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Groupe BRL : "Nous devons nous armer face à la crise climatique qui s’aggrave"
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Jean-François Blanchet directeur général du Groupe BRL "Nous devons nous armer face à la crise climatique qui s’aggrave"

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Concessionnaire du réseau hydraulique régional, le groupe nîmois BRL est en première ligne face à la sécheresse causée par le dérèglement climatique. Pour son directeur général Jean-François Blanchet, la gestion de l’infrastructure doit évoluer en tirant les leçons de l’épisode de 2022.

L’un des maillons du programme Aqua Domitia, lancé par BRL en 2008 — Photo : Dronestudio

En 2023, BRL (815 salariés, CA 2022 : 82 M€) finalisera la réalisation d’Aqua Domitia, infrastructure de 140 km qui puise l’eau du Rhône pour sécuriser l’approvisionnement du territoire entre Montpellier et Narbonne. Quel intérêt stratégique ce programme pharaonique, débuté en 2008, revêt-il en pleine crise climatique ?

Nous avons en effet réceptionné, en novembre 2022, le maillon situé entre Montpellier et le Biterrois, qui permet au littoral héraultais de bénéficier de l’infrastructure. Aqua Domitia se compose de 6 maillons indépendants, dont le dernier concernera la zone du Minervois. Sur un montant de 220 millions d’euros d’investissements, nous avons réalisé à ce jour 90 % du programme. Il arrivera à son terme en 2023, après plus d’une décennie de travaux. À l’époque, on ne parlait pas de changement climatique, le sujet n’étant pas aussi documenté qu’aujourd’hui. Mais notre conviction était qu’il fallait assurer une sécurisation de l’accès à l’eau dans ce territoire. Nous entrons en phase d’opérationnalité alors qu’une sécheresse historique a sévi en 2022. L’Occitanie avait déjà une culture de la sécheresse, mais à climat constant. La nouveauté est que le climat se dérègle, avec des crises plus fréquentes et plus violentes. Nous devons armer nos infrastructures en proportion de ce risque, qui augmente.

Comment procédez-vous ?

Aqua Domitia ne représente que 10 % du réseau hydraulique régional, qui couvre 3 départements et plus de 300 communes. La valeur de ce patrimoine dépasse les 2 milliards d’euros, ce qui nous donne une forte responsabilité en tant que concessionnaire. Nous faisons face en nous positionnant comme entreprise apprenante. Chaque retour d’expérience nous permet d’adapter le besoin en investissement pour le renouvellement des moteurs, le changement des équipements soumis à l’usure, etc. En 2023, notre cycle de maintenance prévoit un investissement de 4 millions d’euros. Nous devons calibrer le fonctionnement du réseau pour affronter tout épisode extrême, comme la sécheresse en été, mais aussi le gel, les inondations ou la hausse des températures en général. Sur ce dernier point, si on compare l’épisode de 2022 à la canicule de 1976, les déficits hydriques étaient comparables, mais les températures étaient plus hautes. Or, plus elles grimpent, plus les besoins en eau sont importants. On estime qu’en 30 ou 40 ans, les besoins en eau des plantes ont bondi de 40 %. BRL doit donc assurer une continuité de service pour le secteur agricole, tout en continuant à potabiliser l’eau pour le littoral et pour les activités liées aux loisirs et au tourisme, qui sont une obligation économique en Occitanie. Notre approche est globale.

Selon les derniers relevés de décembre, 2022 a été l’année la plus chaude jamais mesurée. Avez-vous prévu des dispositifs de renfort en 2023 si la tendance persiste ?

En 2022, les prélèvements dans le Rhône ont atteint 160 millions de m3 d’eau, contre 140 millions pour une année classique. Mais plus que la quantité d’eau, nous devons anticiper les aléas car, quand la température atteint le seuil de 45 degrés dans un équipement électrique, son fonctionnement peut s’arrêter. Nous le faisons avec des programmes de maintenance que nous mettons en place dès le printemps. Le retour d’expérience de 2022 nous pousse à installer des redondances et de nouveaux maillages, en investissant de 2 à 3 millions sur les trois ans. De même, l’adaptation doit se faire du côté humain. Nous renforçons nos équipes en période estivale, en jouant sur les jours de congé que l’on décale, de sorte à avoir 10 % de disponibilité en plus.

La Région Occitanie, actionnaire majoritaire de BRL, vient de lancer une concertation auprès de la population en vue d’un nouveau Plan Eau, qui sera adopté avant l’été. Comment lisez-vous cette initiative ?

Cette concertation citoyenne se nourrit de la conviction que l’eau n’est pas qu’une affaire de spécialiste. L’utilisateur et l’habitant doivent aussi être acteurs dans sa gestion. Notre responsabilité est de faire attention aux gens en précarité, ou aux exploitations agricoles qui ne resteront florissantes que si on leur garantit un certain équilibre tarifaire. La ligne fixée par Fabrice Verdier, président du Groupe BRL, et par Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, porte non pas sur plus d’eau, mais sur une meilleure utilisation de l’eau. Face aux événements extrêmes, nous devons réunir les conditions d’une collégialité plus forte, d’un meilleur dialogue entre parties prenantes. Par exemple, BRL travaille davantage avec la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne, pour avoir une politique de l’eau régionale unique. Dix ans auparavant, nous avions 2 régions au lieu de l’Occitanie, avec 2 opérateurs, et une telle collaboration relevait de l’abstrait.

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