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Yelloh! Village joue la carte du luxe pour conquérir les nouveaux campeurs
Gard # Tourisme # Investissement

Yelloh! Village joue la carte du luxe pour conquérir les nouveaux campeurs

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Après le choc de la crise sanitaire, le groupe gardois de campings haut de gamme Yelloh! Village voit à nouveau l’afflux des Français récemment convertis à l'hôtellerie de plein air et des étrangers enfin de retour. Il investit en masse pour faire évoluer son offre en fonction de ces nouveaux publics.

Le Domaine de l'Esquiras en Ardèche, l'un des 93 campings du groupe gardois Yelloh! Village — Photo : Auteurs De Vues

Cerné par les flamants roses qui picorent dans les étangs avoisinants et les chevaux d’une manade mitoyenne, le camping 5 étoiles La Petite Camargue, situé à Aigues-Mortes (Gard), vit une belle avant-saison. En cette fin avril, les touristes qui se pressent à la réception s’expriment dans toutes les langues, l’espagnol succédant au néerlandais ou au français. Un signal positif sur l’attractivité retrouvée du site. Les 93 sites du groupe gardois Yelloh! Village (4 400 collaborateurs, 209 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021) ont souffert lors de la crise sanitaire. Tandis que les clientèles européennes désertaient, le chiffre d’affaires du groupe a chuté de 60 % en 2020.

Une nouvelle perception du camping

La saison 2021 a vu un retour à la normale, en vertu d’un phénomène nouveau. Les restrictions pesant encore sur le trafic aérien international ont donné une nouvelle visibilité à l’offre de Yelloh! Village. "Les clients français qui ont été empêchés de partir vers des destinations de proximité comme les Baléares, le Maghreb ou la Croatie ont redécouvert nos produits. Nous avions déjà réussi à séduire depuis quelques années les touristes habitués aux meublés et à l’hôtellerie traditionnelle, mais nous avons rajouté cette clientèle de moyen-courriers. Et elle revient cette année, tous comme les touristes allemands, néerlandais et belges. Seuls les Anglais font défaut, sans doute à cause du Brexit", analyse Bernard Sauvaire, président de Yelloh! Village et propriétaire du camping La Petite Camargue.

L’enseigne fondée en 2000 récolte ici les fruits d’une stratégie de longue date pour changer l’image du camping. Sous le vocable "hôtellerie de plein air", le métier a fait sa révolution. Aux villages de tentes souvent jugés ringards ont succédé de nouveaux hébergements, alors que le mobil-home montait en puissance. Organisés en véritables quartiers locatifs, les campings bénéficient de prestations haut de gamme (piscines, parcs aquatiques, centres spa et balnéo etc). Sur le marché français, Yelloh! Village se démarque assez nettement : coutumier du fait, le réseau a encore reçu le prix de la meilleure enseigne décerné par Capital en 2022, ainsi que le Travel d’Or 2022 dans la catégorie "Hébergement de plein air". Les résultats sont là : le groupe reçoit en moyenne 3 millions de clients par an dans ses villages 4 et 5 étoiles de France, d’Espagne et du Portugal. "54 % de la clientèle est étrangère, et nous retrouvons ce niveau en 2022", se réjouit Bernard Sauvaire.

Tenir ses promesses commerciales

Si la crise sanitaire a poussé Yelloh! Village à faire des économies sur la communication afin de sauver sa trésorerie, le retour à la normale le voit redoubler d’ambition cette année. Après avoir investi moins d’un million d’euros en publicité en 2021, le groupe va dépenser plus d’1,5 million d’euros en achat d’espaces en 2022 : une série de spots de 30 secondes, puis de 20 secondes, est programmé sur les grandes chaînes de télévision en France et aux Pays Bas, sans oublier les réseaux sociaux. Le groupe va aussi tourner un véritable film promotionnel de plus longue durée, pour un coût de 300 000 euros, avec l’ambition de l’exploiter sur divers supports pendant trois ans.

