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La fabrication additive imprime sa marque en Normandie
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La fabrication additive imprime sa marque en Normandie

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Avec le lancement de la marque FAN (fabrication additive Normandie) et l'appui de deux plateformes technologiques, la Normandie se place comme une des régions motrice dans le domaine de la fabrication additive polymères et métallique. Une vingtaine d'industriels normands se sont déjà positionnés sur ce secteur porteur.

Dedienne Multiplasturgy Group est le premier industriel français à se doter d'une machine de frittage laser qui permet à l'entreprise de réaliser une production rapide et économique de pièces — Photo : F.C

L’impression 3D (tridimensionnelle), ou fabrication additive, est en passe de révolutionner le monde industriel. Considérée comme marginale il y a encore quelques années, elle entre aujourd’hui dans les marques normandes avec le lancement de FAN (Fabrication Additive Normandie) en avril.

C'est le cluster Normandie AeroEspace (NAE) qui va structurer cette filière fabrication additive dans la région, en partenariat avec CCI Normandie, Cosmetic Valley, NextMove, Normandie Énergies, Normandie Maritime, Pôle ATEN – CMA Normandie et Pôle Pharma. Avec FAN, il entend recenser et regrouper tous les acteurs normands présents sur la chaîne de valeur. Un nouveau point d’ancrage normand pour cette technologie, qui vient compléter celui d’Arkema, un centre mondial d’excellence pour la recherche 3D inauguré en 2019 (deux sites de production à Honfleur et Serquigny), et qui a été également renforcé en mars 2021 par la création de la plateforme Francofil, spécialisée dans la production de filaments techniques destinés à l’impression 3D.

Identifiée comme une technologie clé pour la compétitivité des industriels, la fabrication additive (technologie qui fonctionne par addition de couches successives de matière, par opposition à la fabrication soustractive, NDLR) affiche une croissance mondiale d’environ 20 % par an. La France se positionne, selon un rapport du cabinet d’étude SmarTech Analysis, 4e sur le marché mondial de la fabrication additive derrière l’Allemagne, les États-Unis, et la Chine. Et la Normandie entend prendre sa part du gâteau sur ce marché porteur.

MMB Volum-e, pionnier en Normandie

Actuellement, une vingtaine d’industriels faisant appel à la fabrication additive, tels que ArianeGroup (aéronautique), 6NAPSE (ingénierie), Cotral (protection auditive), Polytechs (plasturgie) ou encore Mallard SA (mécanique), sont recensés sur le territoire normand. De la conception du produit à la mise en œuvre et au contrôle du produit, en passant par l’élaboration de la matière : tous les segments de la chaîne de valeur sont aujourd’hui concernés par cette nouvelle technologie.

Il en est un, reconnu par les grands donneurs d’ordre de l’aéronautique comme "le" spécialiste de la fabrication additive plastique et métal, qui a cru dès 2015 en cette technologie. MMB Volum-e (55 salariés-6,6 M€ de CA en 2020), installé à Blangy-sur-Bresle (Seine-Maritime), possède ainsi l’un des plus grands parcs avec 31 machines pour la production industrielle en polymère et en métal. Fin 2019, la société a franchi un nouveau cap de son développement en visant le Grand Export, principalement sur le marché aéronautique, dans le domaine de la fabrication additive métallique. Son objectif : devenir sous-traitant de grands donneurs d’ordre cherchant à intégrer dans leur supply chain des acteurs qui fabriqueront sur le marché européen. "Nous voulons doubler à horizon 2022 la part de notre activité à l’export qui représente aujourd’hui 10 % de notre chiffre d’affaires", souligne Jean Segura, directeur commercial de Volum-e.

Comptant déjà à son actif une vingtaine d’alliages métal qualifiés, MMB Volum-e a mis à profit la période de bouleversement générée par la crise du Covid-19 pour accélérer ses travaux de recherche fondamentale et le développement de son catalogue matières. Historiquement positionné sur la fabrication additive plastique, MMB Volum-e a réalisé une mise à jour de son parc machines avec l’intégration de la dernière génération d’imprimante 3D Figura 4. Celle-ci permet d’utiliser les derniers matériaux innovants tels que les photoréticulables (utilisés dans la stéréolithographie, technique de prototypage rapide pour fabriquer des objets solides à partir d’un modèle numérique, NDLR). L’entreprise ambitionne d’ailleurs en 2021 de renforcer son centre d’excellence dédié aux démarches d’innovation des clients et de proposer une offre de services plus étendue, en ingénierie, design et formations.

