Assise entre l’Orne et la Sarthe, l’usine du groupe espagnol Gestamp du Theil-sur-Huisne se met en ordre de bataille pour répondre aux nouveaux enjeux que lui impose son donneur d’ordres Toyota. Le constructeur automobile japonais, qui lance à la mi-2020 la production de la quatrième génération de son modèle Yaris, s’appuie en effet sur le principal site industriel de Gestamp en France pour la fourniture de pièces de structures pour son futur véhicule. Au Theil-sur-Huisne, l’équipementier espagnol a ainsi injecté 42 millions d’euros sur la période 2017-2020.
« Depuis 2018, nous avons commencé à travailler avec Toyota. L’année dernière, nous avons donc investi dans la création de neuf îlots robotisés qui seront dédiés à la marque. » Didier Magniez, directeur du site du Theil de 2017 à 2020.
Une enveloppe que l’industriel consacre à l’ensemble de ses clients constructeurs automobiles. Le site produisant en effet des éléments de caisses en blanc, des composants de liaisons au sol et des berceaux moteur alimentant les usines françaises, européennes et marocaines des principaux donneurs d’ordres du secteur. Les pièces produites sur place équipent ainsi les Renault Espace, Scénic 4 ou encore les 3008, 5008 et Citroën Jumpy de PSA. « Nous alternons une année sur deux des investissements de 15 millions et de 6 millions d’euros. Depuis 2018, nous avons commencé à travailler avec Toyota. L’année dernière, nous avons donc investi dans la création de neuf îlots robotisés qui seront dédiés à la marque », explique Didier Magniez, directeur du site, qui vient de prendre sa retraite.
Si Gestamp consacre cette année 5,8 millions d’euros à son usine ornaise, elle a réalisé en 2019 un de ses plus importants investissements sur place avec une enveloppe de 15,6 millions d’euros, dont 10 millions ont été consacrés à l’acquisition d’une nouvelle presse d’emboutissage de 2 500 tonnes de pression. « Elle est d’occasion ! Nous l’avons récupéré chez Opel suite au rachat par PSA, reprend Didier Magniez. Nous en avions déjà une, mais elle arrive à saturation. Grâce au contrat Toyota, nous sommes sûrs de remplir aussi celle-ci. » Un monstre qui a demandé six mois d’installation pour être opérationnel en décembre dernier. Douze personnes s’y affairant au quotidien.
L’usine du Theil est en effet un Gargantua industriel. 900 salariés travaillent sur les différentes lignes d’emboutissage à froid, de formage à chaud, de découpe laser, d’assemblage et de cataphorèse, réparties dans un bâtiment de 70 000 m². Ses machines dévorent chaque jour 650 tonnes d’acier et l’usine revendique une consommation électrique trois fois supérieure à celle des 1 700 habitants du Theil-sur-Huisne, brûlant autant de gaz que la ville toute proche de La Ferté-Bernard. « Sur nos métiers, nous sommes la plus grosse usine de France et l’une des cinq plus importantes en Europe », assène son directeur.
Le Theil monte en gamme
Fort d’un chiffre d’affaires de 203 millions d’euros en 2019, l’usine Gestamp maintient ses positions par l’investissement continu et par l’intégration de nombreuses tâches. « Nous fabriquons certains éléments de nos pièces, nous soudons et nous peignons également. C’est ce qui nous sauve. Pour un site comme le nôtre, l’enjeu est d’être reconduit par les constructeurs. Par exemple, quand ils nous confient un utilitaire, nous savons que nous partons pour au moins dix ans avec eux. » Avec l’arrivée de Toyota dans le portefeuille clients du Theil, c’est un apport annuel de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires qu’engrange l’usine. « C’était une volonté du groupe Gestamp de travailler avec Toyota. Leur usine de Valenciennes est appelée à devenir un site à hauts volumes de production. Et si au Theil nos deux jambes sont aujourd’hui solides, on tient toujours mieux sur trois ! », sourit Didier Magniez. Des commandes du constructeur nippon qui ruissellent également sur deux autres usines Gestamp à Pithiviers (45) et à Gouzeaucourt (59). Ce dernier site étant même appelé à doubler de taille pour approvisionner l’usine valenciennoise.
