Alpes-Maritimes
Coronavirus - UPE 06 : « Pour préparer l'après-crise, il faut maintenir un minimum d'activité »
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Philippe Renaudi président de l'UPE 06 Coronavirus - UPE 06 : « Pour préparer l'après-crise, il faut maintenir un minimum d'activité »

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Président de l'Union Pour l'Entreprise (UPE) dans les Alpes-Maritimes, Philippe Renaudi est membre du bureau national du Medef avec lequel il prépare, par visioconférence, « l’après-crise » du coronavirus. Par ailleurs dirigeant de la société de travaux publics Tama, à Cagnes-sur-Mer, il est concerné au premier plan par les mesures liées à la poursuite de l'activité dans le BTP.

Philipe Renaudi est président de l'UPE 06, membre du bureau national du Medef et président de l'entreprise de travaux publics Tama (240 salariés) — Photo : Olivia Oreggia

Le Journal des Entreprises : Comment vont les chefs d’entreprises azuréens ?

Philippe Renaudi : Cela commence bien sûr à être compliqué, mais les chefs d’entreprise sont actifs. Il semblerait que les banques jouent bien le jeu. Sauf pour les entreprises déjà fragiles avant la crise qui ne seront pas davantage aidées aujourd’hui. Nous ne regagnerons jamais ce que nous sommes en train de perdre mais la mobilisation des banques et de l’État limitera la casse. Les annonces faites dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire sont plutôt positives pour les entreprises même si, il ne faut pas se le cacher, la sortie de crise sera très difficile. Pour la trésorerie, nous allons devoir nous endetter et nous aurons 4 ou 5 ans pour rembourser cette dette. Si on rembourse vite, les frais seraient moins élevés. Il y a des discussions avec les banques sur la question.

La trésorerie reste-t-elle la problématique numéro un ?

Philippe Renaudi : La trésorerie est la priorité. Notre inquiétude porte sur la sclérose éventuelle du système. Si les grands groupes et les grandes entreprises dans l’automobile, l’aérospatial, le BTP décident de faire traîner les paiements des sous-traitants, ce sera très compliqué. Certains ne jouent pas le jeu pour conserver leur trésorerie. Le Medef et l’Association française des entreprises privées leur ont demandé de continuer à payer les sous-traitants afin que les PME et TPE ne souffrent pas davantage et que cela ne bloque pas toute la machine.

« Si les grands groupes décident de faire traîner les paiements des sous-traitants pour garder leur trésorerie, ça risque de scléroser tout le système. »

Mais il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de la situation. Nous verrons la semaine prochaine qui arrivera à faire les payes ! Nous verrons aussi si l’on obtient rapidement le remboursement du chômage partiel.

Après la crise, nous n’allons pas repartir comme avant, quoiqu’il arrive. Dans certains secteurs comme l’hôtellerie ou la communication par exemple, il y aura une certaine inertie. Là encore, il faudra de la trésorerie pour tenir.

Vous êtes président de l'entreprise de travaux publics Tama. Quelle est la situation du BTP à ce jour ?

Philippe Renaudi : Un accord a été signé ce week-end. Nous allons mettre en place un protocole de procédures d’activités portant sur l’utilisation du gel hydroalcoolique, des masques, des bonnes distances à tenir… Il sera rédigé par l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics. Nous le soumettrons ensuite aux organisations salariales, puis au gouvernement. A lui ensuite de prendre ses responsabilités entre le « restez chez vous » et le « vous êtes défaitistes ». Mais ce ne pourra pas être appliqué avant le 30 mars, si on veut être optimistes.

« Je n’enverrai pas mes gars au danger ! »

Les salariés de votre entreprise travaillent-ils aujourd’hui ?

Philippe Renaudi : Tous mes chantiers sont à l’arrêt. Mes 240 salariés sont au chômage technique. Même avec des procédures établies, les chantiers ne pourront pas tous reprendre. Si chacun est dans son engin mécanique, qu’il n’y a aucune interaction, ce sera possible. C’est ce que j’essaie par exemple de mettre en place dans les jours à venir au sein de mon entreprise pour poursuivre le chantier d’aménagement des plages de Cannes. Mais ce sont des cas très particuliers. Quand vous êtes dans une tranchée, quand vous faites du coffrage ou du bétonnage, vous êtes forcément tout près les uns des autres.

Moi, je n’enverrai pas mes gars au danger. Il faut que j’estime qu’il n’y ait aucun risque. Je ne peux pas avoir ça sur la conscience ! Nous avons quelques masques que nous réservons aux interventions d’urgence, en cas par exemple de rupture d’une canalisation d’eau potable ou d’assainissement. Il nous faudra donc être réapprovisionnés. Mais si tel est le cas, cela voudra dire que nous aurons des masques dans le BTP alors qu’ils en manquent dans les hôpitaux !

Avec le Medef, comment préparez-vous « l’après » ?

Philippe Renaudi : Préparer la sortie de crise, c’est travailler sur les remboursements de crédits, c’est remettre tout le monde en route, fabricants et fournisseurs. C’est pour cela que l’industrie ne doit pas s’arrêter complètement. Il faut maintenir une activité, même ridicule, même déficitaire. Là encore, si chacun est sur sa machine, cela peut se faire en toute sécurité pour le salarié. Le vital doit continuer, quitte à faire des aménagements en 2 ou 3 huit. Dans l’agroalimentaire, ils n’ont jamais eu autant de commandes !

« L’industrie vitale ne doit pas s’arrêter complètement »

Préparer l’après, c’est aussi neutraliser les réclamations sur les pénalités de retard. C’est ce à quoi nous travaillons avec le gouvernement. Il faut qu’il y ait une loi pour cela. Il faut anticiper, avoir deux coups d’avance.

L’employeur va pouvoir imposer aux salariés de prendre leurs congés payés (dans la limite de six jours ouvrables maximum). Qu’en pensez-vous ?

Philippe Renaudi : À un moment, il va falloir sauver les entreprises. Il faut que tout le monde y mette du sien. Quand chacun recevra son salaire avec 84 % du net, sans primes, sur deux semaines, le salarié préférera sans doute avoir 100 % de ses congés payés. On ne peut pas demander l’effort qu’aux PME et TPE, c’est un sujet pour les grands groupes. Dans une petite entreprise, le salarié a besoin de sauver son entreprise et son emploi.

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