Grand débat national : « On nous fait beaucoup de promesses... »
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Isabelle Bossart directrice générale chez Optical Discount Grand débat national : « On nous fait beaucoup de promesses... »

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Isabelle Bossart dirige quatre magasins d'optique, 3 Alain Afflelou et 1 Optical Discount, une enseigne du Groupe Afflelou. Basés dans le Pas-de-Calais, ces établissements emploient au total une vingtaine de salariés. Convaincue que les dirigeants de TPE et PME ne sont pas assez sollicités par le gouvernement, Isabelle Bossart reste toutefois dubitative face au Grand débat national. Explications.

Pour Isabelle Bossart, directrice générale chez Optical Discount dans le Pas-de-Calais, "avec le Grand débat national le gouvernement ne doit pas seulement récupérer la confiance des Français mais aussi celle des petites et moyennes entreprises." — Photo : Isabelle Bossart

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Le Journal des Entreprises : Pensez-vous que ce "Grand débat national" constitue une opportunité pour les entreprises ?

Isabelle Bossart : Je m'inscris dans la catégorie des petites et moyennes entreprises et je voudrais souligner que pour nous, la tâche n'est pas facile. Je suis apolitique mais je trouve que, depuis plusieurs années, on nous fait beaucoup de promesses... À force, une fatigue morale s'installe auprès des dirigeants de TPE-PME, qui se sentent à la fois isolés et incompris. Nous sommes au cœur de l'activité économique française et malgré cela, nous n'avons aucune instance représentative auprès du gouvernement. Quand on voudrait être entendu, on ne l'est pas.

« Il faut plus de communication entre l'État et les TPE-PME. Aujourd'hui, nous passons notre temps à nous demander ce qui va encore nous tomber dessus… »

Le gouvernement ne doit pas seulement récupérer la confiance des Français, mais aussi celle des petites et moyennes entreprises. L'une des façons d'y parvenir serait d'organiser, de temps en temps, un référendum pour nous demander notre avis, avant de lancer de nouvelles mesures. Le gouvernement ne nous demande jamais ce que nous attendons. Résultat, nous passons notre temps à nous demander ce qui va encore nous tomber dessus… Il faut plus de communication entre l'État et les TPE-PME, ce qui permettrait aux politiciens de ne pas mettre en œuvre un savoir uniquement livresque. Quand je vois des hommes politiques incapables de donner le prix d'une baguette de pain ou le montant du SMIC, je trouve ça lamentable...

Dans le cadre du Grand Débat national, Le Journal des Entreprises donne la parole aux dirigeants d'entreprise.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Quels sont les sujets que vous souhaitez voir évoluer grâce à ce type de débat ?

I.B. : L'écologie, d'abord. Les pays nordiques ont su mettre en place certaines mesures, alors pourquoi avons-nous pris un retard aussi important en France ? L'un des soucis, selon moi, c'est que dès qu'il y a un changement de gouvernement, ce qui a été fait par le précédent est systématiquement défait. Or, les mesures pour l'environnement doivent s'inscrire dans la continuité. Et être cohérentes avec le quotidien des Français : quand on parle de voiture électrique, il faut savoir que ce n'est pas si évident que ça de changer de voiture. En temps de guerre, on faisait rouler les véhicules à l'alcool de betteraves et ça marchait très bien… Il faudrait aussi renforcer la gratuité des transports publics, comme à Dunkerque, ça c'est une très bonne mesure.

« Trop de social tue le social. Les personnes qui se lèvent pour un SMIC doivent avoir plus d'avantages sociaux que les personnes au RSA. »

Ensuite, il faut revaloriser le travail. Trop de social tue le social. Autour de moi, plusieurs commerçants cherchent sans succès des salariés et certaines entreprises finissent par aller chercher de la main-d'œuvre à l'étranger, malgré le taux de chômage en région. Il faut que les personnes qui se lèvent pour un SMIC aient plus d'avantages sociaux que les personnes au RSA, pour que la question de rester chez soi ne se pose pas. Il faut aussi revaloriser les études courtes auprès des jeunes, cesser de considérer que les formations professionnalisantes sont pour les mauvais élèves...

Enfin, je voudrais voir évoluer la question des inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde du travail. Mais nous en sommes loin : le gouvernement lui-même n'applique pas la parité. En France, nous n'avons encore jamais eu de femme à la tête de la République… Il y a pourtant des femmes de pouvoir chez nos voisins allemands ou anglais. Sans compter les écarts de salaires qui persistent. J'ai été une jeune femme chef d'entreprise et très souvent, mes interlocuteurs, en me voyant, avaient le réflexe de demander à parler à la direction…D'ailleurs, les femmes chefs d'entreprise, il n'y en a pas tant que cela. Les femmes sont pourtant complémentaires des hommes dans le monde du travail.

Vous trouvez donc que le "Grand débat national", dans sa forme actuelle, n'est pas suffisant ?

I.B. : Je pense qu'il manque une certaine représentativité dans ce débat. Qui va vraiment s'exprimer ? Pour avancer, il faut poser les bonnes questions aux bonnes personnes. Il faudrait organiser les choses par tranches représentatives de la population française : les dirigeants de TPE-PME, les étudiants, les personnes âgées, les femmes, etc. Ce n'est pas si compliqué que ça à mettre en œuvre sur Internet. Je trouve que ce Grand débat reste trop flou dans son fonctionnement. De manière générale, je pense qu'il faut donner moins de pouvoir au gouvernement pour en redonner aux Français, en organisant notamment davantage de référendums sur les sujets importants.

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