Usine 4.0 : « Cassons le cliché de la PME endormie »
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Usine 4.0 : « Cassons le cliché de la PME endormie »

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Passer à l'usine 4.0, oui, mais par où commencer ? Comment se financer ? Éléments de réponse à travers le portrait d'entreprises occitanes pionnières dans ce domaine.

Christian Saint Paul (responsable sécurité) et Loïc Dayde (directeur général) devant la nouvelle station de dosage des encres de Sofacap — Photo : Sofacap

Impression 3D, intelligence artificielle, cobotique, réalité augmentée... Après la machine à vapeur, l'électricité et l'informatique, la quatrième révolution industrielle semble avoir démarré grâce aux évolutions permises par les outils numériques et les nouvelles méthodes d’organisation. Pourtant, les PME n'ont pas toutes une vision claire de l'usine du futur. Ni de la méthode et des moyens nécessaires pour se transformer.

« L'usine du futur est un terme restrictif », éclaire Christian Dumoulin, responsable de l'Alliance pour l'industrie du futur (AIF) en Occitanie. L'industrie 4.0 englobe performance industrielle, opportunité de robotisation, digitalisation des process, amélioration de la place du salarié, de l'empreinte énergétique... « On pense tout de suite robots mais les PME, très orientées produit, doivent avant tout repenser les services aux clients et leur modèle économique, complète Jean-Patrice Gasc, membre du comité de pilotage du Club des Offreurs de solutions de l'AIF et de la CCI de Toulouse. Le choix d'un architecte projet est fondamental pour structurer la transformation et trouver les entreprises accompagnantes adéquates. »

« Casser le cliché de la PME endormie »

En octobre, les Trophées de l'industrie du futur ont récompensé deux entreprises régionales pionnières en matière de transformation industrielle. D'abord le sous-traitant aéronautique CMA Industries (65 collaborateurs ; CA 2017 : 5 M€), installé à Tarascon-sur-Ariège, est en train de définir son projet. « Nous voulons renforcer notre agilité et notre compétitivité, expose la directrice générale Lucette Lagoutte. D'où l'intégration de nouvelles technologies et un management innovant où chaque collaborateur est une pièce maîtresse du puzzle. Notre but : casser le cliché de la PME endormie. » L'entreprise doit investir entre 2 et 3 M€ en 2019 et 2020 dans ses ateliers. Elle travaille également avec le cabinet de conseil aux PME-PMI Socodit pour mettre l'accent sur le design to cost (démarche visant à optimiser le coût de fabrication d'un produit tout en conservant les caractéristiques de performance) et développer de nouveaux services comme le rapid manufacturing (ou "prototypage rapide", méthode de fabrication commandée par ordinateur). Pour ces projets, CMA espère notamment un soutien financier de la Région Occitanie.

Car financer le passage à l'usine 4.0 est moins évident pour les PME que pour les grands comptes. La Région a donc mis en place différentes aides financières. Le Pass permet aux petites entreprises (moins de 50 salariés et CA inférieur à 10 M€) de bénéficier d'une subvention plafonnée à 20 000 € pour l'achat de matériels neufs de production ou le développement du numérique. Le Contrat expertise permet lui aux PME de valider la faisabilité d'un projet avec une subvention de 50 % des dépenses HT. On citera aussi les contrats "innovation" et "croissance".

Améliorer la productivité

Sofacap (Janson Capsules), 2e lauréat des Trophées de l'industrie du futur, subit une réorganisation complète depuis 2015 après une période difficile. Le fabricant de capsules de surbouchage pour vins et spiritueux (100 salariés ; CA 2018 : 20 M€), basé à Saint-Gaudens, produit maintenant un milliard de capsules par an. « Notre premier investissement était fin 2016 dans une station de dosage des encres, explique le responsable exploitation Geoffrey Zorzi. Cela évite à l'opérateur de porter des pots de peinture de 20 kg et contenant des solvants dangereux. » En 2018, 350 000 € ont été investis dans des machines d'impression par flexogravure UV. « Petit à petit, elles vont remplacer l'héliogravure car elles évitent l'évaporation de solvants et sont cinq fois plus rapides et plus faciles à commander grâce au tactile », ajoute le directeur général Loïc Dayde. La société vient aussi de dépenser 200 000 € pour la modification de son ERP, notamment pour une détection des aléas en temps réel.

Motivation et autofinancement

Pour que d'autres industriels sautent le pas, l'AIF va sélectionner environ 500 entreprises occitanes. « Le chef d'entreprise doit avoir une vision précise de son projet d'industrie 4.0 et la transformer en stratégie, avance Christian Dumoulin. Nous allons choisir les sociétés aux dirigeants les plus convaincus et avec la marge brute d'autofinancement nécessaire. » Ces entreprises bénéficieront de l'appui de chargés de missions, du Club des Offreurs de solutions de l'AIF et de cabinets RH. Le but sera de travailler sur l'investissement humain et les problématiques de formation et de recrutement des nouveaux ingénieurs.

Freyssinet Aéro, Cousso, Établissements Bernard Grezes, Forges de Niaux, Ateliers du Vallon, CauQuil travaillent aussi sur leur transformation industrielle. La plupart dans l'aéronautique. Mais beaucoup ne souhaitent pas communiquer sur cette démarche. Pour Guillaume Roubichou, de l'AIF, c'est surtout parce que « les entreprises craignent que, du fait de leurs gains en productivité, les clients ne leur demandent des délais plus courts, des remises. Ou encore d'être copiés par la concurrence. »

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