Eric Hémar (TLF) : « La polémique sur les prix du transport n’a pas lieu d’être »
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Eric Hémar président d’Union TLF et d’ID Logistics Eric Hémar (TLF) : « La polémique sur les prix du transport n’a pas lieu d’être »

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La pandémie de Coronavirus a redonné ses lettres de noblesse à la logistique et au transport, désormais perçus comme des fonctions essentielles à l’approvisionnement de la France. Néanmoins, le secteur affronte le gros temps en raison de la chute des volumes, de la désorganisation des circuits logistiques et des plans de transport. Président depuis un an de l’Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France et co auteur, avec Patrick Daher, d’un rapport sur la compétitivité logistique, Eric Hémar parle à bâtons rompus des enjeux de la filière.

Eric Hémar, président d’ID Logistics et d’Union TLF — Photo : NBC

Le 14 avril, le tribunal de Nanterre a pris une décision contraignant Amazon de ne vendre que des produits strictement nécessaires au risque de se voir infliger une amende journalière d’un million d’euros. Amazon, qui interjette appel de cette décision, a suspendu l’activité de ses entrepôts en France du 16 au 20 avril. Quelle analyse portez-vous sur cette affaire ?

Commenter cette décision est un exercice difficile. Je suis assez surpris de ce qui a été repris dans la presse car Amazon est une entreprise sérieuse et professionnelle. Reste à savoir si le sujet de fond porte sur la difficulté à produire les documents demandés. Amazon a décidé d’arrêter quelques jours pour se mettre en conformité. Les fédérations professionnelles, Union TLF, Otre et FNTR et les organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC) viennent de publier un guide de bonnes pratiques. Par rapport au jugement d’Amazon, ce document constitue une réponse.

Dès la première semaine de crise, les entreprises ont compilé leurs bonnes pratiques pour protéger les salariés contre la propagation du Covid-19. Le document a été homologué le 14 avril par le ministère du travail. Il consigne des recommandations opérationnelles auprès des entreprises du transport et de la logistique. C’est un vrai document de référence qui va sécuriser tout le monde, y compris les organisations syndicales.

Le phénomène de hausse des prix dans la grande distribution s’explique-t-il en partie par les difficultés d’approvisionnement et les surcoûts liés à la désorganisation des transports ?

La polémique sur les prix du transport n’a pas lieu d’être. Les négociations avec la Fédération du Commerce et de Distribution (FCD) et l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) ont abouti à l’élaboration d’une recommandation commune en cours de signature. Celle-ci porte sur la répercussion et la prise en compte des surcoûts du transport et de la logistique liés au Covid-19 avec, comme contrepartie, l’engagement des transporteurs à modérer leurs marges.

Juste avant la crise sanitaire, les ports et les logisticiens ont essuyé près de deux mois de grève dans les ports français sans que l’État ne soutienne le secteur évoquant la capacité de résilience des professionnels. Comment réagissez-vous ?

C’était un vrai sujet. Nous avions bâti tout un travail sur l’enjeu de la compétitivité de la chaîne logistique et remis en septembre un rapport au premier ministre. Or le gouvernement n’a pas souhaité servir de caisse de résonance aux revendications des dockers. Il reste du chemin à faire. Faut-il continuer en admettant que les grèves dans les ports français constituent un mal incurable et reléguer Le Havre et Marseille-Fos au rang de ports régionaux ? Les vraies portes d’entrée dans l’Hexagone ne sont-elles pas devenues Anvers et Rotterdam au Nord et Barcelone et Gênes au Sud ?

Les recommandations du rapport sur la compétitivité logistique sont-elles suivies ?

Nous avons contribué à la création de France Logistique, présidée par Anne-Marie Idrac. Nous sommes parvenus à réunir toutes les fédérations professionnelles, à définir un plan de marche et en parallèle l’État avait accepté d’être présent dans un comité exécutif réunissant le directeur général de la DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer) et le directeur général des entreprises du ministère des finances et la présidente de France Logistique. L’assemblée constitutive s’est tenue en janvier.

S’agissant des mesures concrètes, elles devaient être validées par un comité interministériel le 31 mars mais la crise du Covid-19 a tout stoppé. Nous avions avancé sur le sujet des contrôles des douanes, sur la fiscalité des entrepôts logistiques qui hypothèque la compétitivité française. Enfin, un volet prospectif portait sur la fiscalité des poids lourds dans le cadre de la transition énergétique. Nous souhaitions travailler, au lendemain des municipales, sur le sujet de la logistique urbaine. Nous espérons fin 2020 déployer une vraie stratégie de formation professionnelle dans les métiers logistiques mais reste à savoir comment nous allons sortir ce de la crise. 70% de la flotte nationale de poids-lourds est à l’arrêt.

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