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Face à la crise de l'aérien, le leader du catering Newrest adapte son plan de vol
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Face à la crise de l'aérien, le leader du catering Newrest adapte son plan de vol

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Premier acteur mondial indépendant de la restauration embarquée dans les avions, Newrest a subi de plein fouet la crise du transport aérien. S’il a tenu le choc grâce à sa diversification et à sa bonne santé financière, le groupe toulousain mise sur la RSE et le numérique pour assurer sa croissance.

Basé à Toulouse, Newrest revendique la place de premier acteur mondial indépendant du catering aérien — Photo : Newrest

Quand on demande à Olivier Sadran, fondateur et coprésident de Newrest, comment son groupe spécialisé dans la restauration embarquée traverse la crise, sa réponse se veut équilibrée : "Bien sûr les impacts ont été très forts : l’activité s’est brutalement arrêtée, il a fallu réagir, fermer certaines unités, se séparer de certains personnels. Mais cela a aussi été une année de solidarité incroyable, où l’on a créé des choses sur la RSE, la numérisation et la refonte de nos process."

Premier acteur mondial indépendant du catering aérien, le toulousain Newrest refuse de se poser en victime de la pandémie. Et pourtant. Durant les deux premières semaines de la crise, en mars 2020, l’activité a chuté de 90 %. Trois mois plus tard, le chiffre d’affaires annuel 2019-2020 s’affiche en baisse de 29,6 % à 1,07 milliard d’euros, alors que seuls les six derniers mois de l’exercice ont été touchés. En quelques mois, les effectifs, qui frôlaient les 35 000 personnes avant crise, sont ramenés à 29 500 salariés, répartis dans 57 pays. Un plan social engagé en France concerne 214 personnes sur le millier de salariés de l’activité in-flight.

Une entreprise qui appartient à ses cadres

"Il y a beaucoup de destructions mais notre décision stratégique a été de nous appuyer sur les secteurs porteurs et de poursuivre nos fondamentaux : maîtrise de la dette, maîtrise de nos ratios, modernisation de l’entreprise, poursuit Olivier Sadran. Nous avons une chance extraordinaire que l’entreprise appartienne à 94 % à son encadrement et à ses salariés. Cela crée une certaine dynamique et l’envie de retrouver l’entreprise que nous connaissions avant, celle qui enregistrait plus de 10 % de croissance organique en moyenne ces quinze dernières années."

Depuis la création en 1996 de Catair, la société fondatrice du groupe, l’histoire de Newrest constitue l’une des plus belles success stories de la région toulousaine. Dix ans après son lancement, l’activité de catering aérien se déploie déjà dans 14 pays avec 8 000 employés. En 2010, l’acquisition de la Compagnie des Wagons-Lits positionne le groupe comme un acteur majeur de la restauration ferroviaire : l’une des nombreuses acquisitions réalisées en vingt-cinq ans sur les cinq continents. Fin 2019, Newrest affiche encore une tendance de croissance de 14 %.

Aérien : pas de reprise avant l’été

Tous les segments d’activité de Newrest n’ont pas été touchés de la même façon par la crise sanitaire. Le groupe est actif sur quatre métiers : aérien, restauration collective et bases de vie, rail et concessions aéroportuaires et autoroutières. Le segment de la restauration collective et des bases de vie a limité sa baisse aux alentours des 15 %, grâce à une spécialisation sur les établissements scolaires et de santé. Certains marchés sont même en croissance, comme le service des installations pétrolières et minières. Début mars, Newrest a ainsi gagné la gestion de la base vie de la mine Mina Justa au Pérou, où travaillent 1 200 salariés.

