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Bernard Magrez : "Les besoins en innovation de la filière vin s'accélèrent"
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"Les besoins en innovation de la filière vin s'accélèrent"

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Propriétaire de 42 châteaux dans le monde, l’homme d’affaires en œnologie bordelais Bernard Magrez fondateur du groupe du même nom, a lancé fin 2020 un incubateur dédié aux start-up de la winetech. Il revient sur les besoins accrus en innovation d’une filière qui cherche se réinventer.

Bernard Magrez est à la tête du groupe du même nom et propriétaire de 42 châteaux dans le monde — Photo : Groupe Bernard Magrez

Vous êtes à l’origine de Start-up Win, un incubateur accueillant aujourd’hui 34 start-up spécialisées dans le milieu du vin. Quelles étaient vos motivations au départ ?

Nous avons une mission sociétale depuis une quinzaine d’années qui finance des organismes de médecine comme l’Institut Bergonié ou le milieu de l’art. L’incubateur va dans le même sens. Notre rôle, c’est de mettre à disposition de ces entreprises un local où elles peuvent travailler et de les aider en leur fournissant des contacts. Il est aussi incontestable que ça nous permet de consulter certaines sociétés qui ont des projets concernant notre activité. Nous nous attachons à leur service commercialement en leur demandant de travailler sur un sujet. Elles apportent des idées utiles pour l’avenir du vin dans sa gestion.

Vous êtes propriétaire de 42 châteaux dans le monde, comment avance l’innovation technologique dans la vigne en France par rapport aux autres pays ?

En Espagne et en Amérique du Sud, par exemple, ils avancent à la même vitesse que nous. C’est sûr que nous ne sommes pas les seuls dans le monde à travailler avec des gens pointus qui veulent faire avancer le sujet. La structure du vignoble en France est différente. À l’étranger, ce sont des entités bien plus importantes qui ont des marques et un budget substantiel. En Uruguay, par exemple, on trouve des vignobles de 150 à 200 hectares, les capacités à amortir des recherches ne sont pas de même dimension. Quelquefois, on part dans des missions techniquement délicates. La vie de la recherche fait qu’il n’y a pas toujours une rentabilité immédiate en face d’un investissement.

Vous réservez un budget important annuellement à la recherche et au développement de l’innovation dans vos vignobles. Observez-vous des tendances plus affirmées que d’autres ?

Nous travaillons depuis quatre ans avec des drones qui, avec des caméras de plus en plus efficaces, détectent des maladies en faisant des cartographies, ensuite implantées dans un tracteur électrique qui va gérer celles qui méritent un traitement ciblé à la parcelle. Depuis quelques mois, nous déployons un radar capable de visualiser des nuages ayant des chances d’apporter de la grêle. En fonction de la vitesse du vent, il évalue le moment où la perturbation risque d’éclater. Des ballons sont ensuite envoyés dans le ciel pour faire éclater le nuage afin de rendre les grêlons inoffensifs pour les feuilles ou les raisins.

Nous avons une équipe dédiée à la recherche et développement dont le moteur est à Pape Clément. Le budget est lourd, il dépend de la nature des équipements dont on a besoin pour satisfaire ces progrès pour le groupe, c’est de l’ordre de 400 000 ou 500 000 euros par an, quelquefois plus. Les tracteurs entièrement robotisés et très bien équipés coûtent environ ce prix-là. Nous avons des synergies entre les différents vignobles, c’est un avantage.

Le monde du vin s’ouvre-t-il davantage à l’innovation ?

Incontestablement. Il y a une génération de jeunes vignerons qui sont bien plus pointus, ne regardent pas dans le rétroviseur et cherchent des méthodes nouvelles. C’est aussi parce qu’on rencontre de plus en plus de difficultés. Les besoins en innovation s’accélèrent de ce fait, et tant mieux.

Vous avez annoncé en 2020 votre souhait de vous diversifier dans la bière artisanale, mais aussi dans les spiritueux. Où ces projets en sont-ils ?

Nous sommes un peu retardés à cause des problèmes d’équipements qui n’arrivent pas en temps voulu. On va tourner sur deux petites brasseries à Léognan. On sait très bien, par des études consommateurs, que la bière prend des parts de marché sur le vin blanc et le vin rouge. Ce n’est pas dans deux ou trois ans, quand les bières locales auront pris des parts de marché importantes, qu’il faudra se réveiller. Le choix local et artisanal est déjà important et il y a beaucoup d’idées.

Du côté des spiritueux, nous avons commencé sur le plan national dans la grande distribution avec un gin et une vodka. Les tests marchent bien. On regarde les marchés qui sont à la mode. Je suis allé très fort dans le porto il y a 30 ou 40 ans, je ne vais pas m’y raccrocher aujourd’hui parce que, bien que la France soit première consommatrice dans le monde, cet alcool se consomme moins. La tequila revient fort, on réfléchit à se lancer dedans.

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