Coup de jeune sur l'emploi en région Paca
Enquête # Ressources humaines

Coup de jeune sur l'emploi en région Paca

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Dopé par le plan de relance, avec 1 jeune 1 solution, l’emploi des jeunes ne s’est jamais aussi bien porté. Accompagnés par Pôle Emploi, les missions locales, des associations d’insertion et des entrepreneurs, plus de 58 000 jeunes ont développé leur employabilité et ainsi trouvé ou retrouvé un emploi en région Paca en 2021.

14 jeunes ont intégré la première promotion de l'Accélérateur de compétences et d'autonomie de la CPME Sud. Plus de 70 jeunes supplémentaires ont depuis rejoint le dispositif à Marseille, Toulon et Arles — Photo : Fred Bruneau photographe

Aide à l’embauche, formation vers des métiers porteurs, dispositifs d’accompagnement pour les plus éloignés de l’emploi. En 2020 et 2021, le gouvernement a déployé 9 milliards d’euros en faveur de la jeunesse française autour d’un message clair, rappelé par la ministre du Travail Élisabeth Borne : "La jeunesse française ne sera pas la génération sacrifiée du Covid-19." L’ambition de ce plan, baptisé "1 jeune 1 solution", dévoilé à l’été 2020 était alors claire : trouver une réponse pour chaque jeune, aussi bien pour les "750 000 qui arrivent sur le marché du travail à la rentrée et les centaines de milliers déjà en recherche d’emploi ou en inactivité."

Un an après la mise en œuvre de ce plan, que Jean Castex avait alors qualifié de "jamais vu", plus de deux millions de jeunes avaient bénéficié de l’une des solutions du plan, selon Élisabeth Borne. Ils étaient plus de trois millions à avoir trouvé un emploi en fin d’année et le projet de loi de finances pour 2022 consacre désormais 6 milliards d’euros à l’insertion professionnelle de la jeunesse pour que la reprise économique bénéficie à tous, notamment à travers la création du contrat d’engagement jeune, entré en vigueur le 1er mars pour favoriser la mise en activité, à travers un parcours d’ensemble qui intègre toutes les solutions qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan 1 jeune 1 solution.

Un emploi pour 58 570 jeunes

En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, aussi, les chiffres sont bons : le nombre de demandeurs d’emploi (catégories A et B) de moins de 25 ans a baissé de 15,5 % entre novembre 2020 et novembre 2021 pour s’établir à 55 022 personnes, contre 61 000 avant la crise sanitaire. Plus de 58 000 jeunes ont ainsi trouvé ou retrouvé un emploi, un volume supérieur de 4,6 % par rapport à celui d’avant la pandémie. "Nous avons largement dépassé les objectifs", estime Claude Fournet, directeur de l’association régionale des missions locales. "Il est incontestable que nous avons été aidés par la conjoncture économique favorable du deuxième semestre 2021, mais aussi par des politiques publiques volontaristes puisque le plan 1 jeune 1 solution bénéficie d’un budget de 60 millions d’euros sur la période 2021-2022", ajoute Pascal Blain, directeur de Pôle Emploi Paca, qui a vu ses capacités d’accompagnement augmenter de 140 % depuis 2019.

Pour parvenir à ces résultats, un panel de solutions d’accompagnement vers l’emploi, assorties d’aides pour les entreprises, ont été mises en œuvre : 18 525 jeunes ont pu bénéficier de l’Accompagnement intensif jeunes, 13 640 jeunes ont été accompagnés en Garantie Jeunes, 41 567 ont accédé aux Parcours d’accompagnement contractualisé vers l’emploi et l’autonomie.

Pascal Blain, directeur de Pôle Emploi Paca — Photo : Cyril Chauvin

Le rôle clé des entreprises

Au-delà des mesures, la réussite du dispositif était conditionnée au déploiement des différentes mesures sur le terrain, nécessitant l’implication de tous les acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion, au premier rang desquels les services de Pôle Emploi, mais aussi les missions locales, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, les Apprentis d’Auteuil, les écoles de la deuxième chance, comme celle du Var, qui a accueilli 451 stagiaires en 2021, dont 75 % sont sortis "positivement" vers une formation qualifiante ou diplômante, un contrat de travail ou une alternance… En entreprise, le dernier maillon de la chaîne pour une insertion économique réussie.

