'an dernier à celui qui est devenu depuis président de la République. Il y explique que si sa société importait « des bougies "made in Asie" pour les revendre, elle payerait 13 000 €, alors que nous devons payer en tant qu’industriel 28 000 € (soit 1,4 % du CA, et plus du double) et que nous employons en moyenne une quinzaine de personnes qui fabriquent sur place, donc en France ». D’où sa proposition : que le calcul de la CFE repose sur la valeur ajoutée, quel que soit le secteur d’activité.

« Trop d’instabilité fiscale »

« On a subi la fusion des caisses de retraite au 1er janvier, ça a été fait dans la précipitation, avec des choses qu’on ne comprend pas », déplore Jean-Claude Georges, PDG d’Ilex Ascenseurs. « Les règles fiscales changent en permanence. »

« Quand un banquier vous demande des projections sur 5 ans, c’est strictement impossible : on ne sait pas ce qui va nous arriver fiscalement. »

Plus de stabilité, le souhait est partagé. « Quand un banquier vous demande des projections sur 5 ans, c’est strictement impossible, puisqu’on ne sait pas ce qui va arriver fiscalement », renchérit Anne Lechaczynski, PDG de la Verrerie de Biot. « Chaque personne qui travaille dans les services fiscaux devrait d’abord travailler un, deux ou trois ans dans une entreprise pour voir que nous ne sommes pas des fraudeurs qui veulent payer le moins possible. Ils n’ont aucune notion de l’entreprise. »

Quant aux dépenses publiques, Bruno Plazanet, franchisé Midas à Golfe-Juan, plaide pour une réduction du nombre de fonctionnaires et pour une « réforme territoriale en urgence ! Aujourd’hui, on ne voit pas la réduction de la dépense publique. »

« On ne se comprend pas ! »

Au centre des débats sur l’organisation de l’Etat se trouve la volonté de simplification. « Les agents de l’Etat ne sont pas informés », explique Claude Gottlieb, cofondateur de l’agence sophipolitaine Brandsilver. « Il faudrait des relais spécialisés dans l’administration, comme cela existe dans le privé, pour obtenir des informations claires et adaptées à chaque problématique spécifique que nous rencontrons. »

« L’an dernier, nous avons embauché 44 personnes », témoigne Sébastien Chesnel, DRH de l’entreprise grassoise Tournaire. « Pour ce faire, je ne passe pas par les services de l’Etat. Je l’ai fait une fois en 15 ans et ça a été un échec, car Pôle Emploi ne connait ni l’entreprise ni l’industrie. Pareil pour la formation professionnelle ou l’Education nationale. Le clivage est trop important, on ne se comprend pas. »

Mais si les uns fustigent ce « gros machin qu’est Bercy et qui décide tout », d’autres se plaignent de trop de « couches dans le millefeuille ». « Est-ce que vous savez toujours qui fait quoi entre la métropole, le conseil départemental, la Région et les autres ? », interroge un patron.

Concilier écologie et emplois

Nombreux sont ceux qui prennent la parole pour s’ériger contre la bétonisation de la Côte d’Azur, lorsque vient la question de la transition écologique. « Mais il faut bien loger les actifs de manière décente », oppose un patron. « Cela a toujours été le gros point noir ici. Nous sommes tiraillés entre créer des emplois et loger les actifs », analyse Anny Courtade, présidente de Lecasud, centrale d’achat régionale du groupe Leclerc. « Il y a des solutions. A Mougins, j'ai ouvert un Drive, mais au-dessus j'ai créé 127 logements en habitat social. Chacun d'entre nous doit y mettre de la volonté. Mais il faudrait aussi que nos élus soient incités à avoir plus de modestie, d'humilité et le souci du service public. On assiste malheureusement à un concours d’égo, à celui qui construit le plus gros palais des congrès ou le plus gros centre commercial ! »

« On attend des autres, du gouvernement, mais pourquoi, nous, on ne décide pas de faire des choses ? »

Vient naturellement ensuite, la question brûlante de la mobilité, dans un département où « pour faire trente bornes, il faut prendre sa voiture ! », souligne le dirigeant de Brandsilver. « Il faudrait des transports collectifs qui fonctionnent avec des horaires bien calés. » « Aller à Sophia Antipolis, ce n’est pas possible ! », renchérit un autre.

Démocratie et citoyenneté

Ultime thématique de la soirée. « Qui parmi vous est investi dans des associations ? », interroge Anny Courtade. De nombreuses mains se lèvent. « A travers toutes les associations dans lesquelles je suis, nous avons du mal à trouver des bénévoles. Vous pourriez y véhiculer les valeurs de l’entreprise, le respect de l’autre, l’émulation, le sens de l’effort. Vous éduquez les jeunes que vous aurez plus tard dans vos entreprises comme salariés. »

Réinvestir la citoyenneté et le monde associatif, l’idée est largement partagée. « On attend des autres, du gouvernement, mais pourquoi, nous, on ne décide pas de faire des choses ? », reprend Catherine Martin, dirigeante de la société Aquarêve. « L’énergie, c’est nous qui l’avons. L’entreprise a la vraie capacité de créer du lien. Chacun dans notre coin on n’y arrivera pas. »

Dans le cadre du Grand Débat national, Le Journal des Entreprises donne la parole aux dirigeants d'entreprise.
— Photo : Le Journal des Entreprises
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