Attractivité : les nouveaux atouts de la région Sud
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Attractivité : les nouveaux atouts de la région Sud

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En générant de nouveaux types de comportement au travail, la pandémie de Covid-19 a des effets durables sur le futur des lieux de travail. Le recours systématique au télétravail a ainsi accru l’attractivité de certains territoires de province, comme la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur.

En décembre 2021, après un an d’ouverture, les espaces de TVT Innovation, au sein du quartier Chalucet, à Toulon, ont trouvé leurs habitants : sept entreprises se sont installées dans la résidence d’entreprise, 15 coworkers réguliers et plus de 50 indépendants ont fréquenté les lieux — Photo : PAULINE IMPERATO

17 mars 2020. La pandémie de Covid-19 touche la France et le recours au télétravail s’impose pour freiner la propagation du coronavirus. En deux jours, sans aucune préparation, les entreprises françaises, souvent peu désireuses de laisser de l’autonomie à leurs salariés, sautent le pas et mettent en place le travail à distance (encadré depuis 2017 par les lois Macron, mais peu utilisé à part certains grands groupes et pour un nombre de jours de travail réduit) en découvrant les plateformes Teams, Zoom ou Skype.

Selon le ministère du Travail, un tiers des actifs pourraient exercer de manière permanente leur activité en télétravail. 40 % de l’activité économique française a été ainsi réalisée en télétravail lors de la pandémie en 2020. Exit donc la routine du métro-boulot-dodo dont les "millénials" (jeunes âgés entre 25 et 35 ans) ne veulent plus depuis quelques années. Bouleversées aussi les réflexions d’implantation des entreprises. Si les salariés peuvent travailler de chez eux, l’entreprise peut s’installer n’importe où… à condition toutefois de disposer de réseaux et d’une connectivité suffisante.

De celle-ci découlent en effet de nouveaux enjeux quant à la localisation des bâtiments, tout en s’affranchissant de l’endroit où l’on se trouve. "Les télécoms et les accès IP changent la géographie. En temps de latence, Marseille est plus proche de Singapour que Paris de Londres. Les télécommunications ont un coût, et, si l’infrastructure informatique de l’entreprise est éloignée des hubs de Paris ou de Marseille, les coûts d’exploitation risquent de devenir vertigineux", confie Fabrice Coquio, dirigeant d’Interxion, opérateur de data centers, qui en compte quatre dans la Cité phocéenne. Marseille, avec près d’une vingtaine de câbles sous-marins la reliant à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Asie, est déjà à la 9e place mondiale des hubs numériques et devrait prochainement se hisser dans le top 5 et devenir le premier nœud de raccordement du sud de l’Europe.

La création de tiers lieux, qui ne seraient ni les locaux de l’entreprise, ni le domicile du salarié en télétravail, dans lesquels les collaborateurs de l’entreprise pourraient travailler, constitue une réponse à ce besoin de connectivité. À Marseille, Babel Community, qui compte désormais cinq résidences en France, ambitionne de révolutionner le logement de demain, en proposant à la fois du coliving et du coworking.

Fuir Paris

La crise sanitaire a entraîné un autre phénomène. Selon Cadremploi, 83 % des cadres parisiens souhaitent quitter l’Île-de-France pour d’autres métropoles françaises. Si le phénomène n’est pas nouveau, le coronavirus a accéléré ce désir de migration. "Pendant très longtemps, jusqu’au Covid, une société à capitaux étrangers avait le réflexe de s’installer à Paris. Les choses ont évolué. La crise a changé les projets d’implantation des entreprises. Les nouveaux travailleurs ont de nouveaux critères, dont la qualité de l’environnement, la qualité de vie. La Côte d’Azur est encore plus à même d’attirer des talents car nous avons ces qualités que tout le monde recherche : le soleil, la mer, la montagne…", confie Philippe Servetti, directeur général de Team Côté d’Azur, agence dédiée à la prospection d’entreprises françaises et étrangères, qui, en 2021 a accompagné 31 décisions d’investissement en Côte d’Azur.

"Pendant très longtemps, jusqu’au Covid, une société à capitaux étrangers avait le réflexe de s’installer à Paris. La crise a changé les projets d’implantation des entreprises."

