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Comment Célia Lerouge-Bénard a dépoussiéré Molinard
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Comment Célia Lerouge-Bénard a dépoussiéré Molinard

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Célia Lerouge-Bénard incarne la cinquième génération à la tête de Molinard. Le plus ancien parfumeur de Grasse (il fête ses 170 ans cette année) est aussi l’un des très rares à être indépendant. Sa directrice générale a su dépoussiérer son image tout en conservant l’authenticité qui fait sa valeur ajoutée.

— Photo : O.oreggia

Célia Lerouge-Bénard est la cinquième génération à la tête de Molinard, le plus ancien parfumeur de Grasse, et la première femme à ce poste.

Quand son père l’a appelée pour rejoindre l’entreprise créée par son arrière-arrière-grand-père (une quarantaine de salariés aujourd’hui), elle a accepté mais à condition de signer un CDD. Prendre la relève n’avait rien d’une évidence. « À 26 ans, j’avais quitté Grasse depuis des années et j’adorais vivre à Paris », raconte-t-elle. « J’avais travaillé dans l’événementiel puis dans une maison de production avant de monter ma start-up. J’avais fait des jobs d’été chez Molinard mais je ne me sentais pas concernée. » La suite s’est écrite par étapes, guidée par son « ange gardien » de père. « Du jour au lendemain, j’ai dû négocier avec Marionnaud, avec Sephora… J’étais très impressionnée mais j’ai fait mes armes et me suis finalement révélée. » Huit années d’apprentissage et d’observation ont été nécessaires avant de finalement prendre les rênes.

Une touche plus féminine et plus moderne

Depuis 2010, Célia Lerouge-Bénard imprime sa propre marque. « Molinard était une belle maison avec beaucoup de trésors mais elle manquait de féminité, ce que j’ai apporté. Les hommes sont moins dans le détail et pour la génération de mon père, le marketing, c’était du vent. Pour autant, il est très avant-gardiste. Il a par exemple inventé les ateliers de création de parfum dans les années 90 alors que tout le monde essaye de surfer sur la vague aujourd’hui. »

Célia Lerouge-Bénard a quant à elle dépoussiéré Molinard au travers de différentes collections. Elle n’a pas hésité à revisiter Habanita, parfum star de la maison, bientôt centenaire, ou encore à poser nue pour la publicité de la fragrance Cuir. Mais son challenge est constant : conserver un équilibre. « Nous avons le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant, NDLR), j’y tiens beaucoup. Notre histoire est authentique. Pour moi, c’est un socle mais un socle délicat. Il faut changer sans prendre un virage à 360°. Il y a des marques qui ont dégringolé quand elles sont rachetées. Il faut faire attention. » Inutile alors de lui parler de diversification, comme ont pu le faire certains. « Je ne veux pas perdre en crédibilité. Nous sommes parfumeurs. Nous continuerons à faire du parfum. »

Ancrage grassois

Célia Lerouge-Bénard ne souhaite pas communiquer le chiffre d’affaires de Molinard mais concède qu’il est en progression. Avec quatre boutiques (deux à Grasse, à Nice et depuis 2017 à Paris), la dirigeante ne s’interdit pas d’en imaginer d’autres mais n’en dira pas plus pour l’instant.

Tout comme elle ne veut pas encore dévoiler les projets qu’elle réserve à la Bastide, siège du parfumeur à Grasse. Blanc à l’origine, il a été repeint en ocre flamboyant pour marquer son 170e anniversaire. Jusqu’alors inutilisée, la villa attenante, entièrement refaite elle aussi, est désormais proposée pour des séminaires, des ateliers ou des réceptions. Une autre façon d’ouvrir la maison Molinard et de la « mettre en lumière. Il y a 15 ans, dans le monde de la parfumerie à Paris, on nous voyait comme des provinciaux. Ça évolue. Grasse mérite vraiment de renaître et nous voulons contribuer activement à cette renaissance. »

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