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Bardinet double son stockage pour augmenter sa production de 30 % d’ici 2030
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Bardinet double son stockage pour augmenter sa production de 30 % d’ici 2030

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À l’étroit dans ses locaux, à Blanquefort, le fabricant de spiritueux et boissons sans alcool Bardinet s’agrandit. Un préalable jugé nécessaire pour accroître sa production et étancher sa soif d’international. D’ici 5 ans, l’export doit représenter 50 % des volumes. L’entreprise muscle aussi sa branche gastronomie destinée aux professionnels.

Arnaud Lava, directeur technique de Bardinet — Photo : Caroline Ansart

Si le nom de Bardinet, associé aux alcools depuis 166 ans, demeure inconnu du grand public, quelques-unes de ses 45 marques de boissons suffisent à suggérer l’ampleur de la production et le poids de l’entreprise sur le marché, principalement en moyenne gamme : rhum Old Nick, Negrita ou Dillon, whisky Sir Edward’s et Glen Moray, Canadou, jus Caraïbos, vins Longchamps, Lamothe Perroquet… C’est aussi le premier producteur français de brandy (15 millions de bouteilles l’an dernier) et d’apéritifs sans alcool (Mister Cocktail, Palermo, D’Artigny…). En 2022, l’entreprise dont le siège, la production et le stockage sont à Blanquefort (Gironde), a généré un chiffre d’affaires total de 224 millions d’euros, notamment grâce à ses 70,5 millions de bouteilles expédiées en France et dans le monde. "Dans quatre ou cinq ans, ce sera 100 millions de bouteilles" assure Arnaud Lava, directeur technique qui a ouvert les portes de ses locaux habitués à la discrétion.

Place à l’export

Les 4,5 hectares de bâtiments dans lesquels œuvre l’essentiel des 245 collaborateurs sur les 15,5 hectares du site ne suffisent plus à répondre aux ambitions de Bardinet. Dans les prochains mois débutera la construction d’un nouveau centre logistique à quelques centaines de mètres sur un terrain de 4 hectares vendu par Bordeaux Métropole. Après plusieurs années de mise au point, y compris avec les autorités administratives pour ce site classé Seveso - l’un des 157 de la région - il doublera la capacité de stockage de l’entreprise.

"Il nous fallait franchir un cap en termes de capacité de développement. Nous ambitionnons d’augmenter la production de 30 %. Chaque année, nous investissons 3 à 4 millions d’euros sur le site, en machines, process, R & D. Là, il devenait crucial de nous doter d’un nouvel entrepôt. Nous avons plus de 3 000 références de produits finis, la logistique fait partie intégrante de nos enjeux ; aujourd’hui nous sommes saturés, asphyxiés." Ce futur bâtiment ultramoderne de 10 300 m2, prévu pour être opérationnel courant 2025, sera entièrement automatisé. Il générera d’emblée 10 emplois directs. "À terme, nous projetons une cinquantaine de postes à tous les niveaux, sans compter les sous-traitants et les fournisseurs", estime Arnaud Lava. L’entrepôt abritera jusqu’à 10 000 palettes dévolues au marché français. De quoi libérer l’espace pour les marchandises destinées à l’export, en flux tendus, très variées et donc gourmandes en surface.

Jouer la polyvalence

"La partie France va moins se développer, c’est une constante, à l’inverse de l’international", considère Arnaud Lava. En 2022, l’export représente 37 % des volumes. Objectif affiché : qu’il atteigne 50 % dans moins de cinq ans, et davantage encore à terme. "Nous avons beaucoup investi ces dix dernières années pour alimenter plus de 140 pays, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie… L’international est un grand terrain de jeu, c’est là qu’il y a le plus de parts de marché à prendre, notamment en Amérique du Nord. C’est l’un des principaux marchés et nous n’y sommes pas suffisamment présents."

