L’activité du secteur aéronautique semble retrouver des couleurs depuis la fin 2021. Quelles sont les perspectives à attendre dans la filière ?
Effectivement, la situation s’est améliorée. L’activité repart notamment avec les nombreux contrats signés par Airbus au salon de Dubaï en novembre. Airbus monte ainsi en cadence et donne des perspectives aux entreprises sous-traitantes. Du coup, celles-ci recrutent à nouveau, mais elles rencontrent des difficultés dans leurs recrutements. En effet, la crise a amené un changement dans les mentalités, avec plus d’exigences des candidats par rapport au télétravail, ou encore en matière d’avantages.
La filière aéronautique a également dû faire face à un "avion bashing" (dénigrement de l'avion, NDLR) important depuis plusieurs années, et qui a laissé des traces. On a ainsi pu voir des ingénieurs quitter la filière, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. De plus, les jeunes candidats ont été très réceptifs aux arguments des anti-avions. Normandie AeroEspace s’est saisi de ce sujet et travaille à mettre en avant le souci de l’environnement et du développement durable des membres de la filière. Cela passe par l’amélioration des outils de travail, une moindre consommation et le développement de la RSE (responsabilité sociale des entreprises, NDLR). Nous voulons que nos membres communiquent sur tous ces sujets, afin de se donner les moyens d’attirer les candidats. Il est aujourd’hui primordial pour les entreprises de communiquer sur les mesures sanitaires prises dans la filière et sur les démarches environnementales mises en œuvre.
Tous les domaines de l’aéronautique profitent-ils de ce redémarrage ?
Si Airbus a fait carton plein au salon de Dubaï, c’est essentiellement au niveau des avions monocouloirs (de type Airbus A320 ou A320 Neo), dont une grosse commande d’une centaine d’avions pour Air France-KLM sur cette gamme en décembre. En revanche, le secteur des gros porteurs (type A350 ou Boeing 787, NDLR) est en souffrance, et plus généralement les vols long-courriers. Si les pays ne ferment pas leurs frontières, les déplacements sont plus compliqués à cause des contrôles sanitaires renforcés. Et cependant, l’avion n’est pas considéré à risque Covid car l’air est renouvelé très fréquemment à bord des avions, et les gestes barrières strictement respectés. Et je constate, me déplaçant régulièrement en avion, qu’il y a du monde dans les aéroports.
L’autre domaine d’activité qui ne bénéficie pas de cette reprise pour le moment, c’est celui des laboratoires d’études car les constructeurs n’ont pas relancé de nouvel avion, et l’avion du futur à hydrogène n’est pas attendu avant 2035.
Comment se portent les membres de NAE ?
Nous avons une centaine de PME dans la filière aéronautique et 60 % d’entre elles sont dans le vert, affichant un niveau d’activité correct. À l’inverse, 25 % sont considérées comme étant dans une zone de niveau orange, et 15 % en zone rouge. Tout dépend des choix stratégiques effectués par les entreprises. On peut cependant souligner que le plan de relance gouvernemental nous a donné une réelle bouffée d’oxygène, en accompagnant notamment la modernisation des entreprises en matière numérique. Au total, 34 de nos membres ont bénéficié des mesures du plan de relance.
Quelles sont les actions prioritaires mises en œuvre par NAE pour soutenir ses membres ?
Il y a deux points forts sur lesquels nous travaillons. D’abord la diversification, car nous avons constaté au cours de cette crise que les entreprises tournées à 100 % vers l’aéronautique sont celles qui ont le plus souffert, ainsi que celles uniquement orientées vers l’aéronautique et l’automobile. C’est pourquoi nous avons lancé l’action "Puissance 10", qui permet chaque mois à une trentaine de membres de se réunir pour partager leurs réseaux et accélérer leur diversification.
L’autre enjeu c’est la consolidation, qui est une demande très forte de la part des donneurs d’ordres. Consolider les entreprises pour assurer l’approvisionnement de la filière. Nous avons pléthore de petites sociétés en Normandie, d’où la nécessité de réfléchir aux moyens de leur permettre de faire de la croissance externe, ou encore d’intégrer des groupes.