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Bernard Farges (CIVB) : « Je suis confiant dans la capacité de rebond des vins de Bordeaux »
Interview Bordeaux # Culture

Bernard Farges président du centre interprofessionnel du vin de Bordeaux Bernard Farges (CIVB) : « Je suis confiant dans la capacité de rebond des vins de Bordeaux »

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Le vignoble bordelais traverse une période de turbulences, avec des ventes en recul et des menaces de nouvelles taxes sur le marché américain. Arrivé cet été à la tête du centre interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), le viticulteur Bernard Farges estime que les autres vignobles français risquent de connaître les mêmes difficultés.

Le viticulteur Bernard Farges a été élu cet été président du Centre interprofessionnel du vin de Bordeaux. — Photo : Anne Cesbron

Le Journal des Entreprises : Les ventes de vins de vrac, qui pèsent la moitié de la production du bordelais, ont chuté de 20 % depuis un an. Dans quel état d’esprit se trouve actuellement le vignoble, alors que vous venez de prendre la tête de l'interprofession ?

Bernard Farges : Le moral est variable selon l’exposition des entreprises sur le marché. Celles qui sont très orientées vers la Chine ou la grande distribution subissent de nets reculs et font face à de grosses incertitudes. Pour d’autres, c’est moins sensible.

Je crois malheureusement que Bordeaux est la première région viticole à rencontrer ces difficultés et que d’autres vont suivre. À part Cognac et la Provence, qui marchent merveilleusement bien, toutes les autres entrent en tension. Bordeaux est touché plus fort que les autres, parce que nous sommes les plus gros. Et ce n’est pas tant le vin qui souffre, que tout le modèle lié à la grande distribution. Nous y sommes massivement présents, essentiellement avec du rouge qui est la couleur que le consommateur a tendance à délaisser.

Que faire pour s’adapter à un marché instable à l’export, et en retrait en Europe ?

B. F. : Les mouvements brutaux du marché doivent conduire à nous adapter. Le mode de consommation en after work ou à l’apéro, l’engouement pour le rosé, le blanc ou le vin effervescent, sont des critères qui doivent nous orienter. Il n’y a pas de modèle unique qui guiderait un changement de pratiques. Il faut faire la démonstration que nos vins sont toujours aussi bons en qualité, qu’il y a des prix, et toujours des histoires originales derrière ce vin. Notre communication collective va mettre en avant un vignoble qui raconte des choses et donner aux commerciaux et aux cavistes l’envie de nous prescrire.

C’est-à-dire ?

B. F. : La campagne de communication que nous préparons pour fin janvier, à l’occasion de la Saint-Vincent, sera à la fois collective et individuelle, entreprise par entreprise. Pendant deux jours, nous aurons dans toute la France une présence massive des acteurs du bordelais dans des restaurants, chez des cavistes ou dans les hypermarchés. Nous voulons mettre les « gueules » de Bordeaux sur le marché, montrer le bon côté de ce que nous sommes et l’histoire originale que raconte chaque vin. Une approche collective qui mettra en avant la personnalité de chaque entreprise.

Au-delà de la communication, l’organisation de la filière doit-elle évoluer ?

B. F. : Il y a effectivement besoin de revoir nos organisations. Chacune des entreprises doit savoir où elle met les pieds, qu’elle travaille avec un négociant, la grande distribution ou un grossiste en restauration. Il faut chasser toutes les tentations de dumping pour rassurer les uns et les autres sur la stabilité des marchés. Un distributeur sera motivé pour nous vendre s’il gagne correctement sa vie.

« Arracher des pieds de vignes ? Je ne peux pas affirmer aujourd’hui que ça n’arrivera pas. »

Aujourd’hui, nous avons de nombreux acteurs dans la filière et chacun d’eux a un peu de mal à générer des marges suffisantes. Les yoyos de prix sont destructeurs de valeurs. Nous devons aussi apprendre à mieux piloter la filière. Nos amis champenois ont une connaissance très aboutie du marché en temps réel. Nous devons nous inspirer de leur modèle pour remonter plus rapidement les données de commercialisation et être plus réactifs.

En réponse à la saturation des stocks vécue cet été, faut-il prévoir des réductions des surfaces et l’arrachage de pieds de vigne ?

B. F. : Les volumes qui ne sont pas vendus se vendront plus tard, des solutions de stockages supplémentaires sont en train d’être trouvées. Arracher des pieds de vignes ? Je ne peux pas affirmer aujourd’hui que ça n’arrivera pas. Mais ce n’est pas une hypothèse sur la table à ce stade.

Pour ma part, je suis confiant dans notre capacité de rebond. S’amputer du potentiel de production, ne serait pas une solution pour l’avenir. Il est surtout urgent de tenter des choses à court terme, comme réamorcer les promos en grande distribution, avec des opérations coupon-réponse. L’argent collectif de notre organisation peut-être vraiment utile pour financer ce type d’action.

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