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Qair International prend position dans la mondialisation énergétique
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Qair International prend position dans la mondialisation énergétique

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De l’éolien offshore à l’hydrogène vert, Qair International affirme de nouvelles ambitions. Actrice de la transition énergétique en France et dans le monde, l’entreprise montpelliéraine aligne les projets structurants pour peser davantage, alors que la révolution de l’énergie verte entre en phase d’industrialisation lourde.

Un champs d'éoliennes développé par Qair au Brésil, où l'entreprise gère une filiale de 150 personnes — Photo : Qair

Pour Qair International, l’année 2021 se révèle être décisive à plus d’un titre. La société montpelliéraine (300 salariés), productrice indépendante d’électricité renouvelable, vient de se refinancer à hauteur de 45 millions d’euros auprès du fonds RGreen Invest. À cette occasion, elle simplifie une organisation interne devenue très touffue au fil des ans.

Reconstruire pour rayonner à nouveau

Créée par Jean-Marc Bouchet sous le nom de Quadran en 2013, l’entreprise est devenue Qair en 2020. Alors que son fondateur prend aujourd’hui du recul au sein de Captain Watt, sa holding personnelle, Qair décide de regrouper l’ensemble de ses activités de production d’énergie (activité sur le marché français, chantiers éoliens offshore, production d’hydrogène vert, fourniture d’électricité) au sein de Qair International, dédié jusqu’alors à la croissance export. Opérant désormais sous ce seul nom, l’entreprise montpelliéraine va profiter de ses nouveaux fonds pour se développer sur les marchés où elle est implantée et pour renforcer son rayonnement international. "Entre 2018 et 2021, notre capacité est passée de 9 à 500 MW en exploitation. Notre ambition est d’atteindre 1 GW d’ici la fin 2022, tout en développant un portefeuille de projets d’environ 5 GW à l’horizon 2025, hors production d’hydrogène vert", résume Louis Blanchard, nouveau PDG de Qair International.

Mais pour acquérir une envergure mondiale, rien n’a été simple, là encore. En 2017, Total a racheté Quadran (rebaptisée Total Quadran, et récemment TotalEnergies Renouvelables France). L’opération excluait de son périmètre "Eolmed", un projet d’éoliennes offshore prévu au large de Gruissan (Aude). Sur ces bases, Jean-Marc Bouchet, Louis Blanchard et leurs associés ont dû reconstruire une entreprise en se réinventant en totalité, ou presque. Dès 2018, l’ambition de Qair International a été de grandir rapidement sur le marché mondial, à travers la courbe de croissance décrite ci-dessus par Louis Blanchard. L’entreprise est désormais solidement implantée en Europe (Islande, Pologne, Portugal, Espagne, Roumanie, Grèce, etc.), au Brésil, en Afrique (Maroc, Burkina Faso, Tchad, etc.), mais encore assez peu en Asie, avec le Vietnam uniquement à ce jour. Il est intéressant de noter que la croissance de Qair International s’organise de façon différente en France et à l’étranger. Et la dichotomie entre les deux marchés est riche d’enseignements sur la mondialisation des énergies vertes.

L’enjeu de la maîtrise industrielle européenne

En matière d’électricité renouvelable, Qair International pousse, en France, divers dossiers industriels de belle ampleur. Parmi les plus significatifs figure "Flowatt", un projet de fermes éoliennes en mer prévues au large du raz Blanchard, à la pointe du Cotentin. Le chantier, livrable en 2025, associe l’entreprise grenobloise HydroQuest, fabricant de turbines, et Qair Marine, filiale du montpelliérain. De même, Qair International porte "Eolmed", un autre projet de fermes éoliennes lourd d’enjeux industriels pour l’Occitanie.

Dans les deux cas, les chantiers supposent de développer des machines adaptées au contexte, d’abord dans une phase pilote, avant d’enclencher l’industrialisation. Pour Flowatt, le raz Blanchard étant exposé à l’une des marées les plus puissantes au monde, HydroQuest a dû inventer une technologie d’hydroliennes bien spécifique. Pour Eolmed, Qair International a fait le choix de faire fabriquer, en local, les flotteurs de ses machines. "HydroQuest a relancé une technologie d’hydroliennes un peu abandonnée jusqu’ici, qui présente le grand intérêt, pour un opérateur tel que Qair, d’assurer une production prédictible, calée sur l’heure des marées. Elle peut connaître un développement significatif en France. Quant à Eolmed, la technologie d’éoliennes fonctionne. Si nous parvenons à standardiser nos installations, nous aurons des coûts maîtrisés, ce qui rendra l’éolien offshore plus intéressant économiquement que l’éolien posé classique", analyse Louis Blanchard.

Ces investissements soutiennent souvent la création de véritables filières locales dans les régions concernées. Mais parfois, l’argument pèse peu face à des phénomènes sociaux de rejet des éoliennes, ou face à de soudaines polémiques politiciennes, comme on l’a vu lors des récentes élections régionales. "Certains élus ont fait des éoliennes un nouveau totem à abattre. Il est regrettable que cette technologie soit si décriée car, à la différence du solaire, elle est largement restée européenne", estime le PDG de Qair, qui cite des fabricants d’éoliennes tels que l’allemand Siemens, le danois Vestas, et le franco-américain GE (ex-Alstom) ou encore des fournisseurs de turbines comme les allemands Nordex et Enercon.

