Vin bio : la filière occitane distille sa dynamique
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Vin bio : la filière occitane distille sa dynamique

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Avec ses domaines viticoles pionniers dès la fin des années 1990, l’Occitanie est aujourd’hui la première région de France, et l'une des plus importantes au monde, en nombre de vignobles bio. Entre 2007 et 2017, les surfaces ont plus que quadruplé. Pourtant, depuis la conversion des premiers viticulteurs, un ralentissement s’observe. Tour d’horizon des initiatives régionales pour redynamiser la filière.

Entre 2007 et 2017, les surfaces viticoles cultivées en bio en Occitanie ont augmenté de 328%, mais seulement de 24% entre 2012 et 2017 — Photo : Union des producteurs de Plaimont

Avec 1 798 exploitations, l’Occitanie représente 36,5 % de la production nationale de vin biologique. Elle est la première région de France et l'une des plus importantes de la planète en surfaces viticoles bio. D’après l’observatoire InterBiOccitanie, on y compte 28 642 hectares bio en 2018, dont 7 113 en conversion, loin devant les régions Sud-Provence Alpes Côte-d'Azur (17 479 hectares) et Nouvelle-Aquitaine (12 815 hectares).

Photo : E. Perrin

Le domaine gersois Séailles (5 salariés ; CA 2018 : 340 000 €) a été l’un des précurseurs. Dès 1998, Jean Labérenne a voulu se convertir au bio pour protéger ses salariés d'une exposition aux produits chimiques. En cinq ans, les surfaces cultivées sont passées de 12 à 26 hectares, 100 % bio, et la première bouteille labellisée fut vendue en 2007. « Je suis arrivé au domaine il y a dix ans, à une époque où le bio était encore synonyme de mauvais vin, raconte Julien Franclet, directeur du domaine et administrateur de SudVinBio, association interprofessionnelle de viticulteurs bio en Occitanie. Nous vendions 8 000 bouteilles par an et faire bonne impression était compliqué. Au fil des années 2000, les mentalités ont changé, la consommation a augmenté, et nous avons profité de cette tendance, notamment par notre légitimité de pionniers du bio ». À présent, l’exploitation écoule 75 000 bouteilles par an.

Ralentissement des conversion au bio depuis 2012

Entre 2007 et 2017, les surfaces viticoles cultivées en bio en Occitanie ont augmenté de 328 %, mais seulement de 24 % entre 2012 et 2017. Sur cette dernière période, les aides à la conversion et au maintien en bio de l’État sont restées stables – respectivement à 350 € par hectare par an et 150 € par hectare par an – et plafonnées à 15 000 € et 5 000 € en Occitanie depuis 2016.

« Les viticulteurs de plus de 55 ans n’ont pas envie de s’imposer les trois ans de conversion au bio et toutes les contraintes techniques qui vont avec. »

Pour Patrick Guiraud, président de SudVinBio de 2013 à juillet 2019, ce plafond a eu peu d’impact sur le ralentissement des conversions : « Les viticulteurs aux convictions environnementales fortes sont déjà convertis. Le viticulteur bio moyen a environ 40 ans et un bac +2. Aujourd’hui, 90 % des nouveaux viticulteurs vont vers le bio, mais qu’en est-il des anciens ? Les plus de 55 ans n’ont pas envie de s’imposer les trois ans de conversion et toutes les contraintes techniques. »

Maîtriser des maladies telles que le mildiou, l’oïdium ou la flavescence dorée, sans produits chimiques, en travaillant sur le cycle physiologique de la plante, n’est pas un défi que l’ancienne génération semble prête à relever. D’autant que l’accès aux molécules naturelles utilisées pour le traitement des plantes n’est pas si simple. « Le cuivre est, par exemple, la seule solution naturelle pour traiter le mildiou, et son utilisation a été réduite par les autorités européennes à 28 kg sur 7 ans au maximum (30 kg sur 5 ans auparavant), déplore Patrick Guiraud. Une quantité insuffisante, notamment dans les régions humides. »

