Ces PME qui misent sur des bureaux plus économes en énergie
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Ces PME qui misent sur des bureaux plus économes en énergie

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Annoncée pour 2020, la nouvelle réglementation environnementale du bâtiment va élever les niveaux d’exigence sur les consommations énergétiques et l’empreinte carbone des constructions neuves. Sans attendre, des entreprises d'Occitanie ont fait le choix de locaux sobres et performants. Retours d’expérience de ces pionniers.

À Auch (Gers), le bureau d'études Addenda, dirigé par Alain Castells, démontre qu'il est possible de créer un bâtiment à énergie positive dans un immeuble de patrimoine — Photo : © Paul Falzon / Le Journal des Entreprises

Lorsque le constructeur toulousain GA Smart Building (650 salariés, CA 2018 : 300 M€) intègre l’immeuble Agua, en 2015, il rejoint le club fermé des entreprises locales travaillant dans un bâtiment à énergie positive : un bâtiment qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. « En tant qu’acteur du BTP, le projet a été conçu comme une vitrine de nos savoir-faire et un laboratoire d’expérimentations pour réduire les besoins en énergie des futurs bâtiments », résume Sébastien Matty, PDG de GA Smart Building. Une isolation renforcée, des apports de lumière naturelle et une gestion technique de pointe permettent de diviser par trois les consommations par rapport aux précédents locaux du constructeur, pour un gain estimé à 10 euros par mètre carré et par an. La production d’énergie est assurée par la géothermie et l’installation de panneaux photovoltaïques.

Les 3 500 m2 du programme ont mobilisé un budget de 6,5 M€, avec un surcoût que GA Smart Building évalue à seulement 5 % par rapport à un bâtiment traditionnel. À long terme, les baisses de charge doivent compenser ce surinvestissement. « Difficile de raisonner en coût global, quand l'énergie, en France, est si peu chère, reconnaît cependant Sébastien Matty. Mais le projet nous permet d’être en avance par rapport à une réglementation qui va inciter les constructeurs à être de plus en plus vertueux. »

L'épineux problème du retour sur investissement

Début 2020, le gouvernement présentera la nouvelle réglementation environnementale. La loi logement dite "Elan", votée fin 2018, en a donné les grandes lignes : des plafonds de consommations énergétiques plus bas que l'actuelle réglementation thermique (RT 2012), le soutien à la production d’énergies renouvelables et, pour la première fois, l’évaluation des performances sanitaires et carbone des constructions. Pour l’immobilier d’entreprise, il faudra définir de nouveaux équilibres : sur ce marché essentiellement locatif, le retour sur investissement doit se faire entre 5 et 7 ans, quand l’amortissement d’une isolation renforcée ou de panneaux photovoltaïques s’envisage sur 15 ou 20 ans.

« On peut désormais atteindre le niveau "bâtiment à énergie positive" (Bepos) à partir de 1 500 €/m2 dans le neuf. »

Certains poids lourds du secteur s’engagent déjà dans une démarche de sobriété. Inauguré en juin 2018 sur le Canal du Midi, l’immeuble Riverside atteint une consommation 20 % plus faible que le plafond de la RT 2012 et affiche complet, malgré des loyers records à 195 €/m2, selon l'Observatoire toulousain de l'Immobilier d'Entreprise. Particularité du projet, le maître d’ouvrage du bâtiment, Covivio, en est aussi le propriétaire. « Quand une opération est menée pour un acteur spécialisé dans la gestion foncière, l’équation économique change : la stratégie est de favoriser une maîtrise des consommations pérenne », souligne Olivier Companyo, qui a piloté le programme pour le cabinet d’architecture toulousain PPA.

Pour Gamba Acoustique, le compte est bon

Malgré tout, la construction de bâtiments vertueux correspond souvent à des projets patrimoniaux de PME volontaristes, qui veulent concilier engagement environnemental et gains de long terme. La voie a été tracée par le bureau d’études Gamba Acoustique (50 salariés, CA 2018 : 4,5 M€), qui occupe depuis 2009 un bâtiment à énergie positive à Labège, en périphérie de Toulouse.

Si les coûts de construction ont été maîtrisés, à 1 350 €/m2, la production d’énergie renouvelable a représenté un réel effort financier : 450 000 euros pour les seuls panneaux photovoltaïques, dont un quart de frais bancaires. Mais avec dix ans de recul, le directeur général de la PME Guy Capdeville estime que le jeu en valait la chandelle : « La revente de l’électricité engendre un revenu de plus de 35 000 euros par an : le retour sur amortissement devrait se faire plus rapidement que les 20 ans escomptés. Les énergies alternatives restent encore chères à produire, mais la baisse des prix des matériels pourrait encourager d'autres acteurs à se lancer. »

En rénovation, Addenda montre la voie

Longtemps cantonnée aux bureaux neufs, la démarche de sobriété s’étend d'ailleurs à d’autres segments de l’immobilier d’entreprise. En janvier, le sous-traitant aéronautique Aerem (60 salariés, CA 2018 : 6,5 M€) a intégré son usine à énergie positive de Pujaudran, dans le Gers.

À Auch, dans le Gers également, le bureau d’études énergétiques Addenda (16 salariés) démontre, depuis 2016, qu’il est possible de créer un bâtiment à énergie positive dans un immeuble de patrimoine. « Notre projet initial prévoyait la construction de locaux dans une zone d’activité : la rénovation mobilisait finalement des coûts comparables (1 300 €/m2) et nous permettait de conserver notre emplacement en centre-ville », indique Alain Castells, gérant d’Addenda. Du fait de normes moins contraignantes que pour le neuf, le retour sur investissement du projet est évalué à sept ans, malgré l’installation d’équipements très performants (panneaux photovoltaïques, chaufferie bois). Principal atout : une facture énergétique ramenée à 4,60 euros par an et par mètre carré, sans conséquences pour les salariés qui font régulièrement monter le chauffage à 23°C...

« Les entreprises ne doivent pas voir les bâtiments vertueux comme des projets inatteignables : on peut désormais atteindre le niveau bâtiment à énergie positive (Bepos) à partir de 1 500 €/m2 dans le neuf. Ensuite s’ajoutent les baisses de charges : si la maîtrise d’ouvrage ne s’engage pas pour des questions environnementales, elle peut être convaincue par ce regard économique ! », conclut Alain Castells.

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