De nouvelles superpuissances énergétiques

En matière d’hydrogène vert, la filiale dédiée de Qair International, baptisée Qair Premier Élément (QPE), développe aussi un projet d’usine de production située à Port-la-Nouvelle (Aude), livrable en 2023. Mobilisant un investissement de 50 millions d’euros, elle affichera une capacité de 6 000 tonnes/an par électrolyse de l’eau, alimentée en électricité verte. Elle occasionne la création d’une société de projet, Hyd’Occ, où l’Agence Régionale Énergie et Climat (AREC) vient d’entrer à hauteur de 35 % du capital. Les usages projetés concernent les mobilités lourdes (maritime, terrestre, fluvial, ferroviaire), l’industrie et la génération d’électricité. "Ce sont de vrais projets de territoire, basés sur des logiques de circuits courts, en partenariat avec les acteurs locaux tels que les collectivités et les sociétés d’électrification", souligne Jérôme Billerey, directeur général de QPE. La filiale est aussi en discussion avec d’autres régions, comme la Normandie et la Bretagne.

En parallèle, le marché mondial de l’hydrogène vert continue à croître, sur des échelles bien plus grandes. Là où la France privilégie des productions de taille moyenne, en cohérence avec les besoins des territoires, d’autres pays font le pari d’infrastructures qui leur permettront, à terme, de produire et d’exporter massivement. C’est le cas du Brésil, où QPE s’appuie sur une filiale de 150 personnes. Dans l’État du Cearà, le gouvernement local veut créer, dans la zone portuaire de Pecém, un hub à vocation mondiale dédié à la production d’hydrogène vert. Parmi les groupes consultés, QPE se positionne pour construire une usine d’une capacité colossale de 2,2 GW – à comparer aux 50 MW du projet Hyd’Occ –, pour laquelle elle a lancé une étude de faisabilité. Sous réserve du montage financier qu’elle devra boucler avec d’autres partenaires, et phaser jusqu’en 2030, l’investissement pourrait se monter à plusieurs milliards d’euros ! "75 % du coût de la molécule d’hydrogène sont liés à l’électricité verte nécessaire pour la produire. Il faut donc développer des projets d’énergie renouvelable de très grande capacité dans les pays qui, comme le Brésil, ambitionnent de devenir des puissances exportatrices", justifie Louis Blanchard.

L’énormité des chiffres avancés prouve que le marché mondial de l’hydrogène vert se transforme à grande vitesse, avec une redistribution des cartes à la clef. Comme sur le marché du pétrole, les nouvelles puissances dominantes seront celles disposant des capacités de produire au meilleur coût. "On assiste à l’émergence d’un nouveau marché. Avec d’un côté l’Europe, qui produira un peu mais devra importer beaucoup. De l’autre côté, les grands exportateurs de demain seront l’Afrique, l’Australie, les États-Unis ou le Brésil, qui pourront produire massivement", analyse Jérôme Billerey. À son propre niveau, Qair International se donne les moyens de participer à la course folle qui vient de s’ouvrir.

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ENCADRE CHIFFRES

37 millions d’euros

C’est le chiffre d’affaires 2019.

300 collaborateurs

Les salariés sont répartis dans 12 pays où est implanté Qair.

1 GW

de projets renouvelables développés, financés et exploités par l’entreprise.

Une large maîtrise technologique

Producteur indépendant d’énergie renouvelable, Qair International est présent sur une large palette de projets : éco-combustion, éolien onshore, éolien offshore, hydrogène vert, hydroélectricité et solaire. Les métiers couverts vont de l’identification des sites à la réalisation d’études techniques et à l’obtention des autorisations, du financement à la construction et à l’exploitation des infrastructures.

Une longue histoire

Qair International affiche en réalité une histoire longue de près de 30 ans. Pionnier de l’énergie verte en Languedoc-Roussillon dans les années 80, Jean-Marc Bouchet a fondé JMB Énergie en 2005. Après l’absorption d’Aérowatt en 2013, la société devient le groupe Quadran. Ce dernier cède, en 2017, ses actifs onshore en France à Direct Énergie (lui-même repris par Total). L’activité continue sous le nom de Quadran International, qui devient Qair en 2020, puis Qair International en 2021.

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Encadré

Eolmed, un chantier majeur en Méditerranée

Qair International, à travers sa filiale Qair Marine, porte le projet Eolmed qui sera situé en Méditerranée au large de Gruissan (Aude). Il consiste en l’implantation d’éoliennes installées sur des flotteurs à plus de 18 km des côtes. Placées au-delà de la ligne de l’horizon, les éoliennes seront ancrées aux sols marins, à 62 mètres de fonds. Ce parc d’une puissance totale de 30 MW permettra de produire près de 100 millions de kWh par an, soit la consommation électrique annuelle de 50 000 habitants. Appelé à devenir le premier parc éolien de Méditerranée, le projet est d’abord entré dans une phase de démonstrateur industriel, visant à établir la viabilité de cette nouvelle filière, à valider les technologies et leur mise en œuvre depuis la construction jusqu’à l’opération et la maintenance en mer. On parle ainsi de " ferme pilote ", dont le séquençage dure déjà depuis plusieurs années. "Nous arrivons au bout des phases d’études et nous attaquons le volet financier", informe Louis Blanchard, PDG de Qair International. En effet, le budget d’Eolmed est estimé à 250 millions d’euros. Première étape notable d’un montage financier appelé sans doute à évoluer encore, Total est entré, en octobre 2020, à hauteur de 20 % au capital du projet. Sur le plan technique, une unité de construction des flotteurs (envergure : 45 m de haut) sera d’abord installée à Port-la-Nouvelle (Aude). Puis un pôle d’assemblage des machines lui succédera, avec 150 créations d’emplois à la clef. Enfin, une fois le projet opérationnel, l’unité chargée de la maintenance conservera une cinquantaine de collaborateurs. Le chantier devrait démarrer en 2023.

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