Alpes-Maritimes
Entre Head : "Nous aidons le chef d'entreprise à rompre sa souffrance et son isolement "
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Laurent Tissinié président et fondateur de l’association Entre Head "Nous aidons le chef d'entreprise à rompre sa souffrance et son isolement "

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Un jeu de mots pour ceux qui sont à la tête (head) d’entreprises et qui, dans la difficulté, souvent n’osent pas parler. L’association niçoise Entre Head et ses 76 aidants sont là pour écouter, sans jugement et gratuitement. L’association, présidée et fondée par Laurent Tissinié, a ainsi épaulé une vingtaine de dirigeants depuis son lancement il y a un an.

Laurent Tissinié est le président et fondateur de l’association Entre Head à Nice — Photo : DR

L’association Entre Head est-elle née de la crise sanitaire ?

Laurent Tissinié : Il ne s’agit en rien d’une opportunité liée au Covid. En 2014, j’ai vécu une expérience personnelle douloureuse. Au même moment, j’ai perdu 50 % de mon effectif, des départs de natures différentes mais cela a été une vraie souffrance, déstabilisant un peu tout. J’ai perdu des clients, du chiffre d’affaires. J’ai fini par demander de l’aide à des amis qui m’ont immédiatement dit oui. Cet élan de générosité m’a permis de rebondir. C’est ce qui m’a poussé par la suite à témoigner au sein de syndicats immobiliers ou lors de différentes tribunes, aidant ainsi une douzaine de dirigeants au fil du temps. Puis l’an dernier, nous nous sommes structurés en lançant Entre Head afin d’ouvrir cette aide à tous les dirigeants, de tous secteurs. Nous avons accompagné une vingtaine de dirigeants en un an : un restaurateur, un agriculteur, un commerçant, un start-upper… Tous étaient dans une situation de désespoir.

Désespoir est un mot fort. Quelles sont les raisons qui amènent les dirigeants à un tel sentiment ?

Laurent Tissinié : Il peut s’agir de problèmes d’ordre personnel : manque de sommeil, stress, inquiétude… tout ce qui atteint le moral. Ce peut être d’ordre relationnel dans l’entreprise, s’il y a par exemple des départs qui viennent déstabiliser la structure. Ce peut être d’ordre organisationnel lorsque le chiffre d’affaires décline, qu’il y a une perte de clients, des problèmes de trésorerie… Le dirigeant peut alors entrer dans une spirale de difficultés.

"Souvent, le dirigeant s’interdit d’aller mal"

Pourquoi est-ce souvent si difficile pour le chef d’entreprise d’oser demander de l’aide ?

Laurent Tissinié : Le dirigeant est une personne en responsabilité. Il est celui qui doit insuffler la dynamique, l’optimisme, alors il s’interdit d’aller mal. Il est comme un médecin qui ne veut pas dire qu’il souffre puisqu’il est celui qui soigne. Il y a de la pudeur, de la honte, de la crainte.
Le chef d’entreprise a peur de voir partir ses collaborateurs s’il s’ouvre à eux, il a peur de se faire racheter s’ils parlent à des confrères. Il craint aussi de s’entendre dire " je te l’avais dit ! " s’il se confie à des proches ou des parents. Alors à qui parler si ce n’est à des personnes neutres, qui écoutent et ne jugent pas ? C’est ce que nous faisons. Quel que soit le secteur, le profil, l’âge, le dirigeant pense souvent que parler, alors qu’il est déjà vulnérable, est un aveu de faiblesse. C’est au contraire une preuve d’intelligence et de force. Le plus dur est d’oser demander de l’aide.

Quelle aide apportez-vous donc concrètement ?

Laurent Tissinié : Il s’agit d’un accompagnement totalement gratuit. Nous comptons à ce jour 76 aidants – nous visons une centaine d’ici la fin de l’année – dirigeants retraités ou en activité, coachs, thérapeutes qui offrent de leur temps. Il suffit de nous contacter (entre-head.com ou 06 09 53 63 63), nous nous entretenons d’abord trente minutes au téléphone avec la personne puis nous la rencontrons pendant une heure et demie pour une séance d’entraide avec quatre ou cinq aidants. Le dirigeant explique sa problématique puis s’enchaîne un jeu de questions-réponses pendant lequel des prises de conscience émergent. Chaque aidant donne alors une recommandation et le dirigeant repart avec un plan d’actions.

Quels sont les résultats ?

Laurent Tissinié : Nous réalisons un suivi pendant un mois. Mais les retours sont immédiats. Dès la séance d’entraide, les dirigeants nous disent qu’ils ne se sentent plus seuls, qu’ils ont retrouvé l’espoir. Nous sommes là pour apporter un autre regard sur leurs problèmes, c’est notre seule ambition. Nous donnons des perspectives, avant le burn-out. Il existe déjà des associations comme l’APESA ou 60 000 Rebonds qui font très bien leur travail mais nous n’intervenons pas au même stade. Nous sommes complémentaires.
Nous allons ainsi ouvrir à la fin du mois de juin un portail de la prévention, avec le GPA06 (Groupement de Prévention Agréé) et le CIP 06 (le Centre d’Information et de Prévention des difficultés des entreprises de la CCI Nice Côte d’Azur). Sur ce site, le dirigeant remplira un petit questionnaire pour exprimer ses difficultés et son état d’esprit, ce qui nous permettra de l’aiguiller vers la bonne association. S’il s’agit d’apporter un soutien moral, ce sera vers nous.
Le but est à terme d’essaimer au-delà des Alpes-Maritimes pour couvrir l’ensemble du territoire national d’ici cinq ans.

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