Le rebond de Dedienne Multiplasturgy Group grâce à la 3D

A Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), Dedienne Multiplasturgy Group (620 salariés/66 M€ de CA en 2019) est aussi de ces acteurs industriels à s’être spécialisés dans la fabrication additive. Fin 2019, le spécialiste normand des pièces techniques en plastique et composites a mis en place un atelier 3D complet, doté d’une machine de frittage laser EOS P 810 qui permet à l’entreprise de réaliser une production rapide et économique de pièces, en techno polymère hautes performances, directement à partir de données CAO (conception assistée par ordinateur) et sans besoin d’outillage.

Dedienne Multiplasturgy Group est l’un des premiers industriels français à se doter d’une telle machine de frittage laser pour produire des pièces en matière EOS HT-23, une poudre fabriquée à partir du polymère PEKK Kepstan d’Arkema (premier groupe chimiste français leader en chimie de spécialités et matériaux de performances) et renforcé en fibres de carbone. "Ces pièces offrent une grande résistance à faible poids et résistent à des températures très largement supérieures à 200°C. Elles peuvent également être métallisées pour apporter une continuité électrique ou servir de blindage électromagnétique", précise Pierre-Jean Leduc, président-directeur général de Dedienne Multiplasturgy Group.

Un nouvel axe stratégique qui a permis à l’entreprise de rebondir pendant la crise sanitaire. L’entreprise, qui avait vu son chiffre d’affaires reculer du fait de la mise à l’arrêt forcée de nombreux secteurs d’activité dont dépend le Groupe (Dedienne Multiplasturgy Group dépend du secteur automobile à hauteur de 40 % et du secteur aéronautique à hauteur de 30 %, NDLR), a ainsi pu lancer, grâce à son atelier Dedienne 3D et ses deux stations de fabrication additive, une gamme complète et durable de produits de protection individuelle et d’intérieur nommée "Protectiv" (masques, visières…).

Parfaite pour le sur-mesure

Spécialisée dans les protections auditives sur mesure à Condé-en-Normandie (Calvados), l’entreprise Cotral (230 salariés) utilise, elle, la fabrication additive comme axe de développement. Labellisée Vitrine Industrie du Futur en 2019, l’entreprise est passée d’une fabrication artisanale et manuelle à une production industrielle et numérique. Aujourd’hui, la société peut scanner les empreintes d’oreilles directement sur chaque futur utilisateur et grâce aux imprimantes 3D, fabriquer la protection auditive.


Pour Bernay Automation, basé dans l’Eure, la fabrication additive est un atout pour "réduire le prix final" et elle offre "une grande flexibilité dans la production". L’entreprise, spécialiste de la distribution de pièces par bols vibrants et de l’automatisation, utilise notamment cette technologie pour la réalisation de prototypes destinés aux phases de test, mais aussi en production. "Les prototypes sont réalisés dans des matériaux peu coûteux et permettent de vérifier les différentes hypothèses d’un projet dans un temps court. De même, en cas de casse, le produit peut être très rapidement refabriqué tout en étant parfaitement identique à la pièce d’origine et ce malgré la contrainte du sur-mesure."

Une académie FAN pour former de nouveaux talents

En structurant la filière, FAN va ainsi permettre de développer et d’ouvrir d’autres plateformes technologiques afin de pouvoir déployer plus facilement les usages de la fabrication additive sur les autres procédés métalliques (Cold Spray, fusion lit de poudre, dépôt de fil métallique, Binder jetting sable en fonderie). Tous ces développements autour de la filière de la 3D passent aussi par la formation de nouveaux talents. FAN va donc mettre en place une académie "FAN" regroupant tous les acteurs de la formation du territoire normand abordant la fabrication additive, comme le CESI, Esitech Rouen, Insa Rouen ou encore Normandie EcoSpace. Preuve que la fabrication additive a encore de nombreuses ressources à révéler.

Normandie # Industrie # Plasturgie # Aéronautique # Réseaux d'accompagnement # Innovation