Grand terrain de jeu, mais terrain de jeu complexe. "La demande est très personnalisée et nécessite beaucoup de souplesse. Notre stratégie est de nous adapter, nous avons les outils pour nous le permettre." Bardinet a cela de particulier au sein du groupe La Martiniquaise (basée en région parisienne, avec 1,32 Md€ de CA en 2022 pour 3 400 salariés, qui a fait de Bardinet une de ses filiales dans les années 1990 ; chaque filiale fonctionnant de manière indépendante) que le site est très polyvalent. "Chaque marché exige des produits très différents, avec des savoir-faire différents. Il faut garantir la même performance pour une série de 10 000 bouteilles, comme une de 2 000."

Ce jour-là sur une des lignes de production, ce sont des bouteilles de planteur Old Nick qui défilent à toute allure ; jusqu’à 12 000 bouteilles à l’heure.

Côté nouveautés, "nous travaillons déjà sur les produits qui sortiront dans quatre ans. Nous avons une trentaine de personnes qui phosphorent", sourit le directeur technique. Parmi les prochains, certains seront sans alcool, un secteur en plein boom dans le pays comme ailleurs. "Nous sommes numéro 1 des apéritifs sans alcool en France, nous allons nous développer davantage mais nous ne pouvons pas encore en parler."

Doubler le marché de niche de la gastronomie

En parallèle de son cœur de métier, Bardinet nourrit depuis 25 ans une branche gastronomie destinée aux professionnels : alcools dénaturés, jus de fruits, arômes. Ses clients : des charcutiers traiteurs, des pâtissiers industriels, des petites et grosses enseignes nationales, des marques distributeurs. Il y a quinze ans, elle a mis un premier coup d’accélérateur. Aujourd’hui, elle franchit une nouvelle étape en augmentant d’un tiers sa surface de production (l’agrandissement du bâtiment s’achève, ajoutant 1 100 m2) pour doubler la capacité de production. "C’est une activité de niche dans laquelle nous sommes leaders en France. Nous développons des recettes sur-mesure via notre R & D, notamment pour des bases aromatiques et des alcools dénaturés." La branche représente 10 % des volumes aujourd’hui mais davantage en chiffre d’affaires. "C’est une activité à plus forte valeur ajoutée", confirme Arnaud Lava.

166 ans d'histoire, l'indépendance pour ADN

Bardinet a été fondé en 1857 par Paul Bardinet, à l'époque liquoriste à Limoges. Le jeune producteur de spiritueux, fasciné par le potentiel de la distillation du jus de canne à sucre, consacre des années à mettre au point son futur produit phare : le rhum Negrita. Son fils Édouard prend la relève en 1895. Il quitte Limoges pour Bordeaux et construit de vastes chais, quai des Chartrons. Il y développe de nouveaux produits à succès : des cocktails, sirops de canne et punchs aux fruits. En 1975, Bardinet déménage de Bordeaux pour son site actuel à Blanquefort et ne tarde pas à élargir son activité - jusqu'alors concentrée autour du rhum - au whisky. En 1993, Bardinet rejoint le groupe familial La Martiniquaise, plus jeune (créé en 1934) et plus petit que Bardinet à l'époque. Aujourd'hui, le groupe, toujours indépendant, s'affiche comme le numéro 7 mondial des spiritueux, dans le top 5 en scotch whisky, 1er producteur de rhum agricole, de Porto de Madère, de Calvados et de Crème de Cassis.

À l'instar de chaque filiale, Bardinet conserve son indépendance de fonctionnement. Elle est la seule à fabriquer ses marques et gère aussi sa matière première. " La stratégie générale s'appuie sur la maîtrise de la chaîne de valeur, explique Arnaud Lava, le directeur technique de Bardinet. Nous ne sommes pas que négociants, nous sommes aussi producteurs. " Depuis les champs jusqu'aux cartons de bouteilles.

Bardinet partage son PDG Jean-Pierre Cayard avec sa maison mère, toujours détenue par la famille Cayard. Comme elle, Bardinet défend fermement une " vision patrimoniale " de l'entreprise. " Cela fait partie de l'ADN du groupe. Contrairement à d'autres, nous n'avons pas pour objectif d'enrichir des actionnaires mais uniquement de faire grandir l'entreprise. " Le système décisionnaire se veut agile, " avec un esprit de PME : peu de niveaux hiérarchiques, des circuits plutôt courts pour rester réactifs et pragmatiques ".

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