Morbihan
Le prestataire maritime SerEnMar se déploie à vitesse grand V
Morbihan # Maritime

Le prestataire maritime SerEnMar se déploie à vitesse grand V

S'abonner

En moins de quatre années, la jeune start-up lancée à la Colloc de Lorient SerEnMar a constitué toute la palette en ingénierie et en logistique marine pour devenir « un guichet unique de la croissance bleue ». Un essor bâti sur une expertise forte, des choix stratégiques bien pensés… et des opportunités.

— Photo : @ Ship as a service/Ideol

Fondée en 2016 par Hervé Allaire, la société lorientaise SerEnMar et sa marque Ship as a Service connaît des développements aussi rapides que prometteurs. Après avoir assis ses capacités d’affrètement en mer, notamment dans l’off-shore pour des missions scientifiques ou des opérations liées à l’essor des énergies marines renouvelables, SerEnMar a composé sa propre compagnie maritime en acquérant cet été la branche marine de la Comex, à Marseille, soit 11 salariés sur la quarantaine que compte le groupe. « Avec nos 9 salariés, c’est un peu David qui mange Goliath, sauf qu’on ne se battait pas », plaisante le président de la jeune société.

Guichet unique de la "croissance bleue"

Avec cette acquisition, Hervé Allaire voit en effet le développement de sa société de services et d’affrètement maritime accélérer. Cet ancien cadre de l’État-Major des Fusiliers marins et commandos à Lorient, passé par la direction régionale de Voltais (Eren) et par la coentreprise de Total et EDF Sunzil, comptait déjà de nombreux clients. Il assurait ainsi l’exploitation technique de petites vedettes d’intervention pour le groupe français CGG, spécialisé dans le sismique, quand s’est présentée une opportunité plutôt rare : pouvoir acquérir la filiale marine de la Comex, entreprise mythique créée par Henri-Germain Delauze en 1962 et qui a totalisé jusqu’à plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires à son apogée. C’est à la Comex que revient l’invention des caissons hyperbares pour l’industrie sous-marine mais aussi nucléaire. La branche marine de la Comex avait également un carnet de commandes bien fourni dans la Recherche et développement en eaux profondes avec une série d’opérations scientifiques et techniques menées dans les Calanques.

« Un tel soutien des actionnaires est rare dans un secteur très financé sur fonds publics »

Accélération du plan de développement

Grâce à cette acquisition inattendue, SerEnMar dispose de deux navires hauturiers pré-équipés, en plus de plusieurs robots sous-marins téléopérés (ROV) et de drones marins. L’un des navires, jusqu’alors basé à Marseille, est désormais rattaché à Lorient en vue des importants développements attendus ces prochaines années dans l’éolien en mer flottant et posté : « Il ne s’agit pas seulement de disposer de moyens techniques. Nous avons aussi les capacités en ingénierie. Assistance à maîtrise d’ouvrage, étude et rédaction de cahiers des charges, formation, prise en main de navires, exploitation machine… C’est même par tout cela que nous avons commencé », rappelle Hervé Allaire, qui s’est très tôt entouré de vétérans de la Défense ou de la marine marchande. Cette opportunité d’achat lui a aussi permis d’accélérer son plan de développement opérationnel, en particulier ses moyens d’intervention en mer : l’entreprise était en quête d’un nouveau navire de service autonome et d’un robot sous-marin téléopéré. Elle avait déjà investi 50 000 euros sur fonds propres pour « refiter » le Sterenn Glaz son principal bateau opérationnel. Une avance remboursable de 300 000 euros avait été octroyée par la Région Bretagne, complétée par une subvention de 60 000 euros afin d’engager la suite des investissements. « Nous mobilisons aussi beaucoup de fonds propres avec les actionnaires », indique Hervé Allaire.