Ces entreprises sont plus de 15 000 en région Paca à avoir embauché 34 000 jeunes en 2021, dont 5 000 en alternance. Fabrice Michel, dirigeant d’Azur Travaux (CA 2020 : 13 M€), une entreprise brignolaise spécialisée dans les réseaux électriques, qui emploie 135 salariés et 20 intérimaires, considère qu’en tant qu’employeur, il lui appartient de donner leur chance aux jeunes, qui ont l’envie de travailler. "Parmi la trentaine de salariés de moins de 30 ans, nous avons ainsi embauché en 2021, une jeune de 27 ans. Elle était titulaire d’un CAP en boulangerie, avec l’envie de travailler dans les travaux publics. Nous l’avons recruté via un contrat initiative emploi (CIE), nous l’avons formé aux travaux sous tension, à la connexion des câbles et elle est désormais en CDI chez nous", raconte l’entrepreneur, habitué à recourir aux services de Pôle Emploi et à l’apprentissage.

Dans certains cas, les aides proposées par le plan de relance ont été décisives, comme chez Delta Industries, une entreprise de Carros (Alpes-Maritimes) spécialisée dans la tôlerie industrielle fine, qui emploie 10 collaborateurs, dont trois apprentis. "Après le Covid et la baisse d’activité en 2020, nous avons décidé de réinvestir plus d’un million d’euros afin de nous diversifier. Nous avons acheté plusieurs machines. Il nous a donc fallu embaucher et nous avons choisi de miser sur des jeunes, grâce aux aides de l’État. Entre mai et septembre, nous avons recruté 5 jeunes qui sortaient à peine de l’école (entre 21 et 23 ans) en CDI : conducteur de machine à commande numérique, dessinateurs, soudeur. Sans les aides apportées via les CUI (contrat unique d’insertion), nous n’aurions pas pu embaucher plus de deux personnes", confie Alexandra Ziegler, qui dirige Delta Industries avec son mari, Christophe.

Découvrir l’entreprise de l’intérieur

L’emploi des jeunes a aussi bénéficié de la reprise économique et d’une forte pénurie de mains d’œuvre sur certains secteurs d’activité. Lorsque cette pénurie est installée de longue date, comme dans la logistique, les entreprises se tournent notamment vers l’apprentissage, bénéficiant d’un coup de pouce non négligeable de la part de l’État. Élisabeth Borne s’en est d’ailleurs récemment félicitée : "Avec 718 000 contrats d’apprentis signés en 2021, c’est un record absolu. Nous étions à moins de 300 000 avant 2017." En région Paca, 5 031 jeunes ont fait leur entrée en entreprise par la voie de l’alternance au cours de l’année passée.

Certains ont rejoint les rangs d’ID Logistics (siège social à Orgon, dans les Bouches-du-Rhône, 25 000 collaborateurs, CA 2021 : 1,91 milliard d'euros), un groupe en forte croissance, qui a choisi de "créer les ressources par la voie de l’apprentissage et de cibler les jeunes, qui sont un facteur clé de notre réussite future dans un contexte pénurique", souligne le directeur des ressources humaines, Renaud Bouet. Après avoir recruté 170 alternants en 2021, le groupe international de logistique, partenaires de différents écoles (AFTRAL, Institut Supérieur de Logistique Industrielle de Kedge Business School, Aix-Marseille Université…), espère en embaucher 200 en 2022. "Notre objectif est de faire découvrir au plus grand nombre la diversité des métiers de la logistique et ainsi offrir de nombreuses opportunités de carrières. Accompagnés d’un tuteur désigné au sein de l’entreprise tout au long de leur cursus, les alternants suivent un programme complet théorique et pratique destiné à les former et à les faire monter en compétence. Aux termes du contrat d’alternance, la grande majorité des alternants reçoivent une proposition d’embauche en CDI et près de 50 % restent dans l’entreprise dès la fin de leur contrat d’alternance", détaille le DRH.

Sensibiliser les jeunes aux métiers de demain, mais aussi au monde de l’entreprise en général est la condition indispensable à leur insertion dans le monde du travail. Pour cela, Pôle Emploi dispose là encore d’une palette d’outils, comme l’immersion en entreprise ou le parrainage. "Depuis 2018, près de 2 000 jeunes diplômés (bac + 2) ont pu ainsi être mis en relation avec un professionnel exerçant des fonctions de management. Ce dispositif initié par la Région Sud et mis en œuvre par Pôle Emploi porte ses fruits avec un retour à l’emploi de plus de 70 %", confie Pascal Blain.

