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Le site historique de Renault Cléon roule pour l'électrique
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Le site historique de Renault Cléon roule pour l'électrique

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Pionnier du moteur électrique depuis 2015 avec le moteur de la Zoé, le site Renault Cléon, près de Rouen, poursuit l’électrification de la gamme grâce à un investissement de plus de 600 millions d’euros. L'usine normande développera et produira un moteur électrique automobile de nouvelle génération dans le cadre d'un partenariat entre Renault et Valeo.

Renault a investi 620 millions d’euros, pour transformer le site historique du groupe automobile, pour la production de moteurs et boîtes de vitesses, en pôle d’expertise mécanique de la mobilité électrique — Photo : Renault

Thomas Denis, directeur du site Renault Cléon, en Seine-Maritime, depuis le printemps 2021, est enthousiaste : "Nous sommes en pleine mutation". De fait, depuis 2015 et le moteur de la Zoé, c’est ce site de Cléon que le groupe automobile français Renault (170 000 salariés, 43 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020) a choisi pour électrifier sa gamme de moteurs. Le plan d’investissement de 620 millions d’euros enclenché en 2018 a concrétisé l’ambition du groupe : transformer le site historique de production de moteurs et boîtes de vitesses, inauguré en 1958, "en pôle d’expertise mécanique de la mobilité électrique".

Employant 3 880 salariés, l’usine normande a produit, en 2021, 360 000 moteurs thermiques et 133 000 moteurs électriques. Depuis leur lancement en 2015, elle a fabriqué 500 000 moteurs électriques. Mais elle n’a pas encore atteint sa pleine capacité de production, souligne le directeur, "qui est de 240 000 moteurs électriques". Cléon se positionne ainsi comme l’unique site de production du groupe-motopropulseurs (composé notamment du moteur, de la transmission et de la batterie) électrique de Renault, expert en motorisation thermique pour le véhicule utilitaire (de type Trafic et Master) et contributeur à l’industrialisation du moteur hybride E-Tech.

Deux moteurs électriques en plus en 2022

Si le site continue de produire des équipements thermiques, les cadences diminuent. Renault Cléon fabrique toujours des boîtes de vitesses des Renault Trafic et Master. Mais la production de moteurs thermiques a baissé de 60 % en quatre ans, passant de 890 000 unités en 2017 à 360 000 unités en 2021. Et cette baisse va se poursuivre, avec l’arrêt en ce mois d’avril du moteur diesel R9.

En Normandie, l’électrique est devenu l’axe de développement principal de Renault. En plus du moteur de la Zoé qu’il fabrique depuis sept ans, le groupe prépare le lancement du moteur de la future Megane électrique en mars et a hérité du moteur de la future Renault 5 électrique, dont la commercialisation est annoncée pour 2023. En janvier, le directeur général du groupe Renault, Luca de Meo, a également annoncé l’attribution du moteur 100 % électrique du futur SUV Alpine au site de Cléon. Un moteur qui devrait être "25 % plus léger et 25 % plus puissant, tout en étant plus compact", explique Thomas Denis.

Enfin, le site normand prend une place importante sur la motorisation hybride puisqu’il produit l’e-motor des Clio, Megane, Captur et Arkana depuis 2021. "On sent que le marché de l’hybride se cherche encore, le prix des voitures étant encore un peu élevé. Cependant, on voit monter en puissance les ventes de modèles hybrides simples", explique Thomas Denis. L’usine devrait ainsi produire 180 000 moteurs hybrides en 2022. "Et nous espérons saturer nos capacités en 2023 (360 000 moteurs par an, NDLR)", avance le directeur. Pour faire face à cette croissance, le groupe Renault consacre la moitié de son investissement de 620 millions à la fabrication des motorisations hybrides.

