Produits bio : Ethiquable creuse son sillon
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Produits bio : Ethiquable creuse son sillon

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Dix-sept ans après sa création dans le Gers, la marque Ethiquable connaît une croissance soutenue de ses ventes. Le fruit d'un engagement sans concessions en faveur de l'agriculture bio et de la juste rémunération des producteurs, dans les pays du Sud comme en France. En 2021, le groupe coopératif passera un nouveau cap en créant sa première unité de production de chocolats.

Les équipes de la Scop agroalimentaire Ethiquable, au siège du groupe à Fleurance, dans le Gers — Photo : DR

Des ventes en progression de 19 %, l’embauche d’une dizaine de collaborateurs au second semestre, un investissement de 15 millions d'euros dans de nouvelles capacités de production : Ethiquable (120 salariés, CA 2019 : 61 M€) affiche une santé rare dans l’économie post-Covid. Dix-sept ans après sa création, la PME située à Fleurance, dans le Gers, récolte les fruits d’un engagement sans concession sur l’agriculture bio et le commerce équitable, sans oublier un modèle économique en société coopérative et participative (Scop) qui a assuré à l’entreprise de précieuses réserves pendant la crise.

Des ventes boostées pendant le confinement

« Loin d’être un effet de mode, les produits issus de l’agriculture biologique sont en croissance continue depuis vingt ans, et chaque crise renforce l’appétit des consommateurs pour des produits sains, constate Rémi Roux, cofondateur et gérant d’Ethiquable. On l’avait constaté lors du scandale des lasagnes au cheval, on l’a encore vu pendant le confinement avec des ventes de 10 % supérieures à la moyenne pour les produits bio et équitables. » Cette demande d’une alimentation plus respectueuse de son environnement, Ethiquable en a fait l’un de ses deux piliers historiques, avec la juste rémunération des producteurs. Toutes familles de produits confondus, la marque travaille avec 48 000 petits producteurs à travers le monde, notamment au travers de 77 coopératives.

Ethiquable revendique un partenariat avec 48 000 producteurs dans le monde, essentiellement dans les pays du Sud — Photo : DR

Le premier engagement de la société gersoise concerne le prix. « Sur le cacao, le cours mondial s’est fixé en moyenne à 3 000 dollars la tonne ces 30 dernières années, et parfois même à 1 900 dollars sous l’effet de la spéculation. Nous sommes positionnés sur une rémunération à 4 200 dollars, qui tient compte des besoins des producteurs pour une vie décente, et de la spécialisation en bio », détaille Rémi Roux. En cas de remontée des cours, le prix payé aux producteurs augmente en proportion. Le second engagement d’Ethiquable concerne l’accompagnement des coopératives paysannes dans leurs projets de transformation de la matière première. Conserves de fruits au sirop produites à Madagascar, production de tisanes en Équateur, usine de chips au Pérou : l’objectif est de « ramener un maximum de valeur ajoutée auprès des producteurs », explique le dirigeant d’Ethiquable.

Des chocolats bientôt produits en interne

Pour les transformations qui doivent se faire au plus près du consommateur, la société gersoise s’est d’abord appuyée sur des partenaires. Elle est aujourd’hui en passe de disposer de son propre outil industriel sur ses deux produits phares, le café et le chocolat. Dès 2007, la prise de participation dans la société Café Michel a offert à Ethiquable des capacités de torréfaction, renforcées par un investissement de 3,5 millions d’euros en 2017. Fin 2019, la Scop a lancé, à proximité de son siège social, le chantier d’une chocolaterie de 5 500 mètres carrés, qui lui permettra de produire en interne l’intégralité de ses tablettes vendues sous marque Ethiquable ou Terra Etica. Un projet à 15 millions d’euros, soutenu par la Banque des Territoires, qui doit aboutir au printemps 2021.

Photo : DR

Le nouvel outil industriel est aussi l’occasion de tripler les capacités de stockage de la société, qui peine à répondre aux demandes de la grande distribution (80 % des ventes). Une vingtaine d’embauches sont prévues dans les prochains mois, notamment sur des postes de préparateurs de commande, pour regrouper les livraisons et améliorer l’impact carbone du poste logistique. Sur la relation avec la grande distribution, Ethiquable a aussi choisi de rester fidèle à ses principes, en refusant les contreparties financières réclamées par certaines enseignes.

Aucune publicité en 17 ans !

« Nous sommes présents dans l’ensemble des centrales sans jamais avoir payé de budget de référencement, se félicite Rémi Roux. Nous ne sommes pas naïfs : on sait que nos produits cochent pas mal de cases sur les démarches sociale et environnementale affichées par ces enseignes… De même, nous avons toujours refusé la publicité et les opérations promotionnelles agressives. Notre croissance est saine ; notre publicité, ce sont nos produits qui la portent. » Depuis 2012, tous les packagings ont été revus pour mieux présenter au consommateur le produit (« ce que je croque » pour les chocolats, « ce que je bois » pour les thés…) et l’impact de son achat (« ce que je défends ») sur les plans social et environnemental.

