Bouches-du-Rhône
Coronavirus - Jaouad El Miri (IME Emploi) : « 90 % de notre activité est à l'arrêt »
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Jaouad El Miri directeur général délégué d'IME Emploi Coronavirus - Jaouad El Miri (IME Emploi) : « 90 % de notre activité est à l'arrêt »

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À la tête du groupe d’intérim IME Emploi, créé en 2018, Jaouad El Miri dresse un premier bilan des mesures de confinement et déplore le manque d’informations et de visibilité une fois la reprise engagée.

Jaouad El Miri a créé son groupe d'intérim IME Emploi en 2018. — Photo : DR

Le Journal des entreprises : Comment avez-vous organisé le travail de vos salariés permanents et de vos intérimaires ?

Jaouad El Miri : Par la force des choses, nous avions anticipé les mesures de confinement. Quelques jours avant la décision du président de la République, l’un de nos apprentis avait été en contact avec une étudiante infectée et nous avions donc pris la décision de passer tous nos salariés en télétravail. L’entreprise était en outre déjà très connectée puisque nous avons fait du numérique un axe fort de notre stratégie de développement et nous ne misons pas exclusivement sur des agences physiques.

Nous continuons de garder le contact avec tous nos intérimaires, notamment par téléphone. Le coronavirus a permis au numérique d’entrer par la grande porte dans les entreprises, mais il révèle aussi l’importance de la fracture numérique au sein de la population.

Quelle est la situation économique de votre entreprise ?

Jaouad El Miri : IME Emploi est une jeune structure (création en 2018, NDLR) de petite taille. Nous n’avons donc pas accès aux accords-cadres des grandes entreprises dont l’activité est jugée essentielle et qui auraient pu nous procurer un certain volant de travail pour nos intérimaires.

Nous sommes habitués à intervenir sur une large palette de secteurs, du petit commerce au grand groupe de BTP. Mais même dans le BTP, nous avons pour l’heure interrompu le travail de nos intérimaires car la santé au travail est pour nous primordiale. Notre activité s’est, dès lors, arrêtée brutalement. Nous avons seulement conservé quelques intérimaires en télétravail dans le tertiaire, mais globalement, 90 % de notre activité est aujourd’hui à l’arrêt.

« Notre activité s’est arrêtée brutalement. »

Dans le BTP, un guide des bonnes pratiques a été publié, mais nous ne remettrons pas en place nos salariés tant que nous ne saurons pas quelles mesures de protection sont prises. J’ai beaucoup de mal à voir comment les mesures de distanciation peuvent être respectées sur un chantier, en particulier dans les PME… Sans compter que nos salariés intérimaires ont peur. En tout état de cause, si des chantiers reprennent, je me déplacerai personnellement pour voir si les conditions sanitaires sont réunies.

Quelles mesures d’aides avez-vous sollicitées ?

Jaouad El Miri : Nous avons la chance d’être adhérents Prisme (organisation professionnelle des secteurs de l’intérim et de l’emploi, NDLR), qui relaie les informations au jour le jour.

Nous avons sollicité des mesures de chômage partiel pour nos six salariés permanents, mais également pour une vingtaine de nos intérimaires qui avaient des contrats en cours. Cela dit, comment allons-nous faire l’avance de trésorerie alors que notre activité est au point mort ? Nous avons demandé un prêt garanti par l’État, mais là encore, entre les discours et la réalité pratique de notre banque, il existe bien des écarts. À ce jour, nous n’avons pas essuyé de refus de notre banque, mais elle fournit des réponses au cas par cas… Et rien n’est débloqué. Nous serons sûrement accompagnés mais nous allons alourdir les dettes de l’entreprise. D’ailleurs, nous ne solliciterons pas ce prêt à hauteur de 25 % de notre chiffre d’affaires annuel (près de 4 M€ l’année dernière), car si je dois emprunter 1 million d’euros sur cinq ans, je n’aurai pas les moyens de rembourser. Je prendrai donc le montant dont on a besoin pour payer les charges et assurer le redémarrage.

« Nous serons sûrement accompagnés mais nous allons alourdir les dettes de l’entreprise. »

Et comment envisagez-vous ce redémarrage ?

Jaouad El Miri : J’aimerais bien pouvoir me projeter ! Mais le flou est entretenu au plus haut niveau. Quand j’envisage le redémarrage de l’activité, beaucoup de questions sans réponses, me viennent. Quid des reports qu’on nous accorde aujourd’hui, alors que nous n’aurons pas refait notre trésorerie, puisque notre chiffre d’affaires est au point mort. Cette période de flou, cette absence de perspectives de reprise sème l’inquiétude, chez nos salariés et chez nous, les dirigeants. Et, le postulat de départ est même très flou puisque d’un côté, on nous demande de rester chez nous, de l’autre d’aller travailler.

« Quand j’envisage le redémarrage de l’activité, beaucoup de questions, sans réponses, me viennent. »

Je m’interroge aussi sur la date de cette reprise. Nous avons les moyens de payer les salaires d’avril et de mai, mais nous ne pourrons assumer cette situation sur trois mois, sauf si notre banque nous suit rapidement.

Enfin, ce confinement retarde nos ambitions : notre projet digital, notamment le développement d’une application qui devait apporter une réponse aux secteurs en tension, est stoppé. Nous avions aussi prévu des ouvertures d’agences pour en compter 10 très rapidement, mais là aussi, ces projets prendront du retard. À ce jour, l’entreprise compte deux agences à Aix-en-Provence et Salon-de-Provence et deux bureaux à Sophia-Antipolis et Marseille.

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