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Dans le Var, le coworking se déconfine
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Dans le Var, le coworking se déconfine

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Avec la crise sanitaire du coronavirus, les espaces de travail partagé, leurs atouts, prônant le partage, la rencontre et la proximité, et par voie de conséquence, leurs trésoreries ont été mises à mal. Alors que le confinement a démocratisé le télétravail et le coworking, comment ces espaces ont-ils rouvert dans le Var et comment leurs dirigeants envisagent leur avenir ?

La Belle Place à Hyères propose notamment 16 bureaux, répartis dans trois pièces. — Photo : La Belle Place

Pour répondre aux nouveaux besoins d’une vie professionnelle nomade, à une recherche accrue de flexibilité et de rencontres, les espaces de coworking ont fleuri dans le Var, ces dernières années. Dans le sillage du « 6e étage » de TVT innovation, une petite dizaine d’espaces ont ouvert leurs portes, de Saint-Raphaël à Toulon, en passant par Saint-Maximin ou Hyères. Prônant la convivialité, le partage et les rencontres, leur proposition a été mise à mal par l’entrée en confinement, ils se sont vidés de leurs occupants du jour au lendemain et leur chiffre d’affaires a fondu comme neige au soleil.

Du côté de La Belle Place, en centre-ville d’Hyères, Marie Fauré a officiellement fermé son espace de 150 m² mettant à disposition des postes et salles de travail, une cuisine, une salle de réunion et des espaces plus confidentiels, tout en laissant la possibilité à ses abonnés de venir travailler dans le strict respect des mesures sanitaires. « Mais dans les faits, deux ou trois personnes sont venues en un mois et l’activité a tourné plus qu’au ralenti », confie la jeune dirigeante. À Saint-Maximin, dans le Haut Var, Pauline Soria avait également laissé la possibilité à sa trentaine de coworkers réguliers de réserver en ligne un bureau privatif, mais aucun n’est venu pendant toute la durée du confinement. Son espace, baptisé Safi coworking et ouvert depuis trois ans, propose sur 70 m² un open space de 20 m² pouvant accueillir des postes de travail ou une réunion et deux bureaux privatifs. Un jardin et une cuisine complètent le décor.

Des trésoreries fragilisées

Pour s’en sortir, Marie Fauré n’a pas pu solliciter l’aide de 1 500 euros, réservée aux indépendants, La Belle Place étant une société filiale d’une SAS. En revanche, elle a pu décaler le remboursement de son emprunt immobilier. « Il a fallu se battre, mais j’y suis arrivée et cette facilité était indispensable pour une structure comme la mienne, qui avait ouvert en début d’année 2020 pour un chiffre d’affaires prévisionnel de 40 000 euros. »

« Mon petit espace et notamment ma salle de réunion doivent pouvoir tourner à plein régime… »

Après deux mois de fermeture, la dirigeante avance pas à pas, semaine par semaine. Pour elle, la rentrée sera décisive : « Mon petit espace et notamment ma salle de réunion doivent pouvoir tourner à plein régime… Mais si les mesures de distanciation se renforcent, si une deuxième vague arrive, si la réunion ne reprend pas ses droits, ce sera compliqué. »

Du côté de l’Archipel, qui accueille depuis septembre 2015 explorateurs et Robinsons pour une heure ou deux, seul ou à plusieurs, pour passer une demi-journée ou une journée, de temps en temps ou régulièrement au cœur du centre ancien de Toulon, certains axes de cet écosystème à plusieurs portes d’entrée (l’Archipel, c’est du coworking, mais aussi des espaces dédiés aux professionnels du bien-être, de la communication, de l’accompagnement, de la domiciliation) ont permis de compenser la fermeture complète des lieux de rencontre. Pour passer la crise, son dirigeant Nicolas Potier a sollicité et obtenu l’aide de 1 500 euros pour les mois d’avril et mai. En revanche, « malgré un chiffre d’affaires (CA 2019 : 77 500 euros) en croissance depuis le début de l’année, je n’ai pas pu obtenir le prêt garanti par l’État et je me suis donc tourné vers une aide portée par Var initiative au titre du fonds Covid-résistance et j’ai ainsi pu décrocher un prêt à taux zéro de 8 500 euros, remboursable l’année prochaine. De quoi nous procurer une ligne de trésorerie intéressante pour envisager la reprise », souligne Nicolas Potier.

À Saint-Maximin, Pauline Soria a également pu obtenir une aide de 1 900 euros (1 500 euros pour le premier mois, 400 euros pour le second mois) et a souhaité en retour aider ses coworkers, qui sont pour l’essentiel des indépendants. « J’ai réduit leur abonnement de 50 % en avril et mai et je leur ai offert la possibilité de consommer leurs crédits d’heures inutilisées jusqu’au 1er septembre. Malgré cela, mes abonnés ne sont pas tous revenus. Certains ont même résilié », confie la dirigeante.

