Ces entreprises du Sud qui craquent pour le mécénat
Enquête # Activités culturelles # Mécénat

Ces entreprises du Sud qui craquent pour le mécénat

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Avec 10 % d’entreprises mécènes, la Région Sud se situe en-dessous de la moyenne nationale. Pourtant, les dirigeants qui ont choisi ce dispositif jugent que cette activité est un vrai plus pour leur territoire, mais également pour leurs salariés.

Début 2018, le Mucem a été le premier musée national à solliciter le mécénat d'un club d'entrepreneurs, en l'occurrence le Club Immobilier Marseille Provence à hauteur de 300 000 euros sur trois ans — Photo : CC0

Entrée en vigueur en 2003, la loi Aillagon pour favoriser le mécénat via une défiscalisation de 60 % des sommes dépensées semble porter ses fruits. Selon la dernière étude de l’association Admical, 14 % des entreprises françaises ont opté pour ce dispositif. « La moitié des entreprises de plus de 250 salariés sont désormais mécènes et un quart des PME. Les entreprises ont donné 3,5 milliards d’euros en 2015 (+25 % depuis 2013). Parmi elles, 72 % de TPE », détaille le document, précisant que les initiatives s’exercent à 81 % de manière locale.

Dans ce flot de chiffres, la Région Sud traîne un peu avec 10 % d’entreprises mécènes. « Les régions parisienne et lyonnaise ont plus de grosses entreprises. Ici la quasi-totalité du tissu local est composée de PME-TPE », justifie Caroline Derot, professeur de mécénat culturel à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence et délégué Admical en région Sud.

Un gros penchant pour la culture

L’enseignante a surtout l’impression que la Région Sud se distingue « par un fort engagement culturel, secteur qui s’est le plus développé », porté par le dynamisme d'établissements comme l'Opéra de Nice en matière de mécénat ou le coup d'accélérateur donné par le titre de capitale européenne de la culture, obtenu par Marseille-Provence en 2013.

La culture a notamment attiré Fabrice Alimi, dirigeant fondateur du Groupe A & Associés et président du Club Immobilier Marseille Provence, premier club d'entrepreneurs à devenir mécène d'un musée national, le Mucem. « J’ai accepté parce que je trouve que ce musée a changé le visage du territoire. Je le vois comme une locomotive, une machine d’attractivité qui m’a apporté des clients », explique-t-il. L'engagement actuel du Club envers le Mucem est de 100 000 euros par an pendant trois ans.

« Le mécénat fait partie de l’histoire de l’entreprise : c’est important d’ancrer sa société dans le territoire. »

Une vision partagée par le Club des Mécènes du Var et ses 11 membres qui investissent quelque 33 000 euros par an pour restaurer du patrimoine. « Nous sommes très sensibles à la dynamique locale et nous voulons contribuer à l’attractivité de notre département, qui a un gros potentiel inexploité », avance Marc Tassel, le président de l’organisation.

Frédérique Paix (à gauche), de chez Roland Traiteur, lance son fonds de dotation pour réaliser des opérations de mécénat avec d'autres entreprises — Photo : DR

« Le mécénat fait partie de l’histoire de l’entreprise, c’est important d’ancrer sa société dans le territoire », renchérit Frédérique Paix, en charge du mécénat chez Roland Paix (CA : 6,5 M€). Le traiteur a commencé cette aventure au début des années 2010 et dépense environ 60 000 euros par an. « Nous avons débuté avec le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, puis le ballet Preljocaj au Pavillon Noir », explique la dirigeante de la société basée à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var).

Vers des opérations de groupe

Depuis trois ans, elle collabore avec l’Association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (ADAPEI). « Nous sommes très actifs, soit par le biais de prestations en faveur de l’association, soit en prenant dans nos cuisines des personnes handicapées », affirme Frédérique Paix, qui lance aujourd'hui un fonds de dotation. « L’objectif est de motiver des entreprises pour réaliser des opérations de mécénat à plusieurs », précise-t-elle.

« Les capacités de financement, selon la taille des entreprises, peuvent être un frein », reconnaît Damien Leclere, président de Mécènes du Sud dont le budget des 50 membres atteint 200 000 euros. Car le gros coup de pouce fiscal ne fait pas tout. « C’est loin d’être anecdotique mais cela ne résume pas tout, c’est un moyen d’aller un peu plus loin », insiste Frédérique Paix.

Des collaborateurs valorisés

Autre sujet, celui du rôle des salariés. « C’est très bien de seulement donner, mais réussir à embarquer ses équipes peut être une véritable étincelle », défend la professeure Caroline Derot. « Nous sommes une quarantaine chez Roland Traiteur, il suffit d’en avoir quatre ou cinq qui vont ensuite entraîner les autres, c’est aussi très important de les valoriser », confirme Frédérique Paix. Cela passe notamment par des accès aux lieux culturels subventionnés.

« L’un des freins au mécénat est le temps personnel que cela demande à l'entreprise. »

Une implication qu’est en train d’adopter CMA CGM (17,2 milliards de CA, 29 000 collaborateurs) qui lance du mécénat de compétences avec une dizaine de salariés qui vont passer du temps auprès d’associations dédiées à l’enfance fragilisée pour les aider. « Cela répond à une tendance et une volonté des salariés de s’impliquer dans nos actions », explique-t-on du côté de la fondation du numéro trois mondial du transport maritime de conteneurs. Le géant marseillais subventionne aussi chaque année des projets dans la région, ainsi qu'au Liban, pour une enveloppe totale d’environ 150 000 euros et offre le fret pour le matériel humanitaire.

La fondation CMA CGM, présidée par Naila Saade (3e en partant de la droite), subventionne chaque année des associations régionales impliquées dans l'aide à l'enfance fragilisée à l'image de SOS Village récompensée en 2017. — Photo : CMA CGM

Une activité qui prend du temps

CMA CGM compte quatre personnes dédiées à la fondation. Des ressources que ne possèdent pas les plus petites entreprises. « L’un des freins au mécénat est le temps personnel que cela demande », répond Damien Leclere. Un sentiment partagé par Frédérique Paix, pour qui les principaux freins sont administratifs, mais aussi la difficulté de se faire connaître auprès des porteurs de projet de mécénat.

« Si la culture est très présente dans le mécénat régional, c’est parce que des structures comme le Mucem ou le Pavillon Noir ont professionnalisé leurs recherches. Il faudrait maintenant marketer l’offre sur d’autres domaines. Il y a une vraie marge de progression », décrypte Caroline Derot. Reste à faire face à la future loi Pacte, qui prévoit une notion d’entreprise à mission pouvant concurrencer le mécénat sur le thème du social. Une étude sur la dépense fiscale du mécénat est également en cours de réalisation par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

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