Alexa Milanini, directrice des ressources humaines d’Arfitec Group (à droite), à Grasse, a rejoint le dispositif "un parrain, un emploi" et accompagné plusieurs jeunes, dont Claudia Giorsetti — Photo : DR

Et, si l’on en croit la marraine, Alexa Milanini, DRH au sein du groupe grassois Arfitec (150 salariés, CA consolidé : 17 M€), spécialiste de la nébulisation et de la brumisation pour la distribution alimentaire et l’industrie, le parrainage est gagnant-gagnant. "J’ai notamment accompagné deux jeunes filles qui ont très vite trouvé du travail. Nous avons fait un sourcing du marché ensemble, refait leur CV, je les ai exercées à l’entretien. Nous nous voyions environ une heure tous les 15 jours. J’accompagne deux autres jeunes actuellement. Ils ont tous des profils très variés, mais ont un point commun : ils débarquent sans avoir de bonnes méthodes de recherche", explique Alexa Milanini, qui leur apprend aussi à développer leur propre réseau, à l’entretenir et le dynamiser. Dans un contexte de tensions de recrutement et alors qu’elle a 10 postes ouverts actuellement, cette expérience permet "à la marraine que je suis, de voir des jeunes motivés."

Développer l’employabilité des jeunes

Ces managers désireux de s’investir aux côtés des jeunes peuvent aussi rejoindre depuis un an le dispositif ACA, l’Accélérateur de compétences et d’autonomie, porté par la CPME Sud, Lab to Be, qui a mis au point une pédagogie de co-apprentissage et le réseau Face Sud Provence (Fondation Agir Contre l’Exclusion). Retenu dans le cadre du pacte régional d’investissement dans les compétences, ce programme est né d’un constat : "Il existe une véritable rupture du lien et une méconnaissance réciproque entre le monde de l’entreprise et celui de la jeunesse, a fortiori quand elle est éloignée de l’emploi", explique Laura Garino, cheffe de projet à la CPME Sud.

Cécile Terlaud, responsable RH chez Predictiv Pro, une entreprise marseillaise fondée en 2019 par Jaguar Network, devenu filiale du groupe Iliad-Free, a recruté 70 collaborateurs en un an et demi, et ne dit pas le contraire : "Le véritable enjeu de l’emploi des jeunes n’est pas tant le manque d’expériences ou de compétences que les comportements. Nous devons faire un travail sur l’attitude, un travail de "parents" et dans ce contexte, les aides au recrutement des jeunes sont attractives mais pas déterminantes." Pour rencontrer les étudiants à la source, Cécile Terlaud a rejoint la plateforme Myjobglasses, qui met en relation étudiants et professionnels, quand le dirigeant d’Azur Travaux, Fabrice Michel, travaille quant à lui à la valorisation des métiers de son entreprise avec le SRER Paca qu’il préside et le SNER, l’Union nationale des syndicats professionnels de construction et d’entretien des réseaux secs. "Nos chefs d’agence sont par ailleurs jurys de bac pro et BEP et notre DRH participe régulièrement à des réunions d’information auprès des jeunes."

L'Accélérateur de compétences et d'autonomie repose notamment sur la méthode "Lab To Be", un lieu de co-apprentissage jeunes et managers, visant à améliorer les compétences opérationnelles, les soft skills et l'employabilité des jeunes et d'autre part de former et d'accompagner les managers et leurs entreprises à recruter, intégrer et engager la jeune génération. — Photo : ACA

L’ACA facilite cette connaissance mutuelle : une première promotion, démarrée en mars 2021 à Marseille, a permis à 14 jeunes d’améliorer leur employabilité et à plusieurs managers et entreprises de les rencontrer, de mieux connaître leurs attentes. "Parmi ces 14 jeunes, 6 ont été embauchés en CDI ou CDD de plus de six mois et 5 sont en alternance ou en formation", confie Laura Garino. Depuis, quatre autres promotions ont démarré à Marseille, Toulon et Arles. "Notre objectif est d’accompagner 140 jeunes sur deux ans." Certains retrouveront un emploi, d’autres choisiront peut-être la voie de l’entrepreneuriat, dont le dispositif 1 jeune 1 solution fait également la promotion, relayant les annonces du gouvernement, qui a récemment désigné les lauréats marseillais des Carrefours de l’entrepreneuriat. C’était une promesse faite par Emmanuel Macron dans le cadre de son programme Marseille en grand : quatre carrefours, pour accompagner 4 000 jeunes par an dès 2022, ont été confiés à l’Épopée, le Carburateur, la Friche et la Chambre de commerce et d’industrie et un cinquième, itinérant, sera mis en œuvre par le groupe SOS.

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