Cette maîtrise du message a permis à Ethiquable de sortir sans accroc de la « guerre des labels » initiée dans la dernière décennie par plusieurs géants de l’agroalimentaire, pour contrer les certifications bio et équitable les plus exigeantes par des démarches plus complaisantes. En 2014, la marque a même décidé d’abandonner l’emblématique référentiel Max Havelaar, qui avait pourtant accompagné sa création, pour montrer son opposition à l’évolution du cahier des charges, jugé trop laxiste. Pour ses produits venus des pays du Sud, Ethiquable affiche désormais le label Symbole des Producteurs Paysans (SPP).

Un label pour défendre l'agriculture paysanne française

La Scop s’implique en parallèle dans la création d’un autre label : Bio Équitable France. Le cahier des charges a été établi avec l’enseigne Biocoop, 27 groupements agricoles et 26 entreprises de la bio (dont des industriels de la transformation). Les premières labellisations devraient intervenir en septembre, après le choix de l’organisme certificateur indépendant. « Pour nous, c’est l’aboutissement d’une démarche de commerce équitable lancée depuis 2011 avec la charte Paysans d’ici, visant à mieux rémunérer l’agriculture familiale française. Cela ne changera rien au niveau d’exigence de nos productions, mais cela offrira des garanties supplémentaires aux consommateurs », se félicite Rémi Roux.

Depuis 2011, Ethiquable a lancé la démarche Paysans d'ici pour soutenir la production familiale française — Photo : DR

Côté offre, l’année 2020 a vu la marque s’engager sur deux nouvelles familles de produits. D’abord les biscuits, après la reprise de la PME haut-garonnaise Gourmandes et Cie. Et les huiles essentielles, avec treize références commercialisées depuis le mois de juin. « Cette première incursion en dehors de l’alimentaire est une suite logique de notre relation aux agriculteurs. Les huiles essentielles permettent de valoriser des coproduits, par exemple les peaux d’orange de nos producteurs de jus au Brésil, ou de redévelopper des filières françaises, comme pour la lavande dans la Drôme. »

La Scop comme garantie d’indépendance

Développement de l’outil industriel, élargissement de l’offre, croissance du marché de la bio : Ethiquable envisage les prochaines années avec optimisme. « Nous sommes aujourd’hui le 4e acteur du rayon bio en France : intégrer le podium de tête nous permettrait d’être moins fragiles », sourit Rémi Roux. Mais le dirigeant reste prudent dans cette période de turbulence économique, malgré les excellents chiffres de vente des derniers mois (+19 %). Les leçons de la crise financière de 2008, qui avait provoqué le départ de 10 salariés sur les 70 que comptait la société à l’époque, n’ont pas été oubliées. « À l’époque, si nous n’avons pas coulé, c’est grâce à notre organisation en Scop, qui nous impose de placer 50 % des bénéfices en réserve. Travailler en coopérative permet aussi de pas se faire racheter : sur le segment du commerce équitable, il n’existe plus aucun indépendant parmi les principaux acteurs », constate Rémi Roux.

Un projet industriel élargi à deux autres Scop

En 2007, Ethiquable prend un virage stratégique avec une première participation financière dans une société extérieure, la marque Café Michel. Cette PME basée à Pessac (Gironde) est alors au bord du dépôt de bilan, avec ses moyens de production particulièrement vétustes. « Nous avons accompagné les salariés pour reprendre leur société en Scop, et investi pour moderniser l’outil industriel », explique Rémi Roux. En 2017, nouvelle étape : Ethiquable injecte 3,5 millions d’euros pour aider Café Michel à créer une unité de torréfaction de 2 000 m2, toujours à Pessac, afin d’accompagner la croissance continue des ventes. En douze ans, le chiffre d’affaires de la société est passé de 1,5 à 15 millions d’euros.

Cette success story, Ethiquable espère la rééditer avec la biscuiterie artisanale Gourmandes et Cie, installée à Castanet-Tolosan (Haute-Garonne). En 2018, la société a été reprise par 7 de ses 10 salariés grâce au soutien de plusieurs structures de l’économie sociale et solidaire, dont Ethiquable. « Depuis 2014, la loi Hamon a créé le statut de groupe coopératif, ce qui facilite la reprise par les salariés en leur laissant deux ans pour devenir associés. Cela permet aussi à une Scop comme la nôtre de sécuriser ses participations », détaille Rémi Roux. Le développement de l’offre se fait d’ailleurs à l’échelle du groupe : Café Michel porte la marque Terra Etica, dédiée aux magasins bio et à la distribution spécialisée, et Gourmandes et Cie produit désormais la première gamme de biscuits siglée Ethiquable.

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