Olivier Le Nézet : « Il va falloir trouver de nouveaux circuits »
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Olivier Le Nézet président du comité des pêches de Bretagne Olivier Le Nézet : « Il va falloir trouver de nouveaux circuits »

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Président du Comité des pêches de Bretagne et du port de pêche de Lorient, Olivier Le Nézet pointe la forte exposition de la filière bretonne au Brexit. Selon lui, elle doit repenser sa colonne vertébrale commerciale en revoyant sa relation avec les ports irlandais. Les ports régionaux sont oubliés par le plan de relance européen, déplore-t-il également.

— Photo : Xavier Eveillé

Comment les pêcheurs français accueillent l’accord de libre-échange conclu in extremis ?

Olivier Le Nézet : C’est un bon accord pour éviter un non-accord. La continuité avec les eaux britanniques est maintenue, même s’il reste à régler la question des zones anglo-normandes et des zones des six-douze milles. Les pêcheurs européens peuvent continuer à pêcher dans les eaux britanniques jusqu’en juin 2026 (avec une baisse des captures de 25 % quand les Britanniques réclamaient 80 %, NDLR). C’était primordial pour les pêcheurs de Bretagne nord mais aussi important pour les gros armateurs sud-bretons, comme la Scapêche, qui ont des bases avancées en Écosse, et les Normands. La pêche au large des îles britanniques, très poissonneuses, c’est la colonne vertébrale de la place commerciale de Bretagne, comme des régions maritimes de la Manche et de la Mer du Nord.

Comment se passe concrètement l’après-Brexit ?

O. L.N. : Les flux sont plus tendus que jamais. La délivrance des certificats aux douanes britanniques, notamment en Écosse, se fait au compte-goutte. Les procédures sont actuellement ralenties car il y a un certain zèle de nos amis britanniques. Il faut que ça se calme pour réduire les étapes de transit. Nos mareyeurs ont aussi besoin d’acheter du poisson aux Britanniques, cela n’est donc pas dans leur intérêt ! L’accord prévoit d’ailleurs des mesures de rétorsion s’il n’est pas respecté outre-Manche (le ministre des Affaires européennes Jean-Yves Le Drian a d’ailleurs donné rendez-vous dans trois mois pour dresser un état des lieux sous forme de comité de suivi du Brexit avec les pêcheurs, NDLR). L’autre enjeu, c’est la redéfinition des quotas dès 2021. Ce dossier est sur la table et attendu en Conseil des Ministres.

Quelles sont les régions les plus impactées ?

O. L.N. : Toutes les régions de la Manche, mais en particulier la pêche bretonne, qui pèse 50 % du chiffre d’affaires français, pour une flotte de plus d’un millier de navires. La Bretagne risque d’être l’un des grands perdants du Brexit : non seulement la ressource au large du Royaume-Uni sera moindre, mais en plus les pêcheurs de Normandie et des Hauts-de-France vont aussi venir pêcher plus à l’ouest et partager la ressource près des côtes bretonnes. Un autre danger : le plan de relance européen ne retient que les ports nationaux ! Il est fondamental que les ports régionaux, qui sont nombreux, soient aussi associés.

La pêche est-elle partie pour des années de turbulences ?

O. L.N. : Il faut se donner la possibilité que le Brexit devienne une opportunité. C’est fondamental qu’il y ait des outils financiers avec le plan de relance européen, mais cela ne suffira pas. Il faut trouver des alternatives. Les Bretons pourraient se tourner vers les Irlandais qui sont isolés et demandeurs. Il va falloir trouver de nouvelles façons d’accéder à la ressource, redéfinir les espèces à privilégier… Et comme pour la pandémie, le Brexit va rebattre les cartes. Ceux qui seront force de propositions seront les gagnants de demain.

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