La recette des chocolatiers normands pour conquérir l'Asie
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La recette des chocolatiers normands pour conquérir l'Asie

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Les maîtres chocolatiers normands font preuve d’inventivité et d’innovation pour proposer des chocolats haut de gamme, dédiés au plaisir de la dégustation. C'est ce qui leur permet de gagner des parts de marché à l’export, notamment en Asie et au Moyen-Orient.

Les Chevaliers d'Argouges renouvellent 20 % de leur gamme chaque année — Photo : © Chevaliers d'Argouges

Si la Normandie est une région aux multiples saveurs et spécialités reconnues largement au-delà de ses frontières, telles que le cidre, l’andouille de Vire, le calvados, la teurgoule, ou encore ses multiples fromages (camembert, Neufchâtel, Pont-L’Evêque…) et produits d’Isigny, elle fleure également bon le chocolat. On peut même parler d’un véritable savoir-faire local si l’on en juge par les nombreux chocolatiers installés sur le territoire. Une profession qui se transmet souvent de père en fils depuis plusieurs générations, comme chez les Chevaliers d’Argouges à Moyon (Manche), les maîtres chocolatiers Yver à Granville (Manche), la Manufacture Cluizel à Damville (Eure), Dupont avec un Thé (Calvados) ou la chocolaterie de Tinchebray (Orne)…

Les recettes d’un chocolat haut de gamme et plaisir

Le chocolat du 21e siècle a bien changé. De la simple tablette pratique, on est passé à des produits plus sophistiqués. Les maîtres chocolatiers misent sur le haut de gamme et travaillent sans relâche sur des produits innovants. « Il y a chocolat et chocolat », reconnaît Marc Cluizel, 3e génération à la tête de la Manufacture qui a fêté ses 70 ans en 2018. Une entreprise familiale qui fabrique 1 400 tonnes de chocolat, et transforme 300 tonnes de fèves de cacao chaque année. « Nous misons avant tout sur la qualité. Je vais moi-même sélectionner mes fèves de cacao chez les planteurs, au Brésil. 100 % des produits que nous réalisons sont issus de matières premières. Aucun arôme artificiel n’est ajouté. C’est indispensable pour faire du chocolat haut de gamme », indique le dirigeant qui ajoute : « Le haut de gamme n’est pas une stratégie commerciale. C’est dans la nature même de l’entreprise familiale. Nous avons été élevés ainsi : mangeons peu mais mangeons bien ! ». Egalement installé dans une démarche de qualité pour la confection de chocolats haut de gamme, Olivier Hautot, maître chocolatier à Fécamp et créateur de la licence de marque qui porte son nom avec 10 boutiques installées en Normandie, a notamment développé (et déposé un brevet) la capsule de chocolat, un bonbon aux courbes évocatrices d’une célèbre capsule de café : « On s’est inspiré de ce grand succès pour réaliser un chocolat au design premium et comme pour le café, proposer une déclinaison de grands crus de cacao. Avec ce produit, il y a une alchimie. Il y a toujours quelque chose à créer, en termes de goût et de design. Le chocolat, c’est no limit ».

Les saveurs de l’export

Photo : © Cluizel

Présente dans 50 pays dans le monde avec 4 500 revendeurs, l’entreprise Cluizel emploie près de 300 collaborateurs et affiche 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 30 % à l’export. Un chiffre que Marc Cluizel souhaite développer : « Pour pouvoir continuer à fabriquer en France et rester innovant, il faut assurer un certain volume d’activité et les marchés à l’export nous permettent de tenir la cadence. De plus, ils sont riches en termes de rencontres, de culture et d’évolution du goût. » L’entreprise a ouvert des boutiques en propre aux États-Unis, plus une unité de fabrication à West Berlin au sud de New-York. « Nous venons d’ouvrir également un bureau à Taïwan et de recruter un commercial sur place. » Marc Cluizel se déplace en personne au Japon à chaque Saint-Valentin : « Les Asiatiques sont très friands de chocolat, mais il n’est pas toujours facile de s’y installer car la réglementation est très stricte. »

Les Chevaliers d’Argouges (CA : 13,50 M€ dont 3 % à l’export) cherchent également à se développer vers l’Asie : « Au Japon, pour la première fois, nous allons proposer nos produits dans les chaînes de grands magasins par le biais d’un importateur. Nous allons capitaliser sur cette opportunité pour essayer d’implanter notre marque de manière durable sur ce pays », confirme Morgan Lerogeron, chargée du webmarketing et de la communication. L’entreprise, qui emploie 120 à 150 salariés selon la saison, mise également sur le haut de gamme et l’innovation : « Depuis 25 ans, 20 % de la gamme est renouvelée chaque année. Un taux exceptionnel atteint grâce à une mobilisation permanente de toute l’entreprise autour d’une équipe R & D qui se réunit chaque semaine. Mais contrairement à la manufacture Cluizel qui revendique haut et fort être « l’une des dernières entreprises familiales à rester indépendant sans passer par la grande distribution », les Chevaliers d’Argouges s’appuient sur le marché de la grande distribution en mettant en avant son savoir-faire artisanal. « En quatre ans, nous avons touché les grandes surfaces normandes mais aussi d’Ile-de-France et de Bretagne », confirme Morgan Lerogeron.

« Avec le chocolat, il y a toujours quelque chose à créer, en termes de goût et de design. Le chocolat c’est no limit ». Olivier Hautot, gérant des chocolats Hautot

Olivier Hautot, chocolatier à Fécamp — Photo : © Olivier Hautot

Devenue véritable terre de chocolat, l’Asie ou l'on offre de plus en plus de chocolats en cadeau, offre de belles perspectives dans un marché du chocolat très dynamique, selon le dernier rapport de Technavio, et qui devrait atteindre 8,51 millions de tonnes (Mt) en 2022 contre 4,5 Mt actuellement. Une demande qui serait essentiellement portée par une consommation de chocolat de haut de gamme particulièrement durant les périodes festives. Un marché asiatique également porteur pour les chocolats Hautot qui fabriquent et transforment 50 tonnes de chocolat par an et dont 10 % partent à l’export, notamment au Japon, explique Olivier Hautot : « Il y a une période faste au Japon avec la Journée blanche ou Saint Valentin, un événement au cours duquel s’écoulent 80 % du chocolat vendu chaque année ». L’export, un domaine qui intéresse vivement le dirigeant des chocolats Hautot, porté notamment par sa capsule de chocolat : « La capsule a immédiatement intéressé à l’export pour son côté premium, des pays comme le Qatar et l’Arabie Saoudite ou l’on offre des chocolats lors des mariages notamment. Le développement à l’export est quelque chose de passionnant, il permet de capter de nouveaux marchés, mais aussi de découvrir d’autres cultures et usages de nos produits. Ainsi, si en Asie la demande se porte plus vers le chocolat noir et moins sucré avec des petits conditionnements, au Moyen-Orient, la demande est beaucoup plus importante en matière de produits sucrés et le conditionnement s’oriente vers de plus grand format ». Innovant, créatif et haut de gamme, le chocolat normand s’impose comme un savoureux vecteur du savoir-faire artisanal régional.

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