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Comment le Grand port de Bordeaux prépare son changement de cap
Enquête Bordeaux # Maritime

Comment le Grand port de Bordeaux prépare son changement de cap

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Touché, presque coulé, le port de Bordeaux a survécu à une année 2018 particulièrement difficile, le coup de grâce ayant été porté par le départ, pendant l'été, du leader mondial du transport de containers MSC. Il s'agit désormais de reconquérir la confiance des acteurs économiques locaux, toutes filières confondues, et de fédérer les 188 entreprises basées sur le septième port maritime français.

Parmi les premières actions stratégiques du Grand Port maritime de Bordeaux pour retrouver la croissance, on trouve la mise en place d'une plateforme de services poids lourds au port de Bassens, sur la rive droite de la Garonne. — Photo : © GPMB

« Alors qu’une mandature s’achève, le constat est amer : tant d’énergie dépensée pour voir la perte de l’escale du premier armateur au monde, l’échec du port du Verdon, la perte d’une place au rang des ports maritimes, un personnel désabusé… ». C’est finalement peut-être Nicole Pizzamiglia, présidente du Conseil de surveillance par intérim du Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB), qui aura eu les mots les plus incisifs. Une page sombre de la place portuaire bordelaise que l’ensemble des protagonistes publics et privés déclarent vouloir tourner. Autrement dit, arrêter l’érosion mortifère d’un trafic annuel passé de plus de 9 millions de tonnes en 2008 à 7,2 millions de tonnes dix ans plus tard. Et de consolider l’emploi : 5 000 emplois directs, 15 000 indirects.

Renouer des liens locaux

Quels sont donc les changements de cap qui permettront de dépasser les traumatismes et les déconvenues ? Le premier d’entre eux est venu en mars avec la nomination à la barre de l’infrastructure de Jean-Frédéric Laurent. Un nouveau capitaine auréolé de ses succès obtenus au port de Dunkerque et à la Réunion, où il a piloté l’installation du hub du géant du fret maritime CMA-CGM.

Pour l’heure, à Bordeaux, le nouveau président du directoire du GPMB porte davantage son regard sur l’arrière-pays que sur les cartes des routes maritimes lointaines. « Ici, à l’inverse de la Réunion où il s’est agi de repositionner le port au niveau des grands flux internationaux, nous devons plutôt retravailler la proximité avec les acteurs locaux », analyse-t-il. « Ce constat s’est fait en amont de mon arrivée : le port n’est plus connu comme il le devrait par les acteurs de son territoire, ou alors uniquement de manière négative. Il s’est progressivement éloigné des acteurs économiques, des élus, des collectivités territoriales. C’est donc le premier travail que nous devons entreprendre : renouer le lien de proximité entre le port et le territoire au sens large. Une proximité que l’on a par nature, avec sept terminaux, répartie sur les 100 kilomètres de l’estuaire de la Gironde, permettant de desservir des secteurs de nature très différents. » Un des moyens de redynamiser commercialement la place consisterait notamment « à ne pas arriver en ordre dispersé devant un industriel ou un logisticien, qu’il ait accès un dispositif qui lui répondre d’une seule voix. Cela suppose de recréer un sentiment de communauté portuaire. »

Être la voix des entreprises

La Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) Bordeaux-Gironde et l’Union Maritime et Portuaire de Bordeaux (UMPB) n’en demandaient pas moins, elles qui appellent de leurs vœux de « reconnecter le port de Bordeaux à son potentiel économique ». Un document cosigné énumère les écueils. « Au-delà de la baisse structurelle des trafics de rentes pétroliers et céréaliers (respectivement 53,4 % et 9,9 % des tonnages en 2018, NDLR), le GPMB a perdu des parts de marchés dans la plupart des secteurs et particulièrement dans celui, stratégique, du trafic des containers. En se déconnectant des filières d’excellence, le port a accru sa dépendance à l’égard des flux de rentes, il s’agit d’un élément de fragilité », rappelle sans détour Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde. Le redémarrage et l’avenir du site du Verdon, avant-port en eaux profondes spécialisé pour le transport des conteneurs, est un indéniable élément de réponse.

Pour l’UMPB, qui représente 110 des 188 entreprises présentes sur les sites du port de Bordeaux, l’urgence est au sauvetage du modèle mutualisé de la place portuaire : « Tous nos outils, tous nos services sont utilisés et financés collectivement. Si l’activité baisse, les bases de facturation diminuent et les coûts à la tonne ou au bateau augmentent. Sans le maintien de notre modèle économique mutualisé nous risquons de subir un cercle infernal de hausse des prix, de dégradation d’efficacité économique et d’aggravation de la baisse des volumes. Il faut sécuriser un niveau d’activité », lance ainsi Julien Bas, coprésident de l’UMPB, qui fait de la gouvernance du port l’autre sujet majeur du moment. Selon lui, les entreprises doivent intégrer les instances décisionnelles du GPMB, principalement le conseil de surveillance. « Nous avons subi des décisions néfastes ces dix dernières années. Nous aurions dû être associés, par exemple, à la gestion du dossier du Verdon et nous l’aurions éclairée », regrette l’intéressé.

Premières actions stratégiques

Dès à présent, les collectivités girondines et bordelaises (Région, Département, Métropole), signataires fin mai d’un contrat annuel de partenariats et de projets aux côtés du port de Bordeaux, annoncent la mise en œuvre de 17 actions structurantes. Création d’un terminal de croisière à Pauillac, mise en place d’une plateforme de services poids lourds à Bassens et d’une offre de services d’avitaillement de carburants alternatifs, développement d’un pôle naval, élaboration d’un schéma directeur d’aménagement foncier… Jean-Frédéric Laurent prévient : « Nous sommes à l’offensive, il faut rapidement obtenir des résultats ».

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