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Comment le plan de relance bénéficie-t-il aux entreprises de la région Paca?
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Comment le plan de relance bénéficie-t-il aux entreprises de la région Paca?

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Combien d’entreprises régionales ont déjà profité du plan de relance de 100 milliards d’euros ? Si le chiffre exact des bénéficiaires est difficile à connaître, près d’1,5 milliards d’euros auraient déjà été fléchés vers des projets menés sur le territoire, que ce soit pour gagner en compétitivité, relocaliser des savoir-faire ou encore de préparer la reprise, tant attendue.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, en déplacement sur le site d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer a annoncé une aide de l’État de 15 millions d’euros (financée par France Relance) sur les 63 millions d’euros qui vont être investis pour mener le projet de décarbonation du site — Photo : Ministère de l'Economie, des Finances et de la Relance

Il y a un peu moins d’un an, le gouvernement lançait son plan de relance, soit 100 milliards d’euros, destinés à soutenir la compétitivité économique, la transition écologique et la cohésion sociale et territoriale et ainsi permettre au tissu économique français de retrouver, d’ici à 2022, le même niveau d’activité qu’en 2019. Attendu par les chefs d’entreprise, salué par les réseaux économiques, ce plan tient-il toutes ses promesses ?

Souvent présenté comme une "usine à gaz", il a déjà permis d’aider nombre d’entreprises régionales, notamment industrielles, à investir, à relocaliser ou encore à fourbir leurs armes dans l’attente d’une vraie reprise économique, "même si sa contribution à l’économie semble encore faible, eu égard aux autres aides de l’État", souligne Benoît Fournet, qui fût l’un des premiers sous-préfets en charge de la relance à prendre son poste en région Paca. "Depuis le début de la crise sanitaire, sur les 18 milliards d’euros injectés dans l’économie régionale, 1,5 milliard d’euros l’ont été au titre du plan de relance. La Région est dans la course des engagements du plan de relance et se situe dans la moyenne nationale. Les 16,5 autres milliards d’euros appartiennent à la catégorie des mesures de soutien et de sauvegarde, que sont le fonds de solidarité (3 milliards d’euros), le prêt garanti par l’État (11 milliards d’euros), les mesures d’activité partielle (2 milliards d’euros) et les reports de charges (1 milliard d’euros)", précise le sous-préfet, pour qui l’État a joué son rôle d’amortisseur de la crise et prépare désormais l’avenir, à travers plus de 90 mesures de relance auxquelles les entreprises, ayant des projets d’investissement peuvent encore candidater.

Une myriade d’opportunités

À chacune de ces mesures correspond un chèque, une prime, une allocation, une subvention ou un fonds de soutien spécifique, accordés à travers des appels à projets, des appels à manifestation d’intérêt ou des dispositifs de financement. Les montants des enveloppes varient de quelques centaines d’euros à plusieurs millions d’euros.

Ainsi, l’État accompagne la décarbonation du site d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer à hauteur de 15 millions d’euros, sur les 63 millions d’euros qui vont être investis par le groupe, tout en soutenant une myriade de PME industrielles. À l’image de l’entreprise aixoise Fenotag, qui a obtenu 395 000 euros de subvention en moins de deux mois, de la start-up Cartesiam, qui bénéficie de 400 000 euros pour créer un centre d’excellence mondial en termes d’intelligence artificielle embarquée, à Toulon, ou encore de Record France, le dernier fabricant d’amortisseurs 100 % made in France, basé à Antibes, qui a obtenu un peu plus de 100 000 euros pour acheter une nouvelle machine de production. "France Relance offre une multitude de possibilités, tous secteurs confondus", souligne Daniel Sfecci, président de l’UIMM Côte d’Azur et par ailleurs dirigeant de l’entreprise familiale SJD Décolletage qui a reçu 20 000 euros de France Relance. "La relance est là pour permettre à chacune des entreprises de tenir, de s’organiser pour sortir renforcées lorsque l’économie repartira", précisait le préfet du Var, Evence Richard lors de la troisième conférence économique de la métropole Toulon Provence Méditerranée.

