Alpes-Maritimes
Christine Scaramozzino (Paal) : « Les jeunes sont pleins d’idées reçues sur l’industrie »
Témoignage Alpes-Maritimes # Industrie

Christine Scaramozzino (Paal) : « Les jeunes sont pleins d’idées reçues sur l’industrie »

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Christine Scaramozzino dirige PAAL (35 salariés, 9 M€ de CA), concepteur et distributeur de profilés en aluminium. Après avoir fait entrer l’art dans l’entreprise, elle organise un concours dans les collèges pour donner envie aux jeunes d’aller vers l’industrie. Elle témoigne de ce qui est aussi, à ses yeux, le rôle d'un dirigeant.

À Contes, près de Nice, Christine Scaramozzino dirige la société PAAL (Profilés Aciers et Alliages Légers) créée par son père et son oncle il y a plus de 60 ans. Pour la deuxième année, elle organise un concours auprès de 200 collégiens des Alpes-Maritimes pour valoriser les métiers de l’industrie — Photo : O. Oreggia

"Nous concevons des profilés aluminium pour le bâtiment et l’industrie. Notre bureau d’études dessine des systèmes de fermeture, fenêtres, volets, portes… Nous sommes la dernière entreprise indépendante à taille humaine en France dans ce secteur. Mais être petit est aussi une force. Nous avons conservé notre dimension familiale. Il y a une proximité entre nous et avec nos clients. Mais nous devons nous poser la question : comment vont évoluer nos métiers ?

J’ai créé la fondation PAAL en 2013. Il s’agissait au départ de valoriser l’art, qui est une de mes passions, au sein de l’entreprise afin de nous démarquer, mais aussi de fédérer les collaborateurs et insuffler une façon de travailler ensemble un peu différente. Ce n’est pas évident dans un milieu très masculin, dans un moule très strict où nous travaillons au micron près. L’art est aussi un bon moyen de faire entrer de l’émotion et de la créativité.

Un gorille qui fait réagir

Nous avons commencé avec l’artiste Patrick Schumacher qui nous a prêté une œuvre, un grand gorille. Évidemment, en arrivant le lundi matin, les collaborateurs ont réagi. C’était le but. Puis, j’ai ajouté d’autres œuvres que chacun s’est peu à peu appropriées. Quand il a fallu rendre le gorille, personne n’était d’accord pour le laisser partir !

Un entrepreneur n’est pas là que pour organiser et promouvoir son entreprise ou pour faire des bénéfices. Il faut que l’entreprise rayonne avec une image et une âme fédératrices. Chacun y a une place importante. Il faut cette sensibilité pour rechercher les talents et les faire évoluer.

Une fois que la mission sur l’art était lancée, nous avons ajouté une deuxième corde à l’arc de la fondation afin de valoriser les métiers techniques et manuels auprès des collégiens. Il fallait déjà leur expliquer ce qu’est l’industrie. Ils étaient pleins d’idées reçues. Ils avaient l’image d’une usine sale, polluante. Ils ont visité l’entreprise, ils ont vu notre showroom. Ils ont découvert qu’il y avait tout un éventail de métiers : l’accueil, la vente, la logistique, le bureau d’études, les achats.

Des freins encore nombreux chez les filles

L’an dernier, nous avons lancé le concours « La matière en lumière ». L’objectif était de créer une œuvre en mettant en scène un matériau. Quatre collèges de Nice, soit 120 jeunes, y ont participé. Nous leur avons donné des morceaux d’aluminium, coupant les pièces une par une. Au final, nous avons jugé les œuvres, mais aussi la qualité d’expression des élèves, leur présentation, leur motivation. Cela a créé une synergie et pas mal d’émotions. Cette année, nous avons été rejoints par les entreprises Resistex, SJD Décolletage et Orsteel Light. Le concours s’articulera autour du thème « Prends tes rêves en main ! ». Deux cents collégiens sont inscrits.

J’interviens aussi dans des lycées, notamment auprès des filles. Pour elles, les freins sont encore nombreux : les parents, l’Éducation nationale, les usages. Il y a tant d’interdits, d’autocensure ! Je les entends souvent dire « ça ne se fait pas ». Pourtant, quand on leur pose la question, elles savent ce qu’elles veulent faire. Sur une assemblée de cinquante filles, s’il y en a 2 ou 3 qui suivent ce chemin voyant que cela est possible, ce sera déjà bien. Si ça leur plaît, elles réussiront."

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