Le cimentier Calcia décarbone ses usines néo-aquitaines
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Le cimentier Calcia décarbone ses usines néo-aquitaines

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En octobre, la cimenterie Calcia d’Airvault (Deux-Sèvres) a posé la première pierre d’une restructuration massive, chiffrée à 285 millions d’euros, pour moderniser 80 % de ses équipements. L’essentiel d’un plan d’investissement plus large, évalué à 500 millions d’euros pour le cimentier, est dirigé vers ses deux usines néo-aquitaines. Son objectif : diminuer drastiquement son empreinte carbone.

Une maquette du projet de modernisation de la cimenterie Calcia d’Airvault (Deux-Sèvres), un investissement de 285 millions d’euros — Photo : Ciments Calcia

C’est un chantier d’envergure qu’a récemment démarré l’usine Calcia d’Airvault (Deux-Sèvres) et ses 137 salariés. Chiffré à 285 millions d’euros, il comprend notamment la création d’une nouvelle ligne de production de clinker (principal constituant du ciment) par voie sèche d’une capacité de 4 000 tonnes par jour, qui remplacera les deux lignes de cuisson à voie semi-sèche actuelles. En tout, une dizaine de nouveaux équipements seront installés dont un broyeur à cru vertical ou une tour de préchauffage de 135 mètres de haut, le tout pour rendre le processus industriel moins énergivore (-15 % de consommation électrique, -17 % de consommation thermique).

Chantiers régionaux

Le groupe Calcia (702 M€ de chiffre d’affaires en 2021), qui appartient au géant allemand Heidelberg Cement (51 209 salariés et 18,7 Md€ de CA en 2021), veut ainsi augmenter sa capacité de production pour passer de 1,25 à 1,65 million de tonnes de ciment clinker produite à Airvault. L’usine va aussi augmenter massivement (de 49 à 88 %) le recours à des combustibles solides de récupération ou CSR (déchets industriels, ménagers ou agricoles comme des pneus ou des semences déclassées) pour produire son ciment, et ainsi faire baisser de 27 % ses émissions de CO2 par tonne produite. "Nous visons 90 % d’énergie non-fossile sur un site qui utilisait jusqu’à présent essentiellement du charbon", ajoute le responsable. Le groupe souhaite passer de 50 à 150 000 tonnes de CSR par an pour cette seule usine. La livraison du premier ciment y est attendue au deuxième semestre 2024. Le projet Airvault 2025 est soutenu par une enveloppe régionale (1 M€) et 30 millions d’euros de France Relance.

Le site d’Airvault n’est pas le seul investissement de Calcia dans la région, où le groupe fait travailler 800 personnes dans deux cimenteries, 15 carrières, 39 centrales à béton et deux agences logistiques. Sa cimenterie de Bussac-Forêt (Dordogne), où 104 salariés produisent 620 000 tonnes de ciment par an, devrait investir 50 millions d’euros (dont 9 M€ de la Région et de l’Ademe). Découpé en plusieurs phases de restructuration du précalcinateur et du refroidisseur, le chantier doit faire passer son enveloppe de combustibles alternatifs de 30 à 80 % pour diminuer son empreinte carbone de 10 % par tonne de ciment produit. Le site de Bussac doit connecter ces nouveaux équipements au premier trimestre 2023, avant une troisième phase "de modernisation de la partie électronique, du contrôle des commandes et de digitalisation", chiffrée à 8 millions d’euros.

Enjeu de compétitivité

Ces refontes interviennent en pleine restructuration de la politique des quotas gratuits sur le marché du carbone européen. "Si nous ne faisons pas partie des usines les plus performantes d’Europe, les droits à émettre seront insuffisants et nous devrons acheter des tonnes CO2 sur le marché, pour lesquelles nous ne serons pas compensés", explique Bruno Pillon. "Avec le futur mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ces droits à émettre seront graduellement retirés", ajoute-t-il. "Si nous n’émettons pas le moins de CO2 possible, nous serons en déficit de compétitivité". Le groupe espère descendre à 400 kg de CO2 par tonne. Plusieurs autres pistes sont à l’étude pour y parvenir, notamment un projet d’unité de production d’argile calciné à Bussac pour "réduire la quantité de clinker dans les ciments".

L’industriel, qui reste un gros émetteur régional de CO2, répond à un objectif stratégique dans un secteur aux mutations nombreuses. Calcia en a lui aussi fait les frais : il a fermé cet été sa cimenterie de Cruas (Ardèche) et licencié 66 personnes qui produisaient du ciment blanc, "un marché qui s’est retourné avec la concurrence étrangère", justifie le dirigeant, évoquant aussi l’abandon en avril d’un projet de carrières en plein parc naturel régional du Vexin. Il fait aussi face à des coûts énergétiques qui ont "plus que triplé voire quintuplé si on prend les prévisions de janvier. Ces prix ne nous permettent plus de produire de manière compétitive en France. Il n’y a pas une usine qui peut tourner à 1 200 euros le mégawatt. Mieux vaut arrêter de fabriquer. L’énergie est notre premier poste de dépense en coûts variables, en dehors de la logistique".

Pour autant, sa marche en avant continue et les enveloppes grossissent. "En tout, nous devrions investir 500 millions d’euros en France", dévoile ainsi Bruno Pillon, en évoquant deux autres projets de modernisation à la finalité similaire à Couvrot (Marne) et Beaucaire (Gard). En Nouvelle-Aquitaine, Calcia espère rendre la production de ciment "rentable dans ces nouvelles configurations".

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