Grâce à la solution développée par AbSolar, les résidents du nouvel éco-quartier de Cadaujac (Gironde) paient 200 euros par an leur chauffage et leur eau chaude sanitaire. C’est sur le terrain de ces 67 logements que la start-up a implanté en septembre 2021 son démonstrateur, appelé C2SES pour centrale solaire sur stockage d’énergie souterrain. Plus d’un an et demi plus tard, la preuve est faite que le procédé fonctionne. 950 m2 de capteurs solaires thermiques, combinés à des pompes à chaleur, des ballons et surtout à de la géothermie via un stockage de l’énergie en sous-sol. 60 forages sur une superficie de 18 m de diamètre, jusqu’à 30 m de profondeur, dans lesquels circule un fluide caloporteur. L’inertie du sol permet d’emmagasiner la chaleur telle une méga batterie pour la libérer ensuite. Une première en France, qui a valu une inauguration en grande pompe ce 25 mai, en présence du Haut-Commissaire au Plan François Bayrou, manifestement emballé par cette technologie.
"Il fallait que cela fonctionne"
Pour une start-up créée il y a juste trois ans, hébergée par Technowest à Bègles (Gironde), cette première étape est déjà une prouesse. "Nous n’avions pas le choix il fallait que ça fonctionne, le promoteur nous mettait la pression ; il était hors de question que le lotissement soit livré sans chauffage !" raconte Hervé Lautrette, le fondateur d’AbSolar et un des trois associés. "Nous avons fait le démonstrateur en même temps que la R & D, c’était fou. On m’a vu pleurer plus d’une fois."
L’idée trottait dans la tête de ce géothermicien de métier depuis dix ans. "J’avais vu de la géothermie de stockage au Canada. Je me suis juré de développer le concept avant de mourir." Il a effectivement poussé le curseur avec un circuit fermé et de la haute température : 250° injectés dans le sol. "Cette idée, je l’avais proposée dans la boîte dans laquelle je travaillais. Sans succès." Ce sont les rencontres et les opportunités qui ont aligné les planètes. Antoine Darocha, promoteur immobilier patron de Rochinvest, basée à Latresnes (environ 26 M€ de chiffre d’affaires selon lui), n’a pas hésité. "Le défi m’a séduit", dit-il. Il s’associe à Hervé Lautrette, finance le projet et l’inclut dans ce qui n’était à l’époque que des plans de lotissement. Ensemble, ils convainquent le maire de Cadaujac.
"Un système de chauffage classique aurait coûté 300 000 euros, là c’est 2 millions. C’est un démonstrateur, il n’est pas fait pour être rentable, mais les prochaines installations le seront", assure le promoteur et associé. Des acteurs du secteur de la géothermie militent aussi pour le déploiement de la solution, notamment le pôle de compétitivité Avenia, dédié aux industries du sous-sol et basé à Pau. L’Ademe a soutenu le démonstrateur à hauteur de 928 000 euros. AbSolar en attend désormais qu’elle intègre sa solution à son Fonds chaleur. "Sinon ce sera un point bloquant pour les entreprises", prévient Hervé Lautrette.
Récupérer l’énergie fatale de l’industrie
Parce que Absolar lorgne les industries et leur énergie "fatale", celle qui est nécessairement rejetée et souvent perdue. "Chaque année en France elle représente 40 % de la production d’une centrale nucléaire", affirme Hervé Lautrette. AbSolar propose de la récupérer et la stocker elle aussi en sous-sol. "Nous travaillons déjà avec un gros industriel de la région qui veut se décarboner et abandonner le gaz", glisse l’entrepreneur. Pour répondre à sa demande, il a sollicité un ancien d’Airbus spécialisé dans les pompes à chaleur de pointe, Pascal Danthony, devenu le troisième associé avec 10 % des parts.
Pour l’heure AbSolar est parvenu à générer 1,3 million d’euros de chiffre d’affaires en deux ans et envisage une levée de fonds. "On prépare l’avion pour décoller", assure Hervé Lautrette, prêt à embarquer nombre de confrères enthousiasmés par son innovation fraîchement brevetée.