« Les standards qualité sont hauts et Toyota n’y déroge pas. »
Le groupe espagnol compte en effet sur la montée en puissance de Toyota en France. Après avoir investi plus de 300 millions d’euros en 2019 dans les futures lignes de fabrication de la nouvelle Yaris, le japonais annonce une enveloppe de 100 millions d’euros supplémentaires en 2020-2021. Une somme dédiée à la prochaine mise en production d’un nouveau véhicule hybride de type SUV. Avec ce nouveau modèle, la firme nippone entend atteindre une production de 300 000 autos par an. À titre de comparaison, les ateliers de Valenciennes ont assemblé l’année dernière quelque 224 000 Yaris. De quoi donner de belles perspectives d’avenir aux équipementiers comme Gestamp. « En revanche, cela se traduit par des exigences très fortes à notre égard. Les standards qualité sont hauts et Toyota n’y déroge pas. Ils nous imposent également d’investir dans un plan B pour prévenir d’éventuelles pannes de machines. L’acquisition d’une seconde presse de 2 500 tonnes entre dans cette logique, même si elle était de toute façon nécessaire pour le site. Toutes ces contraintes au final nous tirent vers le haut. »
60 créations de postes grâce à Toyota
Les nouvelles installations de production vont ainsi générer la création de 60 postes dans les ateliers du Theil. Or, comme ses homologues, Gestamp subit de plein fouet les pénuries de main-d’œuvre industrielle. Les profils qualifiés se font rares sur ce bassin d’emplois situé à la bordure de trois régions. Le PSE qui a suivi la reprise en 2011 par Gestamp de l’usine du Theil, alors sous la houlette de l’allemand Thyssen Krupp, a amené une perte de compétences sur le territoire. Le site souffre aussi de sa pyramide des âges. Il compte en effet 200 intérimaires et 700 salariés permanents. 220 d’entre eux ont plus de 50 ans et 284 personnes se situent entre 40 et 50 ans. De quoi s’attendre à un tsunami de départs dans les prochaines années. « Peu de jeunes sont formés à nos métiers, que nous sommes de toute façon les seuls à exercer sur ce bassin. C’est aussi très compliqué pour les managers. D’autant que pour piloter nos activités avec Toyota, nous recherchons des gens maîtrisant l’anglais », souligne Didier Magniez. Pour recruter Josep Mariné, son successeur à la tête de l’usine, il a d’ailleurs dû faire appel à un cabinet de chasseur de têtes.
Si l’entreprise parvient à embaucher par voie externe des opérateurs faiblement qualifiés, elle recourt à l’évolution interne pour les faire monter en compétences. Ainsi, 25 salariés ont bénéficié d’une mobilité interne sur l’année 2018-2019. « Nous nous appuyons sur 30 tuteurs dans l’usine pour les accompagner. Nous accueillons également 14 alternants sur le site. C’est un début, l’objectif étant d’en intégrer 40 », indique Karine Plestan-Durand, coordinatrice au développement des compétences et de la formation au sein de l’usine. Un levier vital pour Gestamp, deuxième employeur privé de l’Orne. Les équipes du Theil ont ainsi créé l’an dernier une école de formation interne pour ses nouveaux salariés et intérimaires. Une offre positionnée sur les métiers en tension que l’équipementier veut ouvrir aux autres entreprises du territoire.
350 salariés formés en 2019
Face à la pénurie de main-d’œuvre industrielle qualifiée sur son bassin, le groupe Gestamp a créé en février 2019 une école de formation au cœur de son usine du Theil. 350 salariés de l’entreprise y ont été formés depuis un an et les nouveaux arrivants, intérimaires et permanents, y bénéficient de 35 heures de formation pour faciliter l’intégration à leur poste de travail. Et Gestamp veut aller plus loin. L’équipementier porte en effet un projet de centre de formation par apprentissage au sein du site, tourné vers les métiers en tension. L’objectif étant de former des soudeurs, métalliers et outilleurs pour ses propres besoins et ceux des entreprises du territoire. « Il y a une vraie pertinence à adosser ce centre de formation à une entreprise. Compte tenu de la proximité du Mans, le Perche souffre d’un manque d’organismes de formation. Dans le même temps, des entreprises locales refusent des marchés faute d’effectif », souligne Didier Morellon, délégué à la formation pour l’Orne et le Calvados à l’UIMM Normandie. Dans cette optique, l’usine du Theil cherche à s’appuyer sur les organismes de formation et des partenaires industriels pour construire en commun une offre de formation correspondant aux attentes des entreprises locales. Ce centre de formation devrait ainsi voir le jour d’ici à 2021.
Fiche entreprise
203,2 M€ de chiffre d’affaires en 2019
Sur son site du Theil-sur-Huisne, Gestamp table sur un exercice 2020 à 204,6 M€. Si l’équipementier engrange de nouvelles activités grâce à Toyota, il subit également la délocalisation de la production de modèle phare de PSA, tels que les Peugeots 208 et 2008.
900 salariés
Deuxième employeur privé de l’Orne, Gestamp compte 200 intérimaires sur son site du Theil. L’installation de nouvelles lignes de production dédiées à Toyota vont amener la création de 60 postes au sein de l’usine.
6 usines en France
Basé en Espagne, le groupe Gestamp compte 6 usines en France, celle du Theil étant son principal site dans l’Hexagone. L’équipementier réalise 8,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, employant 43 000 personnes répartis sur plus de 100 sites dans 23 pays.
