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En Occitanie, la finance verte impulse la transition climatique
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En Occitanie, la finance verte impulse la transition climatique

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Les sociétés de capital-investissement et le financement participatif font les yeux doux aux entreprises qui adoptent des bonnes pratiques en matière de lutte contre le réchauffement climatique. La finance verte fait particulièrement florès dans les projets liés aux énergies renouvelables. La COP 26, début novembre, à Glasgow, va donner le ton des années à venir.

Une centrale du groupe montpelliérain Apex Énergies, l’un des acteurs de la transition énergétique en Occitanie — Photo : Apex Énergies

Dans sa lettre aux PDG de janvier 2021, Larry Fink, le président de la multinationale américaine BlackRock spécialisée dans la gestion d’actifs, écrit : “Aucun enjeu n’est plus élevé que le changement climatique dans la liste des priorités de nos clients.” Alors que se tient début novembre la COP 26 à Glasgow, point d’étape qui doit mener à la neutralité carbone en 2050 selon les Accords de Paris (2015), l’Agence internationale de l’énergie (émanation de l’OCDE), dans son rapport annuel, appelle le monde à tripler ses investissements dans les énergies propres d’ici 2030. En Occitanie, on agit déjà. “Le plan stratégique du groupe BPCE, qui sera présenté le 17 novembre, accorde une part prépondérante à l’implication du groupe bancaire dans le secteur de la transition écologique”, illustre ainsi André Joffre, le président de la Banque Populaire du Sud qui organise un webinaire sur la finance verte le 2 décembre. “Les particuliers demandent que leur épargne soit investie dans des entreprises vertueuses, poursuit-il. Les fonds d’investissement créent donc des fonds spécifiques. Et aujourd’hui, il n’y a aucun problème de financement de l’économie verte.”

À Toulouse, la société de gestion en capital-investissement iXO Private Equity, qui gère plus de 800 millions d’euros et opère dans tout le grand Sud de la France, est l’une des signataires de l’Initiative Climat International, lancée en 2015 par quelques sociétés membres de France Invest soucieuses de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre dans leurs participations, et des Principles for Responsible Investment (PRI) de l’ONU. “Lorsque nous étudions un dossier, nous nous posons les questions incontournables (impact CO2, bilan carbone) sur les enjeux climatiques de la société visée, rapporte Bruno de Cambiaire, son président. S’il y a le moindre doute, cela peut remettre en cause notre décision d’investir. Pour autant, nous n’allons pas condamner un secteur ou une entreprise. Ce qui pourrait être condamnable, ce serait la volonté d’un dirigeant de ne pas s’ouvrir à ces sujets-là. Il y a des entreprises qui n’ont pas un bon bilan carbone et c’est à nous de les accompagner dans cette transition, de les aider à verdir leurs pratiques.” Contrôleur de gestion chez iXO Private Equity, Mélisa Cheung-Durand détaille : “Si le dossier semble pertinent et répond à nos critères internes, nous diligentons un audit. Nous sollicitons pour cela un cabinet spécialisé dans les thématiques ESG (environnement-social-gouvernance). Cet audit est ensuite présenté à notre comité d’investissement puis à notre comité d’experts. Mais notre travail ne s’arrête pas lorsque nous avons investi. Nous définissons un plan d’action avec le management de la société dès la première année de notre prise de participation, qui figure dans le pacte d’actionnaires.” Le sujet prend une telle ampleur que la société de gestion toulousaine va recruter un responsable ESG l’année prochaine.

Selon la commission "climat" de France Invest, qui regroupe la quasi-totalité des équipes de capital-investissement actives dans le pays, 45 opérations de financement ont été réalisées au premier semestre 2021 par les professionnels du capital-investissement dans le secteur des cleantech (services industriels qui utilisent les ressources naturelles dans une perspective d’amélioration importante de l’efficacité et de la productivité, NDLR) pour un montant global de 1,018 milliard d’euros (les montants sont connus pour 40 opérations). Les énergies renouvelables conservent la première place, en montants investis, devant l’économie circulaire et la mobilité. Cette dynamique est soutenue par le plan de relance français qui fait de la transition écologique et énergétique une priorité. Les récentes annonces de la Commission européenne, dans le cadre du plan "Fit for 55", devraient encore amplifier cette croissance. Le 6 juillet 2021, elle a aussi présenté deux projets de textes fondamentaux pour la structuration du marché de la finance verte. Le premier est un projet d’acte délégué qui vient compléter le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur la taxonomie des activités vertes. Le second est un projet de règlement fixant un standard européen pour encadrer les obligations vertes (European green bond standard : EGBS). “Une tendance est en train de poindre à Bruxelles, observe André Joffre, par ailleurs président de l’entreprise perpignanaise Tecsol, spécialiste de l’énergie solaire. Une fois la pandémie passée, l’Europe va se charger de revenir à une certaine orthodoxie budgétaire. Or, les règles pourraient être assouplies pour les investissements dans l’économie verte.”

