Jean Masselin (Ressorts Masselin) : « Je passe la main à la quatrième génération Masselin »
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Jean Masselin (Ressorts Masselin) : « Je passe la main à la quatrième génération Masselin »

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Fermée pendant les quinze premiers jours de la crise sanitaire, l'entreprise Ressorts Masselin, spécialisée dans la production de ressorts haute technologie pour l'aéronautique, le spatial, la défense ou le ferroviaire, a pu rapidement reprendre ses activités grâce à la mobilisation de ses salariés et des commandes maintenues. À la tête de l’entreprise familiale depuis 1996, Jean Masselin s'apprête à passer le relais à son fils Olivier, d'ici la fin de l'année.

— Photo : S.C

« J’ai annoncé la nouvelle de mon départ en janvier, lors de notre fête de la galette avec les salariés. Je leur ai expliqué que j’effectuais ma dernière année à la tête de l’entreprise (150 salariés ; 18 M€ de CA) et que la transmission de la direction générale à mon fils Olivier prendrait effet fin 2020. La nouvelle a soulagé les salariés qui préfèrent voir une succession familiale à la tête de l’entreprise, plutôt qu’une reprise par un groupe et les incertitudes qui y sont liées. Mais, si je passe les clefs à Olivier qui a 35 ans, c’est parce que j’ai la conviction qu’il en a les capacités et la volonté.

Cela fait dix ans qu’il travaille dans l’entreprise, il a commencé en période de formation, puis a tourné dans l’usine à différents postes, comme celui de chef d’atelier des gros ressorts, puis commercial export en 2012 et enfin à la direction commerciale en 2015. À partir de ce moment-là, il est devenu mon bras droit et j’ai commencé à le former à la direction générale. Un parcours très formateur qui lui a permis de connaître toutes les facettes du métier, en plus d’être diplômé de Neoma Business School. Après en avoir discuté avec lui, je sais que deux raisons principales l’ont décidé à prendre la suite de l’entreprise qui est tenue par notre famille depuis 1933 : l’intérêt professionnel de cette aventure et la volonté de poursuivre l’histoire de l’entreprise familiale.

Il faut avoir beaucoup d’envie, de conviction et savoir s’adapter

Une famille d’industriels

Bien que notre histoire industrielle soit aussi une histoire familiale, aucun autre de mes six enfants n’a émis le souhait de prendre l’affaire en main. D’ailleurs, aucun autre n’est dans l’industrie. D’autre part, cela permet de ne pas compliquer la succession en matière de gestion de l’entreprise. Je pense que le fait d’avoir des sociétés de famille avec un seul dirigeant par génération permet d’éviter les conflits. J’ai grandi dans une famille d’industriels, mon père me faisait visiter les ateliers, ça laisse une trace forte. Défendre l’industrie française, la valoriser et en faire la promotion a très vite été important pour moi, dès mon entrée chez Masselin en 1981 comme commercial pour notre filiale de négoce. Mon père, Jacques Masselin, m’a nommé à la direction de cette filiale en 1987. Mon père et son directeur général étaient vieillissants, il fallait alors que je leur donne un coup de main. Je suis devenu adjoint du directeur général et mon père a commencé à prendre du recul comme président. En 1991, j’ai pris la direction générale et en 1996, j’ai succédé à mon père. Un parcours qui ressemble à celui d’Olivier, où l’on prend divers postes avant de prendre la direction. C’est à partir de 2017 que j’ai eu la certitude que mon fils avait les compétences et les qualités pour reprendre l’entreprise, mais il a fallu du temps. En 2019, je l’ai associé à mes travaux et à la fonction. C’est d’ailleurs lui l’artisan du quatrième projet d’entreprise 2020-2025 « Cap vers l’excellence », avec lequel nous voulons capitaliser sur notre marque et renforcer notre performance et notre expertise technique du ressort. Le plan mise aussi beaucoup sur notre capacité à être attractifs et dynamiques.

L’entrepreneuriat est une aventure semée d’embûches

De grandes satisfactions et quelques regrets

Côté bilan, une des réalisations importantes de ma présidence a été la relance de l’entreprise par un grand plan d’investissement au moment où j’en ai pris la direction. Ça a boosté la société dans tous les ateliers. C’était un acte fondateur. Puis, il a fallu structurer l’entreprise pour la norme ISO 9001 et j’ai mis en place les plans d’entreprises à cinq ans, afin de structurer notre démarche stratégique (premier projet en 2004, NDLR). Nous avons alors également entrepris de clarifier notre offre auprès des clients. L’export était un axe de développement important. Il représente aujourd’hui 25 % de notre chiffre d’affaires et nous exportons en Allemagne, en Italie, en Belgique principalement mais aussi en Chine, au Kazakhstan, en Grande-Bretagne ou encore en Inde. Nous nous sommes lancés en Inde en 2012 avec, en ligne de mire, la croissance du marché de l’énergie et de l’aéronautique, en partenariat avec un fabricant de ressorts local. Mais nous avons dû renoncer en 2018 à ce projet, pour des problèmes de culture et de compréhension mutuelle. Nous avons aussi fait l’erreur de ne pas avoir un homme à nous sur place. En 2018, nous avons investi près de 2 millions d’euros pour agrandir notre atelier de barres de torsion afin de soutenir notre activité. Nous avons aussi souscrit au programme Croissance Plus initié par Normandie AeroEspace et destiné à réorganiser notre fonctionnement. Au final, si l’entrepreneuriat est une aventure semée d’embûches, il faut avoir beaucoup d’envie, de conviction et savoir s’adapter. C’est presque parfois une question d’intuition. Cela ressemble aussi à un jeu vidéo avec des options à choisir, sauf que c’est la vie réelle. Et même s’il y a eu des moments compliqués et quelques regrets, notamment celui de ne pas avoir accéléré plus fort lorsque je faisais de bonnes années, d’avoir parfois été un peu timide. Cela dit, il y a eu beaucoup plus de satisfactions que de regrets. La société a aujourd’hui de très bons fonds propres et une stabilité économique et sociale. Et puis, je garderai un pied dans l’entreprise au sein de laquelle je conserverai un rôle de conseiller. »

 
 
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