Organiser la réouverture

Car c’est là une des conséquences de la crise : les indépendants, une clientèle habituée des espaces de travail partagé, n’ont pas été épargnés ! Et c’est vrai aux quatre coins du Var.

Avec des clients, dont 80 % sont des indépendants et 20 % sont des salariés, La Belle Place, à sa réouverture, a retrouvé les trois quarts de ses clients déjà présents, mais une partie d’entre eux a connu une baisse trop importante d’activité et n’a pas pu revenir. « Les autres reviennent avec l’envie de continuer à changer de décor, de voir du monde, être en centre-ville », détaille Marie Fauré. À l’image d’Isabelle Viala Faure, coordinateur marketing pour le magazine Flat6 Magazine, un mensuel dédié à la Porsche, qui a rejoint La Belle Place au mois d’octobre 2019 après plusieurs semaines de travail à la maison : « Avant, j’avais des relations de travail, maintenant j’ai des collègues de bureau, » confie cette salariée, dont l’abonnement à l’espace de travail partagé est payé par son employeur. Pour elle, « le coworking impose un rythme, aide à la créativité, permet de tisser des liens professionnels tout en ayant l’impression d’être chez soi. » Alors, lorsque la Belle Place a rouvert ses portes, elle fut parmi les premières à y retourner, pour retrouver une dynamique et une motivation.

Si les coworkers résidents reviennent petit à petit, la dirigeante de la Belle Place a opté pour un redémarrage à coût presque zéro et a « décidé d’assurer elle-même un certain nombre de prestations comme le ménage, et de fonctionner en mode très réduit en attendant de retrouver un rythme plus sécurisant. » Nicolas Potier de l’Archipel ne cache pas sa joie d’avoir pu rouvrir ses espaces, mais lui aussi, va continuer de faire le dos rond, le temps nécessaire… Même s’il a embauché en sortie de confinement, « pour retrouver l’envergure nécessaire à nos ambitions », et, il l’espère, relancer prochainement l’organisation d’événements.

Quant à Pauline Soria, elle a rouvert « sur la pointe des pieds » le 11 mai avec un ou deux coworkers ; elle a aussi réduit le nombre de postes de travail pour respecter les mesures de distanciation. Tout comme Nicolas Potier, qui avait préparé les locaux « en appliquant les mesures de distanciation, en proposant du gel hydroalcoolique, des vaporisateurs de lotions, en prévoyant des prestations de ménage complémentaire… le tout dans la bonne humeur. »

Les nouveaux profils de la sortie de confinement

Et après des débuts timides, les publics sont revenus progressivement et tous constatent que de nouveaux profils sont apparus, de nouvelles pratiques aussi : « J’ai le sentiment que certaines personnes, notamment en provenance de Paris ou d’autres villes françaises, ont prévu de s’installer à moyen terme en région et recherchent un espace pour travailler », confie ainsi Nicolas Potier.

« Certaines personnes, notamment en provenance de Paris ou d’autres villes françaises, ont prévu de s’installer à moyen terme en région et recherchent un espace pour travailler. »

Avec le déconfinement, Marie Fauré a reçu des demandes émanant de salariés ou d’entreprises à la recherche de lieux de travail, pérennes ou ponctuels, pour leurs employés. Elle a aussi accueilli des salariés en reconversion, qui ont profité du confinement pour démarrer un nouveau projet, comme Salima Teisseire, employée d’une compagnie aérienne, qui a réalisé un rêve : travailler de sa passion, l’écriture, depuis un espace de coworking pour conserver l’esprit d’équipe, qu’elle a connu pendant 25 ans dans l’aviation. Elle a créé sa petite entreprise, La Plume de Laudea et écrit notamment des biographies familiales. Pour elle, « le coworking représente un budget, mais c’était vital d’être à l’extérieur, d’aller travailler. Cette solution favorise aussi les rencontres et les échanges, qui sont particulièrement riches lorsqu’on démarre une aventure entrepreneuriale », explique la jeune créatrice d’entreprise.

Pour séduire ces nouveaux profils, Marie Fauré pense que « la région, et en particulier des villes comme Hyères, ont une réelle carte à jouer. » Et ce n’est pas Pauline Soria qui la contredira qui, après des débuts plutôt calmes, a ressenti « une petite émulation à partir du mois de juin » et a notamment accueilli cinq nouveaux abonnés, tous des salariés en télétravail, venus chercher un peu de calme, à leurs frais. Pour l’été à venir, une période pendant laquelle l’activité est habituellement réduite à zéro, la dirigeante de l’espace Safi a même reçu plusieurs demandes de renseignements et des demandes de préréservation. « Nous verrons si cela se concrétise… Alors que pour la rentrée, c’est encore le flou complet. »

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