La Nouvelle-Aquitaine tremble pour ses PME
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La Nouvelle-Aquitaine tremble pour ses PME

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Écoles, marchés, restaurants, aéroports et plages fermés, le 15 mars, une chape de plomb s’abattait sur la France et sur les 250 000 entreprises de Nouvelle-Aquitaine. Après des semaines d’angoisse et de combativité, des initiatives de solidarité et de profondes réflexions ont interrogé l’avenir des filières, depuis le tourisme, la viticulture, jusqu’à l’aéronautique. Reste à savoir si l’économie régionale reprendra des couleurs cet été.

Photo : Aerocampus Aquitaine

Le 24 janvier, un des premiers cas de coronavirus est détecté en Gironde. Un Français passé par Wuhan, foyer de l’épidémie en Chine, est évacué vers le CHU Pellegrin à Bordeaux. On sait alors que le virus se répand dangereusement en Asie. On ignore par contre que le monde s’apprête à « entrer en confinement », que des centaines de milliers de morts seront à déplorer six mois plus tard, dont un peu plus de 400 en Nouvelle-Aquitaine. Mais derrière ce « bon » bilan sanitaire régional, combien de milliers d’entrepreneurs découragés et de salariés menacés par des dépôts de bilan ?

« Il ne s’agit pas de redouter une deuxième vague économique et sociale, mais bien de s’y préparer »

« Ne pas baisser la garde ». Sans vouloir céder à un discours alarmiste, lors d’une ultime conférence de presse tenue en visioconférence, le 29 mai, Patrick Bobet, ne cachait pas quelque appréhension. « Il ne s’agit pas de redouter une deuxième vague économique et sociale, mais bien de s’y préparer », déclarait le président de Bordeaux Métropole.

L’établissement public tirait les premiers enseignements de ses actions de crise, notamment au sujet de son fonds d’urgence doté de 15, 2 millions d’euros pour les entreprises de 1 à 5 salariés. Demandées par moins de 3 000 entreprises, pour 4, 5 millions d’euros, ces aides ont concerné les services (39 % du montant des aides), les cafés-hôtels-restaurants (30 %) et les commerces (20 %). « Je suis tout de même un peu surpris que sur les 14 000 entreprises qui pourraient avoir le droit à cette aide de 1 500 euros, sur simple déclaration, seules 2 875 d’entre elles l’aient sollicitée. C’est de l’argent disponible, qui a été voté », regrette Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde partenaire du fonds d’urgence métropolitain, avec la Chambre de métiers et de l’artisanat de Gironde et la Chambre d’Agriculture de la Gironde.

Des chefs d’entreprise qui font le dos rond

Et ce constat de confirmer celui établi dès les tout premiers jours de confinement par la chambre consulaire. « Trop de chefs d’entreprise ont fait le dos rond, nous avons parfois eu l’impression qu’il fallait vraiment prendre les gens par la main », poursuit Patrick Seguin, qui aurait souhaité que ses services examinent davantage de demandes.

Ce sont toutefois, au 15 avril selon l’enquête « Impact de la pandémie Covid19 sur les entreprises girondines » de la CCI Bordeaux-Gironde, 46 % d’entre elles qui ont actionné le dispositif de report ou décalage de cotisations, 44 % ont eu recours au chômage partiel, 84 % ont demandé un report de crédit bancaire et 82 % qui ont sollicité un prêt garanti par l’État (PGE). Pour la Gironde, la Fédération bancaire française précise que 17 198 entreprises bénéficient ainsi d’un PGE, pour près de 2, 5 milliards d’euros. Dans toute la Nouvelle-Aquitaine, depuis leur lancement le 25 mars, ce sont 49 809 prêts qui ont été accordés, pour 6,8 milliards d’euros, les TPE représentant 89 % des dossiers selon les chiffres publiés par le ministère de l’Économie et des Finances.