S’il est très difficile d’avoir des chiffres très précis, tant les aides sont nombreuses et variées, Benoît Mournet amorce un début d’inventaire. Au début du mois de juin, et "si on met de côté la baisse des impôts de production (625 millions d’euros en Paca) et le soutien à la commande publique (plus de 470 millions d’euros), plus de 80 millions d’euros ont été engagés sur différents projets en région Paca. Sur le volet "compétitivité", 21 projets issus des filières stratégiques (automobile, aéronautique, nucléaire) ont décroché 15 millions d’euros. Les appels à projets "résilience et relocalisation" ont bien marché avec 26 projets lauréats pour un total de 40 millions d’euros. Enfin, l’appel à projets "territoires d’industrie", dont les dossiers sont traités avec la Région Sud, a permis d’accompagner une soixantaine de projets, portés par des PME, pour 33 millions d’euros."

Toutes ces PME régionales, soutenues par l’État, les préfectures départementales ne manquent pas une occasion de les mettre en avant, à l’image du préfet du Var, Evence Richard, qui a multiplié les déplacements en entreprise ces dernières semaines pour vanter les mérites de France Relance.

Un coup de pouce, plus que bienvenu

Sa première visite fut pour l’entreprise varoise Atem. La société basée à Solliès-Pont, près de Toulon, et spécialisée dans la conception et la fabrication de sous-ensembles haute fréquence pour les marchés de la défense et de l’aéronautique, figure parmi les premiers lauréats varois de l’appel à projets "plan de relance pour l’industrie - secteurs stratégiques". Inscrite dans une bonne dynamique de croissance ces dernières années (7 à 8 %), Atem (18 salariés, 2,80 M€ de CA en 2019) a pourtant été freinée dans son élan par la crise sanitaire du Covid, enregistrant une baisse de 40 % de son activité. Malgré cela, son dirigeant Arnaud Sackda a fait le choix d’investir 1,4 million d’euros, dont 800 000 euros apportés par l’État dans la modernisation et la numérisation de son outil industriel, pour ressortir plus fort de cette crise et être prêt quand l’activité reprendra. Pour lui, "le Plan de relance a permis de gagner cinq à six ans."

Le préfet du Var Evence Richard a rencontré Arnaud Sackda, PDG d'Atem et Gregory Golf, responsable stratégie et développement chez Atem — Photo : Hélène Lascols

Pour Loïc Fernandez, qui dirige l’entreprise, spécialisée dans la tôlerie, Découpe Laser (8 salariés, CA 2020 : 1,80 M€), à Carros, "France Relance est un coup de pouce énorme, sans lequel il nous aurait fallu cinq ans pour l’achat des trois machines." La TPE, qui a déjà déménagé trois fois en cinq ans, a décroché 200 000 euros pour financer son nouveau déménagement dans des locaux trois fois plus grands et l’acquisition de machines.

À la Comex, une entreprise marseillaise mondialement connue pour son savoir-faire en termes d’intervention humaine et robotisées sous-marines, la dirigeante, Alexandra Oppenheim-Delauze, petite-fille du fondateur et ses 40 salariés ont décroché 800 000 euros de subvention. "Cette aide, le maximum que nous pouvions obtenir, va financer à hauteur de 80 % la mise en place d’une production de pousse-seringues électriques pour le secteur médical, réalisé jusqu’alors par un seul fabricant mondial avec homologation européenne, un Suisse-Allemand, qui en outre ne veut pas vendre en France", explique la dirigeante. Ce projet de la Comex, mené avec l’association Electrolab (Nanterre) et l’entreprise AQLE (implantée dans l’Oise), est une illustration parfaite de la réindustrialisation d’un produit en France, apportant une réponse hexagonale à un problème d’approvisionnement des centres hyperbares français. Après une phase d’homologation, la production devrait être opérationnelle en 2022 et la Comex vise deux marchés, les pousse-seringues pour le secteur hyperbare qui ne représentent que quelques dizaines de pièces par an et, d’un autre, les pousse-seringues standards qui représentent quelques milliers de pièces annuellement.