Encore faut-il que sur le terrain, l’offre suive ces promesses commerciales. Ainsi, Yelloh! Village a prévu d’investir quelque 37 millions d’euros pour remettre ses campings à niveau en 2022 : record battu dans l’histoire du groupe (ces investissements se montaient à 35 millions en 2019, et 22 millions en 2020). Les travaux engagés concernent des aménagements collectifs comme les parcs aquatiques, les bureaux d’accueil ou les restaurants, et plus globalement visent à rehausser la qualité de l’hébergement. "Par rapport aux attentes des nouveaux clients, nous sommes amenés à redessiner les campings quartier par quartier : nous déplaçons les routes, refaisons le réseau électrique, etc.", énumère Bernard Sauvaire.

Le camping La Petite Camargue vient par exemple d’acheter pour 2 millions d’euros de mobil-homes, qu’elle accessoirise en y ajoutant de la décoration intérieure, des cuisines d’été ou des jacuzzis. Autre franchisé Yelloh! Village, le camping 5 étoiles Le Sérignan-Plage, situé dans la commune héraultaise de Sérignan, a programmé 2 millions d’euros d’investissements pour la nouvelle saison, en aménageant notamment une zone avec des tentes de type "lodges". "Il s’agit d’un nouveau quartier paysager sans voitures. C’est un produit atypique, avec une philosophie et une grille de tarifs différentes, qui répond à une nouvelle demande. Si, il y a vingt ans, les clients recherchaient un niveau de confort similaire à leur domicile, ils demandent aujourd’hui à être plongés dans une autre atmosphère, qui les sort du quotidien", affirme Jean-Guy Amat, gérant du Sérignan-Plage et administrateur du groupe.

La force de nombre

Yelloh! Village approche désormais la barre des 100 campings en Europe, avec des entrées et des sorties enregistrées tous les ans. En moyenne, le groupe gardois en rachète de 3 à 5 par le biais de fonds d’investissement, tandis que 6 à 7 villages le rejoignent en signant des contrats de franchise. "Pour prospérer, il faut des moyens qui ne sont pas accessibles à un indépendant. C’est un enchaînement logique : pour investir, il faut remplir, et pour remplir, il faut faire savoir qu’on investit. Or une seule équipe de communication réclame 5 à 6 personnes, sans compter les autres compétences techniques pour aménager le camping. La solution consiste donc à se regrouper", justifie Bernard Sauvaire.

La force du nombre n’est pas un facteur anodin dans un contexte parfois très mouvant, comme l’a prouvé la pandémie de Covid. En Europe, l’hôtellerie de plein air est devenue le premier mode d’hébergement marchand chez les Français et les Néerlandais. Si le potentiel ne paraît pas encore exploité en totalité, Bernard Sauvaire veut rester lucide sur l’avenir. "La capacité d’accueil de la filière européenne s’érode d’année en année. Certains campings vendent leurs emplacements à des clients, et nous réduisons ce qui reste pour réaliser nos aménagements. La perte se chiffre entre 1 % et 3 % des surfaces tous les ans", évalue-t-il.

En Occitanie, c’est l’environnement réglementaire qui freine parfois la filière. Les lois de protection du littoral ont pu amener les préfets à verbaliser certains campings, voire à évacuer des mobil-homes après pourvoi en cassation. Yelloh! Village a déjà vécu cette mésaventure pour trois de ses établissements sur le bassin biterrois. "Les plans de protection contre le risque inondation sont un mécanisme nécessaire. Mais quand elle en adopte un, l’administration préfectorale met parfois un tiers du département en zone rouge ! Nous lui demandons d’être réaliste. Heureusement, certains préfets sont parfois plus sensibles au fait économique. Tout dépend aussi de l’orientation du ministère de l’Environnement", conclut le président de Yelloh! Village.

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