Valoriser la vigne en transition

Pour relancer le dynamisme des conversions, SudVinBio a créé, en 2018, le logo Conversion vers l’agriculture biologique (CAB). Initiative unique en France, il permet aux producteurs occitans de valoriser leurs bouteilles pendant les années 2 et 3. « Pendant les trois premières années de conversion au bio, les efforts techniques et financiers du viticulteur sont nombreux, mais le vin ne peut être vendu qu’au tarif conventionnel, car il n'est pas encore labellisé bio, explique Julien Franclet. Le logo permet un gain moyen de 100 euros par hectolitre avant la labellisation : 60 000 hectolitres ont déjà été valorisés, soit l’équivalent de 6 millions d’euros. »

Les moutons sont utilisés pour le désherbage naturel des vignes — Photo : SudVinBio

Par ailleurs, SudVinBio propose un suivi par œnologues et ingénieurs agronomes de ses 400 exploitations adhérentes. « Notre rôle est d’accompagner les viticulteurs avant, pendant et après la conversion, partage Nicolas Richarme, nouveau président de SudvinBio et exploitant dans le Gard. Nous essayons de promouvoir au maximum les diagnostics de préconversion, afin d’inciter les domaines à passer en bio. »

La vitrine "Millésime Bio"

Autre initiative de la filière : le salon Millésime Bio (du 27 au 29 janvier 2020), que l'association SudVinBio a réussi à imposer, depuis 1993, comme le plus grand événement professionnel au monde consacré au vin bio et le 3e salon français du vin toutes catégories. En 2018, il a rassemblé, à Montpellier, 6 200 visiteurs, autour de 1 200 exposants de 15 pays. Lors de cette vitrine pour la filière, 40 % de l’offre française de vin bio est représentée, dont la majorité des acteurs occitans.

Toutes ces actions ont fait passer le taux annuel de conversion au bio en Occitanie de 4 % en 2015 à 26 % en 2018. Plus de 90 % des vignes bio sont concentrées en ex-Languedoc-Roussillon (Hérault, Gard, Aude et Pyrénées-Orientales). Il y a trois ans, le taux de conversions en ex-Midi-Pyrénées était encore très faible, mais grâce aux actions régionales déployées, une hausse de 21 % des conversions y a été enregistrée entre 2017 et 2018. La Région a mis en place le « pass expertise bio » et s’est engagée à pérenniser les aides au maintien et à la conversion de l’État pour 2019 et 2020. Par ce nouveau dynamisme, l’Occitanie compte bien rester l'un des vignobles les plus bio du monde.


Comment la coopérative Plaimont entend accélérer sur le bio

Entre 2007 et 2017, les surfaces viticoles cultivées en bio en Occitanie ont augmenté de 328%, mais seulement de 24% entre 2012 et 2017 — Photo : Union des producteurs de Plaimont

Avec 36 millions de bouteilles de vin vendues chaque année, la coopérative gersoise de Plaimont (200 salariés, CA 2018-2019 : 75 M€) est l’une des plus importantes dans la moitié Ouest de l’Occitanie. Adopté en début d’année, son projet d’entreprise Cap 2028 fixe de nouvelles ambitions pour les 800 exploitants adhérents : ils ont quatre ans pour décider soit de basculer leur production en bio, soit d’aller vers le plus haut niveau de la certification « Haute Valeur Environnementale » (HVE 3). Un engagement dans la continuité pour cette coopérative déjà mobilisée sur l’agriculture raisonnée et la défense des cépages anciens. L’objectif minimal est d’atteindre 15 % des vignes travaillées en bio d’ici à 2028, soit 750 hectares sur les 5 300 que cultivent les adhérents. C’est dix fois plus que les surfaces actuellement labellisées.

La première étape sera technique. Un expert dédié à la production bio est en poste depuis le début d’année. Il portera l’effort de formation auprès des vignerons volontaires. Les surfaces déjà labellisées ont fait office de laboratoire pour la coopérative, qui a affiné ses techniques pour la protection sanitaire du vignoble, à commencer par la lutte contre le mildiou. « Nous allons aussi engager des moyens financiers pour aider nos adhérents à passer la période de trois ans de conversion, indique Olivier Bourdet-Pees, directeur général de la coopérative. L’enjeu sera aussi de pouvoir donner une plus grande valeur au produit sur le marché, pour tenir compte des surcoûts d’environ 50 % : on ne peut pas vendre du bio au même prix que du conventionnel ! »

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