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« Les femmes gagnent leur place par leurs compétences »
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Elise Hauters Elise Hauters « Les femmes gagnent leur place par leurs compétences »

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Co-gérante de l’entreprise CPM Industries, spécialisée dans la chaudronnerie fine à Saint-Romain de Colbosc (Seine-Maritime), Elise Hauters a repris l’entreprise familiale à contre-courant de sa vocation littéraire. Elle promeut à présent l’entrepreneuriat au féminin au sein de son entreprise et dans les réseaux.

— Photo : Sébastien Colle

Votre arrivée à la tête de l’entreprise familiale, aux cotés de votre frère Benoit Panchout en 2013, était-elle une évidence dans votre parcours personnel ?

E.H : Non pas du tout, car j’avais une fibre littéraire qui me poussait vers le journalisme musical, après un Deug de musicologie à la Sorbonne et une licence en anglais aux USA en 1999. C’est en rentrant en France en 2000 que mon père (Jean-Marie Panchout, NDLR) m’a demandé de l’aide dans l’entreprise à mi-temps pour effectuer des tâches administratives. C’était une période de croissance et il souhaitait se recentrer sur la gestion de son atelier. Pour moi, cela ne devait être qu’un job d’étudiante, ce n’était pas mon projet professionnel.

Pourquoi avoir choisi de poursuivre l’aventure entrepreneuriale familiale ?

E.H : Mon père a commencé à me donner plus de responsabilités dans le domaine de la gestion de la trésorerie, des achats, des relations avec les clients. Il m’a également expliqué qu’il serait difficile pour mon frère (meilleur ouvrier de France en chaudronnerie en 2005, NDLR), essentiellement technicien, de gérer seul l’entreprise et qu’à deux nous serions complémentaires. Et puis, l’entrepreneuriat féminin coule dans les veines de ma famille. Ma grand-mère dirigeait la société de recyclage Unifer au Havre, reprise ensuite par ma tante Marie-Paul Muller, avant de la transmettre à Samuel Lebain. Ma tante a développé son entreprise pendant trente ans ! Elle est mon modèle d’entrepreneuriat au féminin.

Quel a été le déclic ?

E.H : Ma question était de savoir si j’arriverais à être légitime, surtout dans une activité très masculine. De plus, au premier abord, mon apparence frêle peut me desservir. C’est pourquoi j’ai besoin de prouver mes capacités. Le déclic est venu de ma tante qui m’a convaincu que je gagnerais ma place par ma compétence. J’ai réorienté mes études en 2001 vers un BTS conception des produits industriels au Havre en alternance pour rester dans l’entreprise, puis j’ai passé une licence de commerce et de vente afin d’être efficace en matière technique comme commerciale.

Comment s’est déroulée votre parcours dans l’entreprise ?

E.H : J’ai intégré l’entreprise comme DAF en 2004 puis mon père m’a nommé directrice générale en 2006. Au départ à la retraite de mon père, nous avons créé avec mon frère une holding (Resnovae, NDLR) et nous sommes associés à 50/50, lui pour les fonctions d’ingénierie et à l’atelier et moi sur les fonctions support. Notre action a été de réorienter l’entreprise d’une activité de sous-traitance vers la conception et réalisation d’outils spécifiques, avec la création d’un bureau d’études dès 2008. Notre volonté était de monter en gamme et de proposer un double service à nos clients de l’ingénierie à la fabrication.

La féminisation des métiers techniques comme ceux de votre entreprise reste difficile. Comment intéresser les femmes à des métiers a priori peu féminin ?

E.H : Nous essayons d’accueillir le plus possible des stagiaires filles. Le stage est une étape importante qui permet de repérer de futurs salariés. Récemment, nous avons reçu une stagiaire très impliquée qui a été très vite opérationnelle et je l’ai recruté en contrat d’apprentissage. Du coup, nous allons aménager un vestiaire spécifique pour elle. C’est la première fois que nous arrivons à intégrer une femme dans notre équipe technique. Je souhaite ouvrir aux femmes ces métiers en leur montrant que c’est possible, mais je ne suis pas pour la discrimination positive. La femme doit montrer qu’elle gagne sa place grâce à ses compétences. Nous espérons que notre nouvelle recrue à l’atelier ne sera pas la dernière, c’est pourquoi nous sommes positionnés auprès des lycées professionnels comme une entreprise accessible aux filles.

Votre engagement ne s’arrête pas là, puisque vous avez récemment adhéré à l’association Femmes & challenges…

E.H : Léa Lassarat, fondatrice de l’association (présidente de la CCI Seine Estuaire, NDLR) m’a contacté pour m’expliquer l’idée d’un réseau de l’entrepreneuriat au féminin. J’ai d’abord été hésitante, me méfiant d’une démarche féministe dans laquelle je ne me serais pas reconnu, mais Léa m’a rassuré en m’expliquant ne pas vouloir un réseau de femmes mais pour les femmes. Et c’est cela qui m’a décidé et m’a amené à devenir membre fondateur. Mais pour moi, c’est un réseau qui doit aller vers la mixité et intégrer des hommes, notamment en matière de partage d’expérience. Car la mixité apporte beaucoup, elle permet de supprimer le rapport d’ego et de favoriser le collaboratif.

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