Sauter le pas

Pourtant, le plan de relance a aussi ses détracteurs, notamment lorsqu’il s’agit, pour les entreprises, de choisir "la bonne case" et de formuler une réponse, capable de l’emporter. L’UIMM Côte d’Azur a d’ailleurs embauché une personne chargée d’expliquer le dispositif et de faire de la pédagogie auprès des entreprises, son président Daniel Sfecci étant convaincu que "les Alpes-Maritimes et plus largement la Région ont une carte à jouer : montrer que nous ne sommes pas qu’un territoire touristique."

Frédéric Collignon, qui dirige ABF Décisions, une société de conseil spécialisée dans les financements publics, ajoute que la clé pour les chefs d’entreprise est d’être "réactifs et précis dans la candidature car le plan de relance est dans une logique de premier arrivé, premier servi." Il leur conseille dès lors de commencer par "cartographier leurs projets d’investissement, en les segmentant par thématiques – R & D, transition écologique, investissement productif – et par territoire et de se mettre en veille et d’identifier les appels à projets et les cahiers de charges."

Avec l'aide de la CCI Nice Côte d'Azur, la TPE Découpe Laser a obtenu 200 000 euros pour financer le déménagement et les machines (815 000 euros au total). — Photo : DR

Une fois l’étape franchie, les heureuses lauréates sont unanimes : France Relance est une chance qu’il faut saisir, que ce soit pour accompagner leur redémarrage en fanfare, la relocalisation d’un savoir-faire ou encore des investissements devenus nécessaires. "Il faut que les entreprises franchissent le pas, ne pensent pas, comme nous, qu’elles sont trop petites. Il faut avoir un bon projet. Mais il faut faire la demande, même si cela prend du temps et se faire accompagner", confie Loïc Fernandez de Découpe Laser.

Pour Alexandra Oppenheim-Delauze, dirigeante de la Comex, "c’est la première fois que nous montions un dossier de cette nature et nous avons été agréablement surpris de voir le soutien que nous ont apporté Bpifrance et les équipes du ministère de l’Industrie, à Bercy." A Aix-en-Provence, Didier Elbaz, président et fondateur de Fenotag, une société spécialisée dans la production d’étiquettes électroniques RFID (radio-identification) indestructibles a découvert le Plan de relance alors que son déménagement était devenu indispensable. L’entreprise de 19 salariés, connaît depuis quatre ans une croissance annuelle moyenne de 50 %. "Avec France Relance, il nous était ainsi possible de financer jusqu’à 70 % des investissements. Nous avons obtenu 395 000 euros de subvention en moins de deux mois", détaille l’entrepreneur, qui dispose désormais de nouvelles lignes de production et va pouvoir s’attaquer au marché asiatique.

L’entreprise marseillaise Comex se lance dans la production de pousse-seringues avec le soutien de France relance. Cette activité lui permet de conserver l’ensemble de ses équipes, mais également de recruter deux personnes supplémentaires — Photo : Didier Gazanhes

Enfin, certaines entreprises lauréates ne sont pas à l’abri d’une bonne surprise, comme l’usine toulonnaise Pyroalliance, qui a obtenu une aide, supérieure à celle attendue (280 000 euros, sur un investissement total de 320 000 euros). Grâce à la modernisation et la numérisation de son site de production, cette filiale à 90 % d’Ariane Group, qui réalise des cordeaux pyrotechniques pour des clients des secteurs du spatial, de l’aéronautique, de la défense et de l’industrie, va pouvoir pérenniser un savoir-faire "stratégique et unique en France", souligne le directeur du site Fabien Cristoforetti, qui compare finalement l’aide de l’État à "une main sur l’épaule qui nous permet de nous redonner de l’élan et de continuer à aller de l’avant." Ce plan de relance dot s’achever en 2022.

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