Clients au rendez-vous

Toujours discrète sur son chiffre d’affaires, estimé toutefois à plus d’un million d’euros en 2019 avec une forte croissance attendue pour 2020, SerEnMar compte d’ores et déjà de nombreuses réalisations à son actif comme la plateforme houlomotrice WaveGem de GEPS Techno, qu’elle a installée en 2019. L’entreprise a aussi déployé le Minibex qui a réalisé le survey (étude marine et cartographique) des lignes d’ancrage et du câble d’export de l’éolienne flottante Floatgen de Ideol, au large du Croisic. Le rachat des activités de la Comex enrichit également le portefeuille du groupe avec en particulier des missions scientifiques en eaux profondes au large des Calanques. Les projets éoliens au large de Groix et de Belle-Île intéressent également l’entreprise morbihannaise. Fort désormais de vingt salariés, le Lorientais peut ambitionner d’importants marchés dans les énergies marines renouvelables : « Le calendrier est enfin le bon. Les énergies marines renouvelables bénéficient des effets de bord de la Covid-19. Le virage de la transition écologique tant attendu semble enfin pris », constate le président de la société, convaincu que le « timing » est un critère décisif, en particulier dans l’industrie marine et l’industrie verte. Les déboires rencontrés récemment par certains acteurs comme l’entreprise Le Béon, dans le pays de Lorient, en sont un triste exemple. Le retard à l’allumage des pouvoirs publics dans les énergies marines renouvelables a fait consommer beaucoup de trésorerie à bien des entreprises.

Cap sur l'éolienne flottante Floatgen au large du Croisic — Photo : SerEnMar / Ideol

Perspectives dans les énergies marines renouvelables

L’horizon enfin plus dégagé du fait du soutien réaffirmé de l’État, le marché des EmR s’avère considérable : en Bretagne, le pacte électrique breton ambitionne de porter la part des énergies renouvelables de 18 % de la production à 30 %. Il va essentiellement reposer sur l’essor de l’éolien flottant. Le seul parc de Groix-Belle-île devrait couvrir à terme 10 % de la consommation électrique bretonne avec une vingtaine d’éoliennes flottantes d’environ 200 mètres de hauteur chacune. D’autres débouchés se profilent aussi en Méditerranée dans le Golfe du Lion et à l’export. Reste à attendre néanmoins l’issue du débat national lancé sur le projet de Groix-Belle Île.

L’entreprise ne mise pas seulement sur ces marchés : « Le chiffre d’affaires est équilibré entre les missions pour la connaissance des milieux vivants marins, la caractérisation des fonds marins et les EmR », situe Hervé Allaire.

« Se positionner sur les trois façades maritimes était essentiel. »

Concurrence nord-européenne

Face à SerEnMar, peu d’acteurs sont en ordre de bataille sur ces marchés de la prestation maritime en France hormis des gros opérateurs d’affrètement, plus axés sur les gros volumes, la logistique et le commerce maritimes. Dans le monde de la prestation scientifique ou sur-mesure, l’essentiel de la concurrence est clairement nord-européenne. Des pays comme les Pays-Bas, la Norvège ou le Royaume-Uni disposent de longue date d’un réseau de prestataires issus du monde de l’offshore pétrolier et gazier en mer du Nord. Le positionnement plus ciblé sur les énergies renouvelables et les missions scientifiques (caractérisation des fonds marins et des espèces) est l’un des atouts de l’entreprise bretonne. Le choix stratégique de disposer de capacités d’intervention sur les trois mers (Manche, Atlantique, Méditerranée) apparaît aussi comme un facteur de différenciation concurrentielle face à ces acteurs aguerris du nord de l’Europe. Tous ne disposent pas de représentations et de moyens d’intervention dans le sud du continent.

SerEnMar, qui avait rejoint le Village by CA Morbihan en 2019, s’est également dotée de nouveaux bureaux près du port de pêche et du port de commerce : l’entreprise a quitté l’avenue de La Perrière pour la rue Maurice Le Léon, près de l’anneau de la criée de Keroman, où elle dispose de capacités de stockage de matériel mieux dimensionnées. SerEnMar est désormais en ordre de bataille.

Morbihan # Maritime