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Loïc Cueff : « Le tribunal de commerce doit davantage s'ouvrir sur l'extérieur »
Interview Lorient # Juridique

Loïc Cueff président du tribunal de commerce de Lorient Loïc Cueff : « Le tribunal de commerce doit davantage s'ouvrir sur l'extérieur »

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Loïc Cueff est le nouveau président du tribunal de commerce de Lorient. Fondateur de l’agence de communication LC Design, il évoque les raisons de son engagement, son nouveau quotidien et sa volonté d’ouvrir plus cette juridiction.

Pour Loïc Cueff, nouveau président du tribunal de commerce de Lorient, "il faut démystifier l’image de l'institution" auprès des dirigeants d'entreprise — Photo : Ségolène Mahias

Le Journal des Entreprises : Comment devient-on président d’un tribunal de commerce ?

Loïc Cueff : C’est le fruit d’un cheminement et d’engagements. Je suis un enfant de Lorient Initiative, où j’ai été administrateur et parrain pendant de longues années. Je suis également chef d’entreprise depuis 25 ans. Je mesure bien que nos activités connaissent des hauts et des bas. La vie de dirigeant n’est pas un long fleuve tranquille. Au fil des rencontres et des échanges, j’ai découvert le tribunal de commerce de Lorient. Piqué par une certaine curiosité, j’ai eu envie de postuler. Ma candidature a été retenue.

Depuis trois ans, j’étais juge consulaire. Ayant eu le soutien de juges, je souhaitais prendre la présidence. Le calendrier a été quelque peu bousculé, à la suite de la disparition accidentelle du président Maurice Kerboul. J’ai donc été élu à la tête du tribunal le 12 juin.

Vous êtes aussi chef d’entreprise. Comment allez-vous concilier vos deux missions ?

L. C. : Je jongle avec deux calendriers. Je fonctionne avec un agenda partagé auquel accèdent mes salariés. Être président d’un tribunal de commerce ou juge consulaire est un engagement. D’autant plus qu’il est bénévole. Ceci explique peut-être pourquoi seulement un tiers des juges sont encore en activité.

Outre mon organisation par rapport à l’entreprise, j’ai aussi donné une délégation totale à mon vice-président. Cela peut pallier certaines contraintes professionnelles urgentes que je pourrais avoir.

Quelle place occupe le tribunal de commerce de Lorient au regard des autres tribunaux de commerce bretons ?

L. C. : Lorient est le deuxième tribunal de commerce de Bretagne en termes d’affaires traitées, juste derrière Rennes. 23 juges officient à Lorient et nous pouvons compter sur l’appui précieux des 15 personnels du greffe. Deux nouveaux recrutements sont d’ailleurs en cours au greffe. Notre périmètre s’étend sur 115 communes morbihannaises. Chaque tribunal travaille sur son secteur avec cette notion de confidentialité et surtout d’accessibilité pour le justiciable.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le tribunal de commerce est assez fermé sur lui-même ?

L. C. : Je réponds que la confidentialité des affaires l’explique sans doute. Et je rajouterai que, même au sein du tribunal, nous sommes cloisonnés. Et ceci est valable pour tous, président du tribunal inclus aussi évidemment. Et ces postulats ne sont pas incompatibles, pour moi, avec la nécessité d’ouvrir la juridiction sur l’extérieur.

« Le tribunal de commerce est encore trop souvent vu comme un tribunal de sanction, alors que des solutions peuvent être mises en place. »

Il faut démystifier l’image du tribunal de commerce. L’effet "robes noires" est impressionnant. Nous voyons encore des dirigeants expérimentés être déstabilisés quand ils sont dans cette enceinte. Or nous sommes là pour les protéger.

Envisagez-vous de changer les choses ?

L. C. : Nous avons la volonté d’ouvrir le tribunal. Cela va passer par des rencontres et de la communication auprès de la CCI, de l’UE-Medef du Morbihan, la Chambre de métiers et de l’artisanat, les réseaux, les fédérations professionnelles et aussi par des portes ouvertes. Je souhaite aussi que nous soyons ouverts aux innovations. Un tribunal de commerce est très organique, mais il n’est pas rigide.

Comment allez-vous vous faire connaître des dirigeants d’entreprise ?

L. C. : Il va falloir faire preuve de pédagogie, c’est un travail de longue haleine. Quand je n’étais pas encore juge consulaire et uniquement chef d’entreprise, je ne connaissais pas les rouages du tribunal de commerce et je n’imaginais pas l’aide qui pouvait être apportée. Le tribunal de commerce est encore trop souvent vu comme un tribunal de sanction, alors que des solutions peuvent être mises en place. Mais pour cela le dirigeant doit venir nous voir tôt. Or la juridiction est souvent sollicitée trop tardivement.

Les juges consulaires sont des juges non-professionnels. Pensez-vous que cela doive changer ?

L. C. : Les juges consulaires sont bénévoles à 100 %. Nous payons même nos codes ! Nous sommes issus du monde de l’entreprise, avons une bonne connaissance du tissu économique local… En ayant des magistrats professionnels, le risque est d’être totalement déconnecté de la réalité des dossiers pour lesquels nous sommes saisis.

Parvenez-vous à avoir des juges consulaires femmes ?

L. C. : Elles sont cinq actuellement (sur 23, NDLR). Ce serait bien de trouver plus de candidates pour avoir une plus grande mixité. D’ailleurs, je serai particulièrement fier qu’une femme prenne la présidence après moi.

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