Eric Berthod : « Paris-Normandie va bénéficier des synergies du groupe Rossel »
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Eric Berthod président de la société éditrice de Paris-Normandie Eric Berthod : « Paris-Normandie va bénéficier des synergies du groupe Rossel »

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Repris par le groupe de presse belge Rossel, le quotidien Paris-Normandie devrait rapidement bénéficier des outils de développement de son nouveau propriétaire, plus particulièrement dans le domaine digital. Eric Berthod, président de la nouvelle société éditrice et régie publicitaire de Paris-Normandie et directeur général délégué du groupe Rossel-La Voix, revient sur les raisons de la reprise par Rossel et pose les bases de la nouvelle stratégie du quotidien normand.

— Photo : Stéphanie Peyron / PN

Après une première tentative infructueuse en 2017, pourquoi le groupe Rossel (3 700 salariés, 500 M€ de CA), propriétaire de La Voix du Nord, était-il si attaché à la reprise de Paris-Normandie, placé en liquidation judiciaire ?

Eric Berthod : Je le disais déjà il y a trois ans, le secteur de la presse est obligé de se concentrer. Lorsque j’étais directeur général adjoint de Paris Normandie, sous l’ère Xavier Ellie (2012-2017, NDLR), nous avions déjà du mal, seuls, à dégager un excédent brut d’exploitation suffisant. Après avoir passé trois ans chez Rossel, je me rends compte que je n’avais pas tort. Un journal normand, c’est un ancrage important à conserver, mais il faut le faire avec un groupe média qui peut lui assurer les moyens de son développement. Ainsi, le groupe Rossel investit depuis des années dans le numérique, un développement qui coûte plus cher que le développement industriel traditionnel et pour lequel il faut investir tous les ans. Un poste de dépenses très important pour lequel Rossel investit 20 millions d’euros chaque année, et pour autant, nous n’avons toujours pas trouvé le bon modèle économique dans le numérique.

Il faut donc des moyens pour faire avancer un titre de presse, c’est pourquoi aujourd’hui, un journal doit être adossé à un groupe de presse pour fonctionner. Rossel a mis en place une machine à reprendre des titres, nous sommes structurés pour faire des synergies entre les sociétés françaises et belges du groupe. À force de massifier, on continuera à dégager des bénéfices pour investir. De plus, Paris-Normandie est limitrophe avec notre zone qui comprend Le Courrier Picard, il y a donc une vraie logique avec ce rachat.

Qu’en est-il du fonctionnement de la publicité ?

E.B : Au niveau publicitaire, nous conservons une régie locale. Ce que nous souhaitons, c’est que chaque patron éditeur du groupe ait la main sur la régie publicitaire locale. C’est le rôle de Jean-Dominique Lavazais, directeur général et directeur de la publication de Paris-Normandie, également aux mêmes fonctions pour Le Courrier Picard (l’ensemble des deux titres a réalisé 60 M€ de chiffre d’affaires en 2019, NDLR). Nous avons également une structure experte dans les process et outils numériques, basée à Lille (siège du groupe Rossel-La Voix, NDLR), qui vend la totalité de la publicité numérique en fonction de l’audience de nos titres. Enfin, nous avons une cellule de télévente pour les petits annonceurs, basée à Troyes, et qui travaille pour l’ensemble du groupe.

Dans le domaine des ventes de journaux, c’est la même logique, Paris-Normandie va intégrer une direction du commerce des ventes qui existe pour l’ensemble du groupe. L’objectif est de hisser le niveau d’expertise sur l’ensemble des moyens de ventes et de diffusion pour l’ensemble de nos titres, grâce à plus d’échanges et de bonnes pratiques. Cela doit aussi permettre de favoriser les évolutions de carrière. L’effet groupe joue à fond. L’objectif est de remotiver les troupes de Paris-Normandie en leur montrant qu’ils intègrent un groupe professionnel du métier.

Quelles ont été les conditions de cette reprise ?

E.B : Ce n’est pas un hasard si, à l’arrivée, sur neuf dossiers de candidatures à la reprise, seuls deux étaient encore présents (le tribunal a préféré l’offre de Rossel à son concurrent, belge également, le groupe IPM, soutenu par la holding de l’ancien propriétaire Jean-Louis Louvel, Fininco, NDLR). Ce sont les deux qui connaissaient le mieux le dossier, les autres ont jeté l’éponge, faute d’information suffisante. Sur ce point, ma connaissance antérieure du journal a été un atout pour bien appréhender le dossier. Après, ce n’est pas évident de faire les arbitrages, ce sont des décisions financières. C’est toujours plus ou moins juste et cela peut être approximatif par manque d’information.

« La première chose à faire est de remotiver et redonner confiance aux équipes »

Pour prendre nos décisions, nous avons réalisé un benchmark par rapport au Courrier Picard, territoire ou il y a également deux départements à couvrir, comme pour Paris-Normandie avec la Seine-Maritime et l’Eure. Nous avons notamment estimé que 80 journalistes était la bonne jauge pour Paris-Normandie. De son côté, la régie commerciale était à peu près bien dimensionnée et ensuite nous avions déjà les infrastructures pour ce qui concerne les fonctions support. Au total, il nous a fallu supprimer 60 emplois sur 240 (dont plus d’une dizaine à la rédaction et la moitié des effectifs de l’imprimerie, NDLR).

Quelle va être la stratégie de développement pour Paris-Normandie ?

E.B : Nous n’avons pas de recette miracle. La première chose à faire est de remotiver et redonner confiance aux équipes. Et j’ai déjà trouvé des gens avec le sourire en arrivant. Ensuite, nous allons lancer un département études/marketing pour disposer d’un panel lecteurs de 300 personnes, afin de les interroger environ une fois par mois sur ce qui fonctionne ou pas et de recueillir leurs propositions. Nous allons également réaliser des études sur les bassins de vie. Tout cela devrait être opérationnel fin septembre. Nous souhaitons aussi discuter avec la rédaction pour avoir son ressenti et ses idées. Ensuite, nous mixerons le tout. Pour septembre, nous voulons également modifier le nombre d’éditions pour, sans doute, arriver à cinq éditions au total qui pourraient être Rouen, Le Havre, Yvetot, le littoral et Evreux.

Avez-vous des velléités d’extension sur Caen ?

E.B : Avoir de l’information en provenance de Caen est une évidence, ne serait-ce que par rapport à la Région Normandie, mais Paris-Normandie propose déjà des informations sur Caen en pages région. Mais notre sujet, ce sont les deux départements historiques de Paris-Normandie, l’Eure et la Seine-Maritime. De plus, le Calvados, c’est le territoire de Ouest-France. Nous sommes déjà partenaire avec eux à 50/50 sur 20 Minutes, et nous avons racheté avec Ouest-France la société de production vidéo Digiteka. Nous avons l’habitude de monter des actions avec Ouest-France et notre intention n’est pas de nous fâcher avec eux.

Quels autres changements peut-on attendre pour Paris-Normandie ?

E.B : Si on peut coupler le chantier des éditions avec celui d’une nouvelle maquette, pourquoi pas ? C’est à l’état de questions. Nous allons aussi proposer de nouveaux outils digitaux, comme une application mobile qui fait défaut aujourd’hui. Nous voulons apporter ce type d’outils de base. Nous allons aussi réfléchir à relancer PN TV, la Web TV du journal d’ici septembre.

L’un des autres changements importants concernera Liberté Dimanche. Nous n’allons pas conserver ce format. Paris-Normandie sera un journal unique avec un fonctionnement 7 jours sur 7. Dans Liberté Dimanche, il y avait plus de reportages que dans le reste de la semaine au sein de Paris-Normandie. Pourquoi n’offrir cela que le dimanche et pas le reste de la semaine ? Tout le monde doit travailler ensemble, de manière harmonieuse, l’équipe doit être unifiée.


Le groupe Rossel, troisième acteur de la presse quotidienne en France

Rossel-La Voix, filiale du groupe Rossel en France, se positionne comme le troisième acteur de la presse quotidienne régionale avec une diffusion quotidienne en France de 400 000 journaux et une audience digitale mensuelle de plus de 45 millions de visites. Après avoir repris à la Socpresse La Voix du Nord en 2005, le groupe s’est diversifié dans la radio, la télévision régionale, l’événementiel, et possède des participations dans le quotidien d’information générale gratuit 20 Minutes, le magazine Psychologies et la société de production vidéo Digiteka. Propriétaire du quotidien belge Le Soir, le groupe Rossel (3 700 salariés, 500 M€ de CA), déjà candidat à la reprise de Paris-Normandie en 2017, a repris plusieurs quotidiens ces dernières années dont Le Courrier Picard (2009) et L’Union de Reims (2012). Avec l’acquisition de Paris-Normandie, le groupe Rossel entend compléter sa présence au Nord, à l’Est et à l’Ouest de Paris.

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