Coronavirus - Crédit Agricole Alpes Provence : « Nous développons une application pour gérer la reprise de l’activité »
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Serge Magdeleine directeur général du Crédit Agricole Alpes Provence Coronavirus - Crédit Agricole Alpes Provence : « Nous développons une application pour gérer la reprise de l’activité »

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Arrivé il y a quelques jours à la direction générale du Crédit Agricole Alpes Provence, Serge Magdeleine revient sur la crise sanitaire et économique actuelle. Alors que le déconfinement s'amorce, outre son rôle majeur de financement de l'économie, le Crédit Agricole Alpes Provence a mis au point, avec l'entreprise Onepoint, une application baptisée Copass pour gérer la reprise d'activité des entreprises.

Serge Magdeleine, directeur général du Crédit Agricole Alpes Provence — Photo : Crédit Agricole Alpes Provence

Le Journal des Entreprises : Vous venez de prendre vos fonctions de directeur général du Crédit Agricole Alpes Provence dans un contexte économique et sanitaire inédit. Quel regard portez-vous sur cette crise ?

Serge Magdeleine : Ce n’était pas prévu que je revienne dans cette région, dans ces circonstances. À la suite du décès brutal de Thierry Pomaret, le conseil d’administration m’a contacté pour revenir. J’ai alors fait un choix de cœur : j’adore cette région que j’avais découverte de 2010 à 2015 lorsque j’occupais le poste de directeur adjoint de cette même caisse régionale et que je n’avais plus quitté depuis puisque j’y avais installé ma famille et la retrouvait chaque week-end depuis que j’étais en charge de la technologie et du digital pour l’ensemble du groupe, à Paris.

« Sur les trois territoires des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des Hautes-Alpes, chaque mois de confinement détruit 2 milliards d’euros de PIB. »

J’arrive en effet dans une période extrêmement compliquée. Nous arriverons à juguler la crise sanitaire, mais pas à s’en débarrasser et nous devrons, je crois, apprendre à vivre avec pendant longtemps. La conséquence immédiate de cette épidémie est une crise économique profonde : sur les trois territoires couverts par la caisse régionale, les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Hautes-Alpes, chaque mois de confinement détruit 2 milliards d’euros de PIB - le PIB annuel de ce territoire est de 60 milliards d’euros - et 40 % des entreprises sont à l’arrêt. Avec deux mois de confinement, suivis de quatre mois de reprise, nous estimons que nous aurons détruit 8 milliards d’euros de PIB sur le territoire.

Dans ce contexte, comment le Crédit Agricole Alpes Provence joue-t-il son rôle de soutien à l’économie ?

S.M. : Pour absorber ce choc, qui est unique dans l’histoire du XXe siècle, même en 1929, nous n’avons pas connu un tel décrochage, l’État a mis en place un mécanisme d’absorption et a demandé aux banques de mettre en place un pont aérien entre l’économie viable d’avant Covid-19 pour la transporter vers l’après Covid-19. Pour cela, les banques ont deux outils : des pauses crédit accordées de façon massive et le prêt garanti par l’État (PGE).

Pour faire face à ce défi économique, auquel se sont ajoutés pour nous les banques, un défi sanitaire et un défi organisationnel, nous avons passé le message que toutes les entreprises viables avant la crise devaient ressortir vivantes après. Nous sommes intimement liés au territoire et si les entreprises meurent, notre banque mourra aussi.

Au niveau local, vous êtes à l’origine d’une application pour accompagner le déconfinement en entreprise. Comment va-t-elle fonctionner ?

S.M. : L’idée est née de discussions lors d’un rendez-vous virtuel avec les entreprises du Top 20 (un réseau qui fédère les numéros 1 des grandes entreprises de la métropole Aix-Marseille Provence, NDLR). Avec le concours de l’entreprise Onepoint (une entreprise française spécialisée dans la transformation numérique des entreprises et organisations, NDLR), nous avons en effet développé une application, qui devrait intéresser les entreprises. Cette application, baptisée Copass, aide au déconfinement et notamment au retour au travail sur site.

Via un questionnaire médical, l’appli déterminera pour chaque collaborateur son niveau de vulnérabilité au Covid-19 grâce à, code couleur et proposera un protocole de travail qui sécurise chacun de manière maximale. Cette technologie vise à restaurer la confiance.

Du côté des employés, Copass permet connaître son « niveau de sensibilité » face au Covid-19 grâce à un code couleur. Côté employeur, l’application offre un cadre pour les protocoles d’organisation du travail en phase avec les nouvelles exigences sanitaires imposées par la pandémie. Les entreprises pourront paramétrer l’application et déterminer les différentes options qui s’offrent aux collaborateurs en fonction de leur situation et l’appréciation du niveau de sensibilité pourra évoluer en temps réel, en fonction des recommandations officielles du ministère de la Santé et de l’avancée des connaissances sur le virus.

« Cinquante personnes travaillent sur le développement de l’application Copass »

Une joint-venture, réunissant le Crédit Agricole Alpes Provence et Onepoint, a été créée. Cinquante personnes travaillent sur le développement de cette appli, notamment pour assurer la confidentialité et la parfaite sécurité des données. Un prototype est en cours de développement. Après une phase de test au sein de cinq entreprises, cette technologie aura vocation à adresser l’ensemble des entreprises de France, après avoir été testée chez nous, au Crédit Agricole Alpes Provence et quelques autres entreprises. Elle sera commercialisée au tarif de 1 euro par salarié et par mois et 50 % des revenus de cette vente seront reversés à la recherche pour lutter contre le Covid-19.

Combien de demandes de PGE avez-vous reçues ? Quel est le délai moyen de traitement ? Comment sont prises les décisions ?

S.M. : Au niveau du groupe Crédit Agricole, nous avons reçu 100 000 demandes pour un montant total de 20 milliards d’euros à la date du 27 avril. Le taux d’acceptation tourne autour des 97 %.

Au sein de la caisse régionale Alpes Provence, nous avons reçu 3 300 demandes pour 300 millions d’euros et 53 millions d’euros ont déjà été décaissés. Le montant moyen d’un PGE se situe autour de 100 000 euros et nous avons d’ailleurs remarqué que les entreprises calibrent au plus juste leurs besoins. Le réseau a toute délégation pour octroyer le plus rapidement les prêts, et si aucune solution favorable n’était possible, alors le dossier est réétudié par la direction générale, qui seule peut refuser réellement le prêt avant réponse client. À ce jour, nous avons enregistré 19 refus. Globalement, tous les secteurs d’activité ont sollicité des PGE, à l’exception des activités digitales.

Comme dans les autres banques, nous tournons à plein régime pour essayer de financer l’économie et apporter des réponses rapides à des situations compliquées.

Alors que les compagnies d’assurances sont montrées du doigt et accusées de ne pas en faire assez, la branche « Assurance » du Crédit Agricole a pris une mesure de soutien mutualiste. De quoi s’agit-il ?

S.M. : La plupart des professionnels ont souscrit des assurances multirisques, qui couvrent leurs pertes d’exploitation. Toutefois, le risque épidémique est contractuellement exclu des garanties. Pour venir en aide à ces professionnels, deux réseaux mutualistes, le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole, ont pris des dispositions de soutien aux professionnels.

Face à cette crise sans précédent, pour accompagner les professionnels et les aider à passer le cap, le Crédit Agricole a pris la décision de mettre en œuvre un dispositif inédit de soutien pour tous les assurés ayant souscrit une assurance multirisque professionnelle avec perte d’exploitation. Ce dispositif mutualiste de soutien conduira à verser une somme correspondant à une estimation forfaitaire de la perte de revenus du secteur économique concerné pendant la période. Le dispositif mobilisera près de 200 millions d’euros.

Quelles conséquences aura cette crise sur le fonctionnement de la banque ?

S.M. : Il est difficile de dire ce que la crise aura changé dans les missions de la banque, mais j’ai la certitude que l’après-Covid-19 sera complètement différent d’un point de vue sociétal et dans la manière dont les clients consommeront les services bancaires. La technologie prendra une grande place, à l’image du service de visioconférence Zoom, qui a permis de rapprocher les familles, les amours, les amitiés. La société est aussi devenue beaucoup plus solidaire dans cette période, avec une conscience sociale de l’autre qui est très forte.

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