Un avis partagé par Michel Bosco, président du groupe belge Rhea France, qui a ouvert en 2021 sa première filiale française à Nice, dans le quartier d’affaires Grand Arenas, à proximité directe de l’aéroport : "Après la crise sanitaire, les aspirations de nos futures recrues ont évolué. La recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est désormais incontournable. Ce dernier point a fini de nous convaincre d’implanter notre filiale sur la Côte d’Azur. Nous accordons une importance toute particulière au management de nos talents et nous souhaitons proposer un environnement idéal pour qu’ils puissent développer tout leur potentiel. Notre taux de turnover est ainsi particulièrement bas."

Séduire les dirigeants et les salariés

Les agences de développement, jusque-là principalement concentrées à proposer des terrains ou des tarifs se voient donc amenées à devoir séduire non seulement les dirigeants des sociétés candidates à l’implantation, mais également leurs salariés soucieux d’épanouissement personnel. "En tant qu’agence de développement économique, nous sommes un partenaire historique des entreprises lorsqu’elles ouvrent un nouveau lieu de travail", rappelle Philippe Stéfanini, directeur de Provence Promotion, l’agence de développement économique de la métropole Aix-Marseille-Provence et du Pays d’Arles, qui contribue en moyenne à l’installation d’une soixantaine d’entreprises par an.

Philippe Stéfanini, directeur général de l’agence de développement économique Provence Promotion — Photo : Provence Promotion

"Notre mission est traditionnellement de conseiller l’entreprise sur les lieux d’implantation, de travailler sur la taille des bâtiments, du terrain, le prix, l’accessibilité… Toutefois, depuis deux ans, avec l’arrivée des jeunes générations sur le marché du travail, d’autres critères viennent se rajouter", poursuit-il.

Impact social positif

"Désormais, une nouvelle implantation est l’occasion pour l’entreprise d’associer ses salariés à un projet à impact positif sur son territoire, à l’image du nouveau siège social aixois de Voyage Privé qui associe à l’entreprise un campus sportif, notamment dédié à l’inclusion de personnes en décrochage scolaire", ajoute Philippe Stefanini de Provence Promotion.

Le lieu de travail devient ainsi un lieu d’expression collectif avec un impact positif sur son environnement. "Ce sont ces éléments qui vont motiver les salariés à quitter leurs domiciles pour retourner dans les bureaux de l’entreprise. Cette année, exceptionnellement, ce sont près de 500 dossiers que nous avons accompagnés assez loin dans le détail et beaucoup d’entreprises sont à la recherche de projets avec un impact positif sur le territoire, qu’il soit lié à l’inclusion sociale ou à l’environnement". Le directeur de Provence Promotion a ainsi intégré le Campus de l’inclusion, initiative de GoJob, du groupe Inditex et du gouvernement, qui a ainsi lancé à Marseille un dispositif de formation innovant pour les dirigeants d’entreprise. L’objectif de la structure est de former les chefs d’entreprise à la notion d’inclusion et de voir comment il est possible de "travailler pour faire davantage d’inclusion". "Nous sommes une dizaine de chefs d’entreprise de PME ou de start-up, engagés pendant huit mois dans cette formation et tutorés par d’autres dirigeants. L’objectif pour Provence Promotion est de monter une sorte de catalogue de projets à impact positif, afin de pouvoir les proposer aux chefs d’entreprise désireux de s’implanter sur notre territoire, dont la nature permet de s’engager à la fois sur des projets environnementaux et sur des thématiques plus sociales".

Cadre de vie attractif

Qualité de vie, dynamisme, infrastructures modernes, mais également proximité avec la capitale doivent ainsi être au rendez-vous pour séduire les entreprises. Jean-Luc Chauvin, président de la CCI Aix-Marseille Provence, le souligne clairement : "Avec la nouvelle loi Climat en vigueur, les trajets pouvant s’effectuer à moins de 2 h 30 de train de Paris ne bénéficieront plus de lignes aériennes avec la capitale. Certaines villes, comme Marseille ou Nice, auront alors d’un nouvel avantage concurrentiel quant à la localisation de nouvelles activités".

