La fabrication additive prend corps dans la filière aéronautique
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La fabrication additive prend corps dans la filière aéronautique

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Après plusieurs années de R&D et de montée en maturité, l'aéronautique franchit de nouvelles étapes dans l'appropriation des méthodes de fabrication additive. En Occitanie, la supply chain régionale se met en ordre de marche.

Une première machine dédiée à la fabrication additive a été installée sur le site de Campsas (Tarn-et-Garonne) de l'équipementier Liebherr Aerospace — Photo : © Liebherr-Aerospace Toulouse

Identifiée comme l'une des technologies clé de l'industrie 4.0 et de l'avion du futur, la fabrication additive (fabrication par ajout de matière assistée par ordinateur) devient une réalité dans l'aéronautique. Après plusieurs années de R&D, les acteurs de la filière s'approprient progressivement la technologie, que ce soit pour du prototypage, des pièces spéciales, de l'outillage et, depuis peu, des pièces d'avions, de structure ou de systèmes.

Avancer sans brûler les étapes

« Depuis trois ans, nous avons accéléré sur ces nouveaux modes de conception et de fabrication », confirme Jérôme Rascol, directeur de la fabrication additive chez Airbus. « À ce jour, nous avons livré à nos usines plus de 50 000 pièces pour une centaine de références, principalement des pièces de petites dimensions et non critiques. La fabrication additive a un potentiel certain, mais c'est une technologie encore très jeune. Nous devons monter progressivement en criticité des pièces, en nous assurant de bien maîtriser les aspects de qualité, de sûreté et de répétabilité ». La règle du jeu est donnée : il faut avancer mais sans brûler les étapes, en respectant les procédures de validation. Même démarche chez les fournisseurs.

Liebherr Aerospace et Latécoère dans la course

« La fabrication additive est bien la technologie montante. Elle permet la production de pièces complexes, avec des gains de matières et une grande agilité de conception et de production », souligne Nadia Vialas, responsable de secteur Expertises Transversales chez Liebherr Aerospace Toulouse (1 400 salariés répartis entre Toulouse et Campsas, dans le Tarn-et-Garonne). Spécialisé dans les systèmes de traitement de l’air, l'équipementier expérimente depuis 2015, sur son site de Campsas, la fabrication additive, avec une première machine qui utilise le procédé de fusion laser sur lit de poudres métalliques, sur des alliages aluminium. « Nous avons commencé par des pièces simples, dont des indicateurs de position sur des vannes de prélèvement d'air pour l'avionneur ATR. Désormais nous nous intéressons à des pièces plus complexes et plus critiques », précise Nadia Vialas.

De son côté, l'équipementier Latécoère (4 960 salariés, CA 2018 : 659,2 M€), positionné sur les aérostructures et les systèmes d'interconnexion, a fait le choix de se concentrer sur le titane. La société toulousaine a conclu un accord de coopération avec la jeune société clermontoise AddUp pour un déploiement de la fabrication additive en série, dans un premier temps en substitution de pièces déjà existantes. « Nous sommes encore au stade de l'expérimentation, de la mise au point et surtout de la démonstration de la valeur ajoutée », souligne Serge Bérenger, directeur de l'innovation chez Latécoère.

Pour lever les derniers verrous technologiques, les deux industriels sont impliqués dans de grands programmes de recherche sur les matériaux et sur les procédés, dont certains adossés à la plateforme de fabrication additive métallique développée au sein de l'IRT Saint-Exupéry. La fabrication additive figure aussi dans les priorités du pôle de compétitivité Aerospace Valley, qui conduit régulièrement des actions de sensibilisation en direction de la supply chain.

Des sous-traitants dans les starting-blocks

Les sous-traitants ne sont d'ailleurs pas en reste, et s'appuient sur des acteurs spécialisés. Depuis son siège de Montauban, l'usineur WeAre Group (2 200 salariés, CA 2018 : 230 M€) s'est doté, dès 2014, d'une filiale dédiée à la fabrication additive. Baptisée Prismadd, la société a franchi le stade industriel, avec des premières références de pièces de structure en titane pour l'Airbus A350. Elle emploie une quarantaine de salariés et dispose d'un parc de plus d'une vingtaine de machines, réparties entre ses sites français, Tokyo et Singapour.

À Couffouleux, dans le Tarn, Freyssinet Aero Equipment (80 salariés, CA 2018 : 23 M€) s'est aussi lancé dans l'aventure via une prise de participation, à hauteur de 34 %, au capital de Fusia (5 salariés, 0,9 M€ de CA). Créée en 2011 à Toulouse par Cyrille et Christine Chanal, la société spécialisée dans la fabrication additive métallique a à son actif une pièce de vol en Inconel pour le réacteur d'avion CFM 56. Elle disposera bientôt de 1 000 m2 de locaux sur le site tarnais de Freyssinet, pour muscler ses équipes et son parc machines.

Autre rapprochement, celui du groupe Rossi Aero, basé à Grenade (Haute-Garonne) entré au capital d'Opt'Alm à hauteur de 24 %. Créée en 2015 et spécialisée dans la fabrication additive par projection de poudres métalliques fusionnées par laser, Opt'Alm a mis au point des procédés brevetés qui permettent d'obtenir des structures complexes, à la fois multi-fonctions et multi-matériaux. Implantée sur le site de son partenaire industriel, la jeune pousse emploie à ce jour 5 personnes et a réceptionné sa première machine en 2018. Elle poursuit petit à petit son développement, notamment via des contrats de recherche avec des équipementiers.

# Aéronautique # Industrie