Réacquérir les compétences pour le monde d’après

Lors de sa séance plénière du 29 mai, la Région, collectivité compétente en matière de développement économique, dressait à son tour le premier bilan de son plan de crise et des 325 millions d’euros dédiés via le fonds national (dont 38 de la Région), et amorçait son plan de reprise. Pour cela deux groupes de travail étaient lancés, l’un sur les médicaments, l’autre sur l’électronique, deux secteurs dont les éléments de base sont aujourd’hui produits quasi exclusivement en Chine. Alain Rousset, président de la collectivité publique, d’en appeler à une réindustrialisation du territoire, dans la droite ligne du plan NéoTerra, feuille de route régionale pour la transition énergétique et climatique. « Le rebond n’est pas si simple que ça. Aujourd’hui, l’aide massive aux grandes entreprises ne va pas ruisseler sur les chaînes de sous traitances et sur les PME. Or, la réindustrialisation et la réacquisition des compétences passent d’abord par ces milliers de PME. Lorsque l’on entend que Renault qui vient d’avoir 5 milliards, licencie 4 500 personnes en France, il faut demander aux grands patrons ce qu’ils vont faire des PME avec lesquelles ils travaillent », tonnait Alain Rousset, rappelant que la région compte 15 000 emplois dans l’automobile et 75 000 dans l’aéronautique, « soucieux » notamment pour les PME et ETI qui font face aux baisses de cadences de 30 % d’Airbus.

Des propos qui font écho aux déclarations de l’Union des industries et métiers de la métallurgie Gironde-Landes tenues également fin mai. « La filière aéronautique est très durement touchée par les annulations et reports massifs de commandes et sans aucune visibilité à court, moyen, et long terme », relevait Xavier Esturgie, vice-président délégué général de l’organisation patronale, également préoccupé par sur la situation de l’apprentissage industriel pour la rentrée de septembre, subissant annulations et de reports de contrats.

" Si on ne veut pas que les entreprises soient rachetées par des fonds vautours, nous devons leur apporter les moyens de leur diversification"

La clé dans la diversification

Pour le président de Région, la clé de la reprise réside dans la diversification. « Il est question de trouver de nouveaux marchés aux entreprises, si demain on ne veut pas qu’elles soient rachetées par des fonds vautours, turcs, américains ou chinois. Nous devons leur apporter les moyens de leur diversification comme l’ont fait certaines entreprises du textile pour fabriquer des masques ou des tenues de protection ». Cette réorientation des marchés pourrait ainsi s’effectuer vers les secteurs des énergies renouvelables et du machinisme agricole, notamment pour la viticulture et ses 60 000 emplois à préserver.

Très touché par la crise du coronavirus avec la fermeture des bars et des restaurants, le vin, fleuron bordelais, a finalement lui aussi obtenu son plan d’aide qui prévoit des exonérations à 100 % des cotisations sociales et charges sociales patronales. L’annonce de l’ouverture d’une distillation de crise de vins excédentaires à un prix moyen de 70 euros par hectolitres concerne près de 700 000 hectolitres de vins en Gironde. « Nous allons aider cette filière des vins, champagnes et spiritueux, qui représente notre premier chiffre d’affaires à l’export », déclarait le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation en déplacement le 4 juin à Bordeaux. Dont acte pour les 13 000 exploitations néoaquitaines.


Le tourisme néoquaitain en souffrance

Dès les vacances de Pâques, l’annulation en cascade des événements festifs et culturels, les fermetures administratives et la limitation des déplacements ont plongé les entreprises du secteur du tourisme de Nouvelle-Aquitaine (9 % du PIB régional, 140 000 salariés dont 50 000 en Gironde) dans une crise sans précédent. « Entre 12 et 15 % des chiffres d’affaires n’a pas été réalisé au printemps. Les mois de mai et de juin représentent habituellement environ 35 % des chiffres d’affaires. Plus d’un tiers des résultats est déjà perdu. Pour réaliser au moins 30 ou 40 % des résultats 2019, il faudra compter sur une jolie arrière-saison. Un camping qui réalisera 40 % de son chiffre pourra déjà considérer cela comme excellent », avance Didier Arino, directeur général associé du cabinet de conseil Protourisme, particulièrement inquiet pour « le tissu de petites entreprises qui risque tout simplement de disparaître ».

La Région Nouvelle-Aquitaine avance une chute de 90 % des chiffres d’affaires dans l’hôtellerie pendant le confinement. Du fait de ce manque à gagner, 9 % des chefs d’entreprise du tourisme envisageraient une cessation d’activité, une part qui s’élèverait à plus de 20 % pour les restaurateurs de l’agglomération bordelaise selon Bordeaux Métropole. « Je crains que nous devions aller plus loin en effaçant certaines dettes notamment pour les secteurs du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration. Les mesures liées aux reports de charge ne suffiront pas si la trésorerie est inexistante comme c’est le cas pour deux entreprises sur trois », prévient pour sa part Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux-Gironde.

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