Coronavirus : la filière horticole occitane mise sur le déconfinement pour s'en sortir
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Coronavirus : la filière horticole occitane mise sur le déconfinement pour s'en sortir

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Depuis le début du confinement lié à l'épidémie de coronavirus, les exploitations horticoles occitanes souffrent de la fermeture des jardineries et des centrales d'achat. Une situation rendue critique par le caractère périssable des fleurs saisonnières. Les entreprises du secteur attendent, comme beaucoup d'autres, un plan de soutien de la part du ministère de l'Agriculture.

L'exploitation horticole Cannebeth a dû jeter pour 450 000 euros de fleurs. — Photo : Cannebeth

L’Occitanie est la 6e région horticole de France avec 981 exploitations qui comprennent des cultures horticoles ou de pépinière, d’après la dernière statistique agricole annuelle (SAA) du gouvernement. Le secteur représente un business de 140 millions d’euros, soit 2 % du produit agricole d’Occitanie. Contrairement aux pépinières qui proposent des arbres et arbustes résistants au gel, les horticulteurs cultivent une majorité de plantes annuelles ou vivaces à floraison estivale longue. Avec le confinement lié à l’épidémie de Covid-19, et donc la fermeture des lieux de ventes, les exploitations horticoles ont souvent été contraintes de jeter une partie de leur production périssable.

Des milliers de fleurs saisonnières jetées

Marie Levaux, gérante de l’exploitation horticole Cannebeth (25 personnes à temps plein sur l'année ; CA 2019 : 2 M€) près de Montpellier, a dû jeter pour 450 000 euros de fleurs. L’entreprise vend habituellement 85 % de sa production en gros à des magasins spécialisés, de type Truffaut ou Gamm Vert. « Nous produisons uniquement des plantes fleuries et 85 % de notre chiffre d’affaires annuel est généré entre le 15 mars et le 15 juin, explique la gérante. Toute notre production était prête, cela a été très dur économiquement et psychologiquement de jeter toutes ces fleurs saisonnières ».

Des plantes ont été jetées car devenues impossibles à commercialiser une fois défleuries, d’autres pour « faire de la place » dans les serres et laisser de l’espace aux prochaines cultures. « Nous avons consommé tout notre fonds de roulement pour produire ces plantes, les ressources en eau, terre, pots, main-d’œuvre… Avoir jeté le fruit de notre travail représente pour nous une double perte », s’attriste Marie Levaux. Pour la patronne, même le prêt garanti par l'Etat ne suffira pas à compenser les pertes, et rembourser l’équivalent du quart de son chiffre d’affaires annuel même en cinq ans ne lui paraît pas réaliste.

Auprès de la Fédération nationale des producteurs horticulteurs pépiniéristes, Marie Levaux se bat donc avec ses pairs horticulteurs afin d’obtenir aides et indemnités du gouvernement, des régions et des départements. Un plan de soutien à la filière horticole a notamment été proposé au ministère de l’Agriculture tout début mai.

Redémarrage timide des plantes potagères et aromatiques

À Toulouse, Laurent Bianchini gère l’activité de négoce en plantes Bianchini International (CA 2019 : 16 M€) et deux sociétés de production Sud Culture (à Ondes en Haute-Garonne) et Ovalie Végétal (à Saix dans le Tarn) qui représentent 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le patron qui emploie 70 salariés a subi de plein fouet l’impact du coronavirus sur ses deux activités. « Sur la partie grossiste, nous avons dû jeter plus de 100 000 euros de produits frais qui n’ont pas pu être vendus aux jardineries et fleuristes, analyse Laurent Bianchini. Au total, nous avons perdu 2 millions d’euros sur la commercialisation. Heureusement, la casse a été limitée à environ 60 000 euros sur notre production, que nous avons pu proposer en grande distribution dès la deuxième semaine de confinement ».

Pour l’instant, les deux activités de Laurent Bianchini semblent reprendre doucement, de façon limitée et principalement sur les légumes et plantes aromatiques. Mais pour le patron, l’avenir est incertain : « Nous importons certaines espèces d’Espagne, d’Italie, Hollande ou Belgique, mais pour relancer l’activité horticole dans un cercle vertueux, il faut concentrer les efforts sur le national. J’espère que la crise motivera par exemple des exonérations de charges pour booster la relance des exploitations horticoles françaises ».

Le bon réflexe de conserver les saisonniers

De son côté, Dominique Boutillon, gérante des Serres de Pécarrère (14 salariés ; CA 2019 : 1 M€) en Haute-Garonne, réalise habituellement 40 % de son chiffre d’affaires avec la vente au détail et le reste auprès des professionnels. « Au début du confinement, tous nos clients étaient fermés, raconte la gérante et présidente du conseil spécialisé horticole de FranceAgriMer. Nous avons perdu 70 % de notre chiffre d’affaires sur trois semaines et avons pensé au dépôt de bilan ».

Pour s’en sortir, l’entreprise a démultiplié les livraisons à domicile et créé un drive pour les particuliers. Le dispositif a rencontré beaucoup de succès, mais huit salariés ont été mobilisés pour l’assurer au lieu de deux habituellement. Un surcoût de main-d’œuvre difficile à amortir. À partir du 10 avril, les jardineries ont rouvert et Les Serres de Pécarrère ont donc pu reprendre leur activité auprès des professionnels, mais ont dû laisser en suspend la vente au détail, au moins jusqu’au 11 mai.

« Nous avons eu recours au chômage partiel pour garder nos saisonniers, contrairement à certains collègues qui ont licencié et sont à présent embêtés pour relancer l’activité. Nous avons aussi fait un prêt garanti par l'Etat de 200 000 euros, et puisqu’environ 60 % de notre chiffre d’affaires est généré entre le 15 mars et le 15 juin, tout n’est pas encore perdu », positive Dominique Boutillon. Avec le déconfinement, tous les horticulteurs, quel que soit leur modèle économique, prient pour une remontée significative des ventes.

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