Un moteur nouvelle génération en partenariat avec Valeo

L’ambition du groupe Renault de décarboner sa gamme de véhicules s’est encore renforcée avec l’annonce de son partenariat avec les équipementiers Valeo et Valeo Siemens eAutomotive pour développer et produire "le moteur électrique automobile de nouvelle génération", qui promet "d’éliminer les terres rares (utilisées dans la fabrication d’aimants permanents pour moteurs électriques, NDLR)". Pour mener à bien ce projet et produire les pièces maîtresses du nouveau moteur (le rotor et le stator), les partenaires ont choisi le site de Cléon. "Ce partenariat est une nouvelle démonstration de notre capacité à être à l’avant-garde de la révolution électrique et à ancrer en France la nouvelle chaîne de valeur automobile", soutient Luca de Meo, directeur général du groupe Renault. Objectif : fabriquer un moteur plus puissant, mais consommant moins d’énergie et dont la fabrication ne nécessite pas le recours aux terres rares. Ce moteur de nouvelle génération doit voir le jour en 2027.

Des enjeux en matière d’emploi et de formation

Faut-il s’inquiéter de cette mutation profonde de l’usine Renault normande, marquée certes par le gain de nouveaux marchés, mais qui pourrait être secouée par le déclin de ses activités historiques ? Entre les difficultés conjoncturelles et la révolution vers la motorisation électrique, la filière automobile française pourrait perdre jusqu’à 100 000 emplois d’ici à 2030, estime la Plateforme filière automobile (PFA), association professionnelle qui rassemble la filière en France. La menace est bien réelle selon Carlos Tavares, le patron de Stellantis, interrogé par nos confrères des Échos : "Sans transition progressive, les conséquences sociales seront majeures. Mais nous ne sommes pas seuls. Nous avons tout un écosystème de sous-traitants autour de nous. Il va falloir qu’ils bougent aussi rapidement que nous. C’est la brutalité du changement qui crée le risque social".

"Notre atout, c’est la verticalisation des process, de la fonderie jusqu’à l’assemblage"

À Cléon pourtant, la direction assure que la perte d’emplois n’est pas à l’ordre du jour. "Il y a moins de composants dans un moteur électrique que dans un moteur thermique globalement, mais pas à Cléon. Pour un moteur thermique, nous avons besoin de 50 salariés pour en fabriquer 1 000, alors que pour le moteur électrique de la Zoé il nous en faut 60, car le taux d’intégration est plus important". En effet, pour le moteur de la Zoé, tous les carters et les pignons sont usinés à Cléon : "Ce qui nous donne environ la même proportion d’emplois pour le moteur électrique que pour le moteur thermique. Notre atout, c’est la verticalisation des process, de la fonderie jusqu’à l’assemblage", explique Thomas Denis.

Digitalisation de la fabrication

Si le moteur hybride permet de faire la transition entre les moteurs thermiques et électriques, Renault a dû adapter plusieurs de ses métiers pour aller vers l’électrique, comme la pignonnerie (pignons de boîte de vitesses) et les métiers d’usinage : "Il nous faut reconvertir la population d’usineurs aux métiers de l’électrique. Mais ce n’est pas difficile car ils ont déjà la culture de la conformité et de la ligne de production. Nous travaillons à synthétiser toutes nos connaissances acquises depuis 2015 pour former les usineurs", précise le directeur de Cléon.

Le site normand s’est également engagé dans la digitalisation de sa fabrication, avec la mise en place d’outils digitaux sur les lignes de fabrication (thermique comme électrique), pour assister les opérateurs dès la prise de poste (check sécurité, qualité, approvisionnement) mais aussi en cours de production pour alerter en cas de non-conformité. Un travail en collaboration avec des écoles, telles que l’INSA de Rouen et les Mines de Paris, a aussi été entrepris pour utiliser la big data "afin de suivre nos paramètres process et renforcer la qualité de nos produits". Au final, au jeu de la stratégie européenne de décarbonation du secteur automobile, Renault Cléon devenu "pôle d’expertise mécanique de la mobilité électrique" semble avoir tous les atouts pour figurer parmi les sites gagnants de la révolution électrique.

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