L’équipe niçoise de Wallbox, aux côtés du directeur régional Europe du Sud du groupe, Morad Ouchene (à droite) — Photo : DR

Un élément primordial lors de l’installation à Nice de l’entreprise espagnole Wallbox, qui conçoit, fabrique et distribue des solutions de recharge pour véhicules électriques. "Nous avons choisi Nice comme porte d’entrée sur le marché français. L’aéroport à côté de nos bureaux nous place à 1h de Paris et autant du siège à Barcelone". Pour Patrick Valverde, directeur de TVT Innovation (remplacé depuis le 1er février par Didier Goguenheim), devenue depuis 2018, agence de développement économique de la métropole toulonnaise, "la période que nous vivons constitue une opportunité pour les zones urbaines de taille moyenne, qui offrent une vie à taille humaine et une interaction facilitée". Un avis partagé par Allison Piraud de la société Elhée (CA : 800 000 euros), créée en 2019 à Lyon, qui a créé un biberon au design naturellement rond et fabriqué à partir de silicone pur de grade médical, et qui a ouvert un bureau à Toulon courant 2021 : "Toulon, située à 3 h 30 de TGV de Paris, s’est réinventée ces dernières années et continue de se transformer à une vitesse incroyable. C’est une ville ambitieuse qui séduit, porte des projets, leur donne une visibilité et leur permet de rayonner à l’échelle régionale".

"Toulon s’est réinventée ces dernières années et continue de se transformer à une vitesse incroyable. C’est une ville ambitieuse qui séduit."

Un vivier de jeunes diplômés

Enfin, plus classiquement, les entreprises ont besoin de compétences pour se développer et vont également s’installer dans des bassins où l’emploi et le recrutement seront faciles. La crise sanitaire ayant renforcé les tensions dans certains secteurs, le critère du recrutement devient aujourd’hui l’un des enjeux de l’attractivité. "Nous avons travaillé pour offrir à toutes les personnes qui entreprennent un environnement de meilleure qualité sur les champs de la formation, de la R & D, de l’hébergement et de l’accompagnement d’entreprise. En 30 ans, le nombre d’étudiants est ainsi passé de 3 000 à 15 000 à Toulon", détaille Patrick Valverde, pour qui, Toulon a changé et doit le faire savoir.

"Les jeunes sont très favorables à se délocaliser en région, dans une ville de taille moyenne, pour rejoindre une start-up comme la nôtre", Allison Piraud, dirigeante et fondatrice d’Elhée — Photo : Elhee

Même son de cloche du côté des Alpes-Maritimes, comme le rappelle Philippe Notton, fondateur et président de la société Sipearl. Basée à Maisons-Laffitte et, depuis peu, installée à Sophia Antipolis, Sipearl conçoit le microprocesseur à forte puissance de calcul et basse consommation destiné aux supercalculateurs européens. "Monter une société comme la nôtre, avec l’ambition de recruter un millier de salariés d’ici 2025, n’est pas pensable sur un seul site, on ne trouverait pas les ingénieurs. D’autant que ce monde post-Covid est très compliqué en matière de ressources humaines. Dans notre écosystème français et même européen, Sophia Antipolis fait partie des place to be. Nous devrions être une vingtaine d’ici à la fin de l’année".

Les capacités de recrutement et plus largement l’ensemble de l’écosystème sont également essentiels pour Michel Bosco (Rhea Groupe France) : "Nous étions à la recherche d’un écosystème Hi-Tech de premier plan réunissant des acteurs nationaux sur nos domaines d’activité mais sans privilégier un secteur en particulier. Nous avions le choix entre Paris et Sophia Antipolis. La région Sud était la mieux placée avec la présence de grands noms de l’industrie (Thales, Gemalto, la base navale de Toulon…), des start-up innovantes et des établissements d’enseignement et de recherche de premier plan comme l’Inria et les autres membres du pôle 3IA Côte d’Azur, dont la réputation est internationale". "Nous avons maintenant des niveaux de compétences des clusters en plein développement comme la santé ou l’intelligence artificielle. La labellisation 3IA a été capitale. Quand on rencontre des acteurs d’Asie ou des États-Unis, l’IA devient un sujet majeur. Il y a notamment de gros projets sur l’IA appliquée à la fintech", renchérit Philippe Servetti (Team Côte d’Azur).
Bassin d’emplois, hyperconnectivité, cadre de vie, enjeu sociétal… Dans la redistribution des cartes de l’attractivité liée à la pandémie, la Région Sud semble ainsi dotée de tous les atouts pour séduire les entreprises.

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