10 millions d’euros pour 200 centrales photovoltaïques

À Montpellier, le Crédit Agricole du Languedoc s’affiche comme une des banques régionales les plus actives sur le marché de la finance durable, avec une société de capital-développement, Sofilaro, et une filiale dédiée aux infrastructures (solaire, éolien, hydro, etc.), Crédit Agricole Languedoc Energies Nouvelles (CALEN), qui investit en minoritaire aux côtés des développeurs. La première, dotée de 35 millions d’euros de fonds propres, accompagne des PME en croissance sur des tickets de 1,5 à 5 millions d’euros. La deuxième a validé, en 2020, l’augmentation de ses fonds propres de 30 à 60 millions d’euros. " CALEN, qui a été créé en 2010, demeure l’une des quatre structures de ce type au sein du groupe Crédit Agricole, alors qu’il compte 39 caisses régionales. Notre développement témoigne d’une certaine continuité stratégique, mais aussi de velléités financières plus grandes, puisque nous réfléchissons à porter les fonds propres à 90 millions d’euros d’ici 2 ans ", annonce Jérôme Lavinaud, directeur d’investissements chez Sofilaro. CALEN investit 2 millions d’euros par centrale solaire, dans une limite de 20 millions par projet porté par le développeur. En septembre, elle a souscrit, avec Midi Energy (Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées), un financement obligataire de 10 millions d’euros mis en place par Apex Énergies (130 salariés, prévisionnel 2021 : 60 M€), pour la réalisation de 200 centrales photovoltaïques. Pour la société montpelliéraine, la difficulté n’est pas tant de trouver des fonds que de sécuriser ses projets assez vite, en termes d’autorisations administratives. "De plus en plus d’acteurs financiers se positionnent dans les énergies vertes. Ils viennent toquer à notre porte, et non l’inverse comme 15 ans plus tôt ! Nous visons une puissance installée d’1 gigawatt crête d’ici 2025, soit 10 fois plus qu’aujourd’hui. La liquidité, disponible en masse, nous garantit qu’on y arrivera, sous réserve de sécuriser nos projets pour convaincre ces investisseurs de nous suivre", commente Paul-Émile Chauvin, responsable Financement d’Apex Énergies.

Autre voie de financement pour les entreprises : le crowdfunding. La plateforme toulousaine Wiseed consacre par exemple l’une de ses rubriques aux énergies renouvelables. Elle n’est pas la seule. Le groupe tarnais Amarenco, par exemple, a choisi Lendosphere pour son opération de financement participatif de 6,5 millions d’euros visant à accompagner le développement et la construction de ses projets solaires tout en optimisant ses fonds propres. Depuis sa création à Montpellier en 2015, Enerfip (19 salariés) s’est, elle, imposée comme la plateforme leader dans le financement participatif des projets de transition énergétique. Avec 138 millions d’euros collectés à ce jour, dont 70 millions sur la seule année 2021, elle n’a même pas d’équivalent en Europe. Selon son cofondateur Julien Hostache, la crise sanitaire a joué un rôle dans l’accélération de son activité. " Le comportement des épargnants a changé quand ils ont vu que leur portefeuille pouvait fondre de moitié en quelques jours. C’est une prise de conscience. Ils se tournent désormais vers des produits financiers jugés plus stables ", affirme-t-il. Gérant plus de 30 000 investisseurs, rejoints par 8 000 souscripteurs de plus tous les mois, Enerfip conquiert une nouvelle crédibilité auprès des opérateurs du marché. " Par le passé, le crowdfunding représentait une portion congrue du financement des projets, limitée à la notion d’acceptabilité sociale. Désormais, nous pouvons, à la place des fonds d’investissement, faire des financements structurés pour les grands développeurs ", rajoute Julien Hostache. Ce dernier cite notamment le groupe rhônalpin Langa International, à qui Enerfip a assuré un financement de 26 millions d’euros en 2021. Pour les entreprises moins matures, le crowdfunding peut aussi être un moyen de contourner un niveau de risque que d’autres types d’investisseurs ne veulent pas assumer. A Béziers (Hérault), le jeune PME Dev’EnR (20 salariés), fondée fin 2020, vient de lever 1,4 million d’euros via Enerfip, en deux tranches, pour lancer 20 projets solaires " L’opération a été bouclée non pas au stade de la construction des centrales solaires, mais en phase amont, avant le dépôt des permis de construire. Ce type de montage financier permet donc d’accélérer l’exécution de nos projets ", juge son président Stéphane Bozzarelli, en guise de conclusion.

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