À l’inverse, les caterings aérien et ferroviaire restent très touchés : début 2021, certaines unités tournaient encore à 15 % de leurs capacités. "Dans le domaine de l’aérien, nous anticipons une reprise au plus tard cet été. Il va falloir composer avec des équipes épuisées moralement et physiquement : dans certains cas, rouvrir des unités équivaudra au lancement d’une usine neuve. On a perdu beaucoup de savoir-faire, certains salariés n’ont pas travaillé depuis près d’un an et demi", confie Olivier Sadran. Priorité au numérique Pour répondre à ces difficultés opérationnelles, Newrest a lancé un vaste plan de modernisation. Avec un chantier prioritaire : la transformation numérique. "Au siège, l'informatique est le seul service que nous n’avons pas réduit. Nous disposons depuis vingt ans de notre propre ERP, et les équipes ont travaillé d’arrache-pied pendant la crise pour rendre le système encore plus rapide, plus fiable, plus ergonomique, rapporte Olivier Sadran. L’autre enjeu sur le numérique concerne les ventes : comme nous le faisons déjà à bord des trains, nous pouvons désormais installer des systèmes de précommande pour les passagers de l’aérien low cost, avec une gamme de prestations beaucoup plus étendue et de gros enjeux logistiques."

La crise a aussi été un accélérateur pour la refonte des process. En première ligne cette fois-ci, la restauration collective. "C’est un métier qui travaillait encore avec des fonctionnements très empiriques, hérités des années soixante-dix : nous avons fait sauter quatre à cinq niveaux de décision pour donner plus de responsabilités à nos chefs de gestion, et en même temps leur donner la capacité de rentrer toutes leurs données comptables pour qu’elles soient directement injectées dans le suivi analytique. C’est un enjeu majeur à l’heure où la restauration collective va devoir s’adapter au bio et aux circuits courts, deux sujets sur lesquels il n’y a quasiment pas de massification des achats", pointe Olivier Sadran.

Une restauration plus "verte"

Ce virage vers une restauration plus respectueuse de son environnement correspond aussi au dernier grand chantier engagé pendant la crise : la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). S’il reconnaît volontiers que Newrest était en retard sur le sujet, Olivier Sadran tient à souligner le chemin parcouru : "Au plus fort de la crise, l’ensemble des cadres actionnaires du groupe a consenti une baisse de rémunération de 30 à 60 %, destinée à maintenir l’emploi dans des pays où les aides étaient moins efficaces qu’en Europe." Un service dédié à la RSE a aussi vu le jour, avec des objectifs chiffrés : baisse de 10 % des émissions de CO2 à horizon 2025, et dans le même temps augmentation annuelle de 10 % des biodéchets valorisés, notamment en France où le groupe vient de conclure un partenariat avec le spécialiste du compostage Les Alchimistes. D’ici cinq ans, certaines matières premières devront avoir disparu des cuisines de Newrest, comme les œufs en batterie.

Sur son métier d’origine, le catering aérien, le président de Newrest ne voit pas de retour aux marchés de volume avant 2026 voire 2027. "Avec les modes d’organisation apparus pendant la crise, le socle des voyages d’affaires va lui aussi s’éroder, anticipe Olivier Sadran. Il va y avoir, pour les compagnies aériennes comme pour nous, une perte sur les chiffres d’affaires et surtout sur les marges."

Consolider le marché

Pour s’adapter à cette nouvelle donne, Newrest mise sur l’investissement. En Israël, une unité de 10 000 m2 totalement automatisée et numérisée est en cours de construction, pour 25 millions d’euros. Au niveau mondial, le groupe devrait disposer d’ici la fin de son exercice 2020-2021 d’un parc de robots collaboratifs, ou cobots. La direction de Newrest s’attend en parallèle à un bouleversement du paysage concurrentiel, avec une multiplication des faillites chez les compagnies aériennes comme au sein de ses concurrents, et ce dès 2021. "Il nous faudra être capable de consolider notre marché : il y a trop d'acteurs dans le catering aérien, dans la restauration collective aussi. Il va falloir regarder les opportunités par pays, en conservant une approche prudente", insiste Olivier Sadran. Rentré dans la crise avec un endettement quasi nul, Newrest a su conserver sa bonne santé financière. Une gestion rigoureuse qui pourrait lui ouvrir de nouveaux horizons de croissance externe.

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