Récréa : « La crise du coronavirus est un accélérateur du télétravail »
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Gilles Sergent président de Récréa Récréa : « La crise du coronavirus est un accélérateur du télétravail »

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Président de Récréa, leader français de la gestion de piscines et centres aquatiques, Gilles Sergent souligne la révolution accélérée du télétravail au cours de la période de confinement, et pointe plusieurs avantages à en retirer notamment en matière de réduction des déplacements.

— Photo : DR

Qu’est-ce que la crise a changé en matière d’organisation des entreprises ?

Gilles Sergent : L’utilisation du télétravail est le premier sujet qui vient à l’esprit. L’utilisation d’outils numériques pour organiser des réunions a été un élément majeur pour les entreprises. Chez Récréa, 95 % des salariés sont en chômage technique sur 1 900 salariés. Nous en avons donc une centaine en télétravail, entre le siège et les managers, auprès desquels nous avons réalisé une enquête et qui montre que globalement nos outils ont rapidement bien fonctionné. L’enquête a révélé qu’un tiers avait trouvé leur travail moins efficace avec le télétravail, un autre tiers que c’était plus efficace, et enfin un dernier tiers ni plus ni moins efficace. Très majoritairement il y a eu des contacts réguliers entre managers et collaborateurs et entre managers, avec des outils comme Teams, Facebook ou encore par SMS, car il est important d’entretenir le réseau dans une entreprise.

Quelle place pour le télétravail après le confinement ?

G.S : Chez nous, 78 % des sondés pensent que c’est une bonne idée de télétravailler au moins deux jours par semaine. C’est quelque chose que nous avons intégré à notre mode de fonctionnement. Les managers se sont rendu compte qu’il est possible de mixer télétravail et présentiel, car il y a toujours un besoin de contacts dans la vraie vie, et il se passe des choses à la machine à café. Cela fait partie du ciment de l’entreprise. Nous sommes donc partis sur cette idée de deux jours par semaine en télétravail et trois en présentiel, mais en s’adaptant aux situations de chacun. C’est quelque chose que nous n’aurions pas pu imaginer il y a deux mois ! Par contre, il va falloir que notre droit du travail s’adapte à cette nouvelle réalité dans laquelle une partie importante des salariés n’est pas sur le terrain, car jusqu’ici il est basé sur un contrôle.

« Il y a toujours besoin de vrais contacts dans l’entreprise »

Quels autres changements induit le télétravail ?

G.S : Pour nous, c’est notamment la possibilité de mener nos réunions avec les collectivités par visioconférences. Cela doit permettre d’éviter de faire trop de déplacements, et souvent juste pour une réunion de quelques heures. C’est d’abord une perte de temps importante et c’est aussi néfaste pour la planète au niveau du bilan carbone. Je peux espérer que demain une réunion sur deux se tienne à distance avec les collectivités car avec une bonne connexion on peut faire des réunions efficaces et de qualité. Et là, on tient un véritable accélérateur vert ! Une plus grande écoute de l’autre est un autre élément qui ressort de cette pratique du télétravail. Comme on ne peut pas parler tous ensemble, cela nous amène à mieux respecter le temps de parole des autres.

Mais pour que cela fonctionne bien, il faut former les équipes à la pratique du télétravail et à la prise de parole dans ces conditions. Il faut souligner la capacité d’adaptation des Français et des entreprises dans cette situation inattendue. Tout ce volet formation, important chez Récréa en présentiel jusqu’ici, représentait beaucoup de déplacements pour une entreprise comme là notre avec 95 établissements en gestion. Nous sommes convaincus que demain une partie significative de ces formations pourra être effectuée avec des schémas différents. Pour cela, nous avons prévu un portail de formation avec des outils tutoriels. C’est intéressant aussi en termes de réduction des coûts, avec moins d’hôtels à payer, moins de déplacements à effectuer, et un bel enjeu pour la planète. C’est une mutation que l’on sentait arriver mais qui vient de prendre un sacré coup d’accélérateur !

Quelles leçons tirer de la gestion française de cette crise ?

G.S : À nouveau, on s’est rendu compte de l’hyper centralisation de la France. C’est une organisation désuète ! Si je compare avec l’efficacité de l’Allemagne dans la gestion de crise, cela est notamment dû au fait que les régions sont beaucoup plus présentes qu’en France. C’est la même chose pour les écoles ou les directeurs se chargent de l’organisation dans leur établissement. Ce qui est important, c’est de donner plus de pouvoirs aux hôpitaux, pas à l’ARS (Agence régionale de santé, NDLR), plus de pouvoirs aux directeurs d’école. C’est une des grandes leçons de cette crise, redonner du sens et ne pas laisser en place une telle centralisation de l’organisation. Autre leçon, la relocalisation des activités essentielles en France et en Europe, car la difficulté aujourd’hui est que la Chine produit pour le monde entier ! Organiser les productions plus près de nous ça a du sens. Pour cela, il faut penser Europe et proximité, en travaillant notamment avec le Maghreb. Des éléments stratégiques comme ceux qui touchent à la santé doivent être relocalisés en France, et plus généralement en Europe et en Méditerranée. Dans le même ordre d’idée, produire local et valoriser les circuits courts et un autre enseignement de cette crise. Pour ma part, j’appelle de mes vœux la mise en place d’une vraie halle gourmande dédiée aux produits locaux au cœur de Caen. La aussi ce serait une démarche vertueuse en matière d’émission de CO2.

« L’hyper centralisation de la France est une organisation désuète »

Comment percevez-vous la reprise de l’activité en France ?

G.S : Nous allons vivre une période très compliquée, et je suis atterré de constater que l’activité reprend très doucement. Si les entreprises ne tournent pas, c’est l’économie qui s’effondre, car les entreprises créées le PIB et permettent de faire fonctionner tous les services publics dans leur globalité ! On est spécialistes du « Ou » en France, pas du « Et », mais ce n’est pas le sanitaire ou l’économie, il faut que ce soit le sanitaire et la reprise économique. Ce qu’il faut pour demain, c’est arriver à se projeter avec une organisation qui aura plus de souplesse, et profitera à l’entreprise comme au salarié. C’est ce que doivent porter les partenaires sociaux et les entreprises. J’espère que le monde de demain sera vraiment différent.

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