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Christophe Courtin : « Donnons un second souffle à Sophia Antipolis !  »
Interview Sophia Antipolis # Immobilier # Investissement

Christophe Courtin PDG de Courtin Real Estate et Courtin Investment Christophe Courtin : « Donnons un second souffle à Sophia Antipolis !  »

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Ancien patron du comparateur d'assurances niçois Santiane, Christophe Courtin s'attaque aux immeubles de bureaux de Sophia Antipolis. Celui qui est l'un des business angels les plus actifs de France est en train de donner une seconde jeunesse à la plus importante technopole d'Europe.

— Photo : DR

Après Santiane, vous êtes aujourd’hui à la tête de Courtin Real Estate. Comment êtes-vous passé de la création d’un comparateur d’assurance santé à l’immobilier de bureaux ?

Christophe Courtin : Je suis entré dans l’assurance par hasard, par une petite annonce dans le journal : « recherche commercial ». Je voulais tester. J’ai rapidement vu qu’il fallait créer une plate-forme internet. Mon employeur n’a pas suivi. J’ai donc créé Santiane en 2006. En trois ans, nous sommes devenus la plus grosse entreprise de l’Arénas (quartier d’affaires à Nice, NDLR) avec 250 salariés à l’époque. J’aime développer mais, à cette taille-là, ce n’était plus que de la gestion courante, de personnel, de syndicats, le CHSCT… Ce n’est pas ce qui fait envie à un entrepreneur. En 2015, nous avons reçu une super proposition d’un fonds d’investissement, nous l’avons acceptée et nous avons vendu. À ce moment-là, soit je recréais une start-up, soit j’accompagnais des start-up. C’est ce que j’ai fait en lançant Courtin Investment qui prend donc des participations au capital de jeunes entreprises.

« Il y a peu de zones aussi attractives avec des bureaux aussi moches »

J’ai aussi lancé Courtin Real Estate. Je cherchais moi-même des bureaux et je n’en trouvais pas. Lorsque je me suis installé à Sophia Antipolis, j’ai été surpris de découvrir l’énorme disparité entre l’ancien et le neuf. Certains bureaux sont vraiment pourris, avec des fuites, pas de chauffage l’hiver, pas de climatisation l’été… On est quand même dans la première technopole d’Europe !

Comment expliquez-vous que le paysage immobilier soit si dégradé à Sophia Antipolis ?

Ch. C. : La raison est simple : 95 % des propriétaires ne sont pas sur place. Les bureaux ont périclité parce que les foncières parisiennes ne s’y sont pas intéressé. Et puis les gens ne se plaignent pas trop car l’extérieur est tellement agréable, ils peuvent déjeuner sous les pins, faire leur footing… qu’ils se contentent de ça. Du coup, cette zone a été délaissée pendant 20 ans. Sophia était l’ovni qui rapportait du rendement sans dépenses d’investissement. Il y a peu de zones aussi attractives avec des bureaux aussi moches !

Quelle est votre stratégie face à ce constat ?

Ch. C. : Nous sommes en train de donner une seconde vie aux bâtiments créés dans les années quatre-vingt. Notre stratégie est basée sur la rénovation, la réhabilitation ou la construction et la location. On squeeze le promoteur, tout en montrant qu’on peut faire des surfaces sans défricher.

« J’aime bien qu’on m’explique que ce n’est pas possible »

Quand j’ai acheté Nova Antipolis, on m’a dit qu’on ne pourrait rien en faire, que c’était les HLM de Sophia. Je me suis dit qu’on pourrait donc en tirer un bon prix. Il y avait de l’amiante, ça sentait l’humidité, c’était les pires bureaux de Sophia ! J’aime bien qu’on m’explique que ce n’est pas possible. On a tout cassé pour ne conserver que la structure et on a tout refait, soit 6 000 m², en sept mois. Une entreprise comme Alten était prête à partir à Marseille ne trouvant rien à Sophia. Au final, leur loyer est 20 % moins cher que dans le neuf et ils sont ravis. Nous avons déjà rénové 2,5 % de Sophia en deux ans et pensons pouvoir atteindre les 10 % en 10 ans.

Parlez-nous des deux gros chantiers en cours que sont Centrium et Naturae…

Ch. C. : Pour Centrium, nous avons retiré 400 kg d’amiante. Nous avons créé des parkings en sous-sol pour ne pas dévégétaliser, des bassins de rétention, nous plantons des arbres… Il y aura davantage d’espaces verts après les travaux. Il y aura des vélos électriques, une conciergerie digitale, en plus de deux restaurants, un restaurant inter-entreprises où l’on mangera pour 3,5 € sans avoir à s’abonner, une salle de sport à 10 € par mois… Nous ne sommes pas obligés de faire tout cela, sauf que la valeur d’un site sera dans le service. On pense qu’il y a une place entre un lieu de coworking, qui prend trois fois plus cher, et une foncière qui prend deux fois plus cher et qui ne s’en occupe pas.

Pour Naturae, signé de l’architecte Jean-Paul Gomis, nous avons tout rasé pour passer de 1 000 m² tout moches à 6 000 m² tout neufs. Nous avons adapté l’immeuble pour ne pas couper d’arbres. Nous allons mettre des vélos électriques à disposition via une start-up dont je suis actionnaire. Nous sommes en train de monter un partenariat avec la Mouratoglou Tennis Academy (entraîneur de Serena Williams dont l’Académie se situe à Sophia, NDLR). Un bureau est un bureau. La différence, c’est l’emplacement et le service.

Via Courtin Investment, vous êtes par ailleurs l’un des cinq business angels les plus actifs en France. Quelle place occupe cette activité à vos yeux et dans votre planning ?

Ch. C. : J’ai une quarantaine de boîtes en portefeuille parmi lesquelles Yuka ou OnePark. Le but est d’en avoir une centaine d’ici deux ans. J’ai investi près de 8 millions d’euros en trois ans. C’est une activité à laquelle je ne peux consacrer aujourd’hui plus de 5 % de mon temps. Deux personnes gèrent mes participations. Je suis au conseil d’administration de 12 start-up, je suis également vice-président de l’incubateur Dauphine à Paris, partenaire de deux fonds d’investissements… Je n’ai plus le temps, je me concentre sur l’immobilier.

« Mon rêve serait de combiner les deux activités : l’immobilier et un programme d’accompagnement de start-up plus poussé »

Centrium est tout de même un projet à plus de 10 M€ et Naturae à 20 M€ ! Il y a de très belles start-up. Yuka compte 12 millions de téléchargements, elle est présente dans six pays, ce n’est pas mal. Onepark est leader européen du parking. Nous allons faire une levée de fonds de 40 millions d’euros. Peu connue du grand public, elle vaut déjà plus de 100 millions. Kard, une néobanque pour ados, marche très bien avec 40 000 utilisateurs. La communauté entre mamans Wemoms compte 2 millions d’utilisatrices. Citygo est le leader du covoiturage urbain, avec 400 000 utilisateurs. Je suis en train de le déployer à Sophia Antipolis. Navily, basée à Nice, est la plus grande plateforme de réservation de places de port d’Europe. Je suis par ailleurs entré au capital de trois structures d’accompagnement : WeSprint, qui est à Montpellier et Toulouse, et 1kubator, premier incubateur de province présent à Nantes, Lyon et Toulouse, que je vais sûrement faire déployer à Sophia. Je suis aussi partenaire de Side Capital aux côtés d’une quarantaine d’entrepreneurs dont les fondateurs de BlaBlaCar, Showroom Privé ou PriceMinister. On a tous mis 50 000 euros, on reçoit des dossiers, on choisit.

Quels sont vos projets ?

Ch. C. : Mon rêve serait de combiner les deux activités : l’immobilier et un programme d’accompagnement de start-up plus poussé. Pour attirer des talents, il faut des logements à proximité, ce qui est un vrai problème ici, et un fonds d’investissement. Je me dis que je peux lever 15 à 20 millions d’euros. L’idée serait de proposer des bureaux gratuits pendant six mois, avec un accompagnement et un système de bonification. Au bout de six mois, on fait le point : soit on vous garde et on vous finance, soit vous allez dans des locaux de coworking à côté. Je ne peux pas en dire plus mais on avance sur un projet, quelque chose qui ne s’est pas encore fait